Dans la guerre menée contre le terrorisme et sa définition subjective, liée généralement à l’intérêt géopolitique de chaque acteur politique, il est devenu difficile pour une catégorie de personne de faire la différence entre l’acte terroriste et les autres crimes qui menacent la collectivité internationale. Les infractions graves se ressemblent lorsqu’il y a lieu d’analyser leur degré d’atrocité et de violence. Mais chacune est commise dans des circonstances particulières et pour des finalités qui lui sont spécifiques.

 Les mafias au niveau interne et transnational, utilisent des procédés qui sont semblables à ceux des terroristes, mais pour l’argent. Les mafieux sont jugés par des tribunaux ordinaires.  De même, certains seigneurs de guerre ou Chefs militaires font de même, pour défendre une idéologie, mais leur infraction est classée dans la catégorie abordée par le droit des conflits armés. Ce type d’infraction est jugé par une Cour Pénale internationale ad hoc, crée pour la circonstance.  

Dans tous les cas, le Jihad proclamé par les terroristes qui se cache derrière la religion, demeure une infraction terroriste, jugée par des juges qui ont eu une formation spécifique à la lutte contre le terrorisme. Certains Etats ont des tribunaux dédiés à ce type d’infraction, d’autres ont juste des chambres au sein des tribunaux ordinaires qui sont compétents en la matière.  Seront étalés succinctement dans cet article, des comparaisons entre le crime organisé et le terrorisme (1), le terrorisme  et le crime  contre l’humanité ou le crime de guerre  (2) et  l’infraction  terroriste au nom du  djihad  (3).

1) Le crime organisé et le terrorisme 

La Convention des Nations  Unies dans la lutte contre la criminalité transnationale[1],  annonce qu’une infraction est transnationale quand : « 

-Elle est commise dans plus d’un Etat.              

-Elle est commise dans un Etat mais qu’une partie substantielle de sa préparation, de sa planification, de sa conduite ou de son contrôle a lieu dans un autre Etat ;  

-Elle est commise dans  un Etat mais  implique un groupe criminel organisé qui se livre à des activités criminelles dans plus d’un Etat ;

-Elle est commise dans un Etat, mais a des effets substantiels dans un autre Etat. »    

Certes, si le crime organisé est le plus souvent utilisé, pour des raisons financières, l’utilisation de la force à grande échelle est d’ordre politique. C’est aussi l’activité choisie de deux groupes, qui fait de l’un terroriste ou de l’autre criminel. Les deux catégories ont des similitudes dans les méthodes utilisées, soit par le recours aux armes et aux explosifs, soit par la prise d’otages ou l’enlèvement, la séquestration, ou le recours à des moyens financiers illégaux pour monter leurs opérations.       

Les deux, procèdent aux falsifications des documents. Ils ont le caractère universel, les Etats essayent de contrôler leur financement. C’est la raison pour laquelle le blanchiment d’argent, via certaines banques ou réseaux, est devenu plus contrôlé qu’auparavant, avec des instruments juridiques nationaux et transnationaux, puis grâce à une coopération interétatique très étroite. On peut aussi soutenir que les deux groupes cherchent de l’éclat derrière leurs opérations, en la médiatisant le maximum, pour que l’Etat les prenne en considération, lors des revendications avec pour résultante une population angoissée et terrifié.

Certaines divergences, existent entre le crime organisé et le terrorisme.  Tandis que le terroriste est en quête d’un terrain d’instabilité social, le criminel lui en revanche cherche la stabilité pour la prospérité des affaires dans un Etat stable, mais corrompu. Le terroriste prend en général, l’argent des associations de bienfaisance et de charité, qui sont légales, pour l’investir dans ses actions illégales. Seulement   parfois, la source de l’argent provient de la vente des stupéfiants. Il n’a pas besoin de grandes sommes, pour fabriquer ses engins explosifs ou assassiner quelqu’un. Les finances sont souvent  utilisées, dans  la  formation et le recrutement. Alors que le réseau du crime organisé[2], gagne l’argent illégalement pour l’investir dans des affaires souvent légales, qu’on qualifie couverture, pour s’intégrer dans la société civile.  

Par contre le crime organisé peut perdurer dans l’espace et le temps. Ce parallélisme entre les deux fauteurs, laisse entendre, que s’ils  ont des divergences et des convergences, ils demeurent pour autant, des sujets de développement et d’étude du droit pénal national et  international. Certains Etats sont incontrôlables par leurs gouvernements. Les groupes terroristes s’arment jusqu’aux dents et acquièrent  les moyens de technologie de l’information. Il est devenu plus que nécessaire d’accentuer la coopération bilatérale et multilatérale entre les responsables des renseignements et les autres services de répression. L’armée est obligée d’être impliquée par le biais de campagnes terrestres ou d’opérations ciblées par air. Chaque Etat est appelé, dans le cadre de la coopération, à servir ses intérêts stratégiques et particulièrement ceux liées au volet sécuritaire. Un crime organisé peut toujours cacher des délits terroristes. Un réseau terroriste peut contracter  le diable afin d’arriver à ses objectifs.

2) Le terrorisme  et le crime  contre l’humanité ou le crime de guerre

Pour ce qui est du terrorisme et  du  crime  contre  l’humanité[3], ils peuvent se traduire par des crimes inhumains, répétés plusieurs fois et habituellement contre une catégorie  humaine spécifique qui n’est pas de la même race ou ethnie, sachant, que l’élément matériel du crime contre l’humanité, s’exécute selon  une  décision politique planifiée à l’avance par  un  organisme structuré ou par un Etat. Le  terrorisme  possède les  deux conditions citées, à savoir  la répétition  des actes atroces ou  de  terreur,  qui sont commis par un groupe structuré et  organisé. C’est le  cas d’un mouvement  terroriste  donné.         

La doctrine se partage sur la différence entre crime contre l’humanité ou crime  de guerre  et entre le terrorisme. Car, concernant le crime  de guerre, il  demeure du domaine du droit des conflits armés, du « Jus in bello » ou du droit international humanitaire (DIH). Pour  le DIH, on entend par  conflit armé,  l’existence de deux  forces distinctes en présence au minimum. Lorsqu’il  y a un conflit armé, les civils tués par un bombardement peuvent faire l’objet en  droit  humanitaire de dommages  collatéraux. Ce qui n’est pas le cas des terroristes, qui ne sont pas une force  reconnue et tout acte criminel, venant de leur action, est considéré un acte terroriste. 

Au lendemain  du deuxième  conflit mondial  le tribunal de Nuremberg[4],  a ajouté  le  terrorisme  aux  crimes de guerre, en  le  définissant  comme  suit : « les violations  de  lois  et  coutumes de la  guerre, qui comprennent,  sans  y être  limitées, les  assassinats ,les  mauvais traitements des  prisonniers  de  guerre  ou  des  personnes  en  mer, l’exécution  des  otages, le  pillage des  biens  publics  ou privés, la  destruction  perverse  des villes  ou  villages ou la dévastation , ne justifient pas les exigences  militaires. »[5]

Concernant, la qualification du terrorisme en tant que crime grave, il est condamné par l’ONU, en tant que menace contre la paix et la sécurité internationale. D’ailleurs, la résolution du Conseil de sécurité 1193 du 13/08/1998[6]  annonce que : « convaincu que la répression des actes de terrorisme est essentielle pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale et réaffirmant la détermination de la communauté internationale à éliminer le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations… »  

Dans le même esprit, la résolution 1368 du 12/09/2001 du Conseil de sécurité considère le terrorisme comme : « une menace à la paix et à la sécurité internationale ». Donc, s’agissant de crime grave, comme pour le crime contre l’humanité, il y a lieu de se  référer  aux  différentes conventions, résolutions  et  juridictions internationales. Car, cela va nous aider à faire ressortir l’élément moral, avec l’intention d’intimidation et de propagation de la terreur, puis  l’élément matériel, pour le situer  lors  des assassinats, des prises d’otages, de  détournement  d’aéronefs, de navires ou même sur la protection physique de matières nucléaires et aussi le financement des actes terroristes.   

 Aussi, il est à rappeler que la doctrine, considère généralement qu’il y a lieu d’un crime de guerre au moment où il y a  des violations graves du DIH. Cela implique les infractions graves liées aux lois et coutumes de la guerre quelle que soit la nature du conflit. Les infractions sont commises contre des personnes, qui ne participent pas ou ne participeront plus aux combats. Les infractions considérées crime de guerre peuvent être : la déportation ou le transfert des populations civiles, l’utilisation d’armes interdites (chimiques, bactériologiques) la torture ou le traitement inhumain, l’homicide intentionnel, l’atteinte à l’intégrité physique ou à la santé et d’autres souffrances causées intentionnellement.

De ce fait, n’étant considéré ni crime de guerre, ni crime  contre l’humanité, les délégations des Etats,  réunies à Rome  en juillet 1998, n’ont pas décidé d’inclure les actes terroristes dans le Statut de la CPI. Pourtant, le Conseil de sécurité les a qualifiés de menace contre la paix et la sécurité internationale, dans plusieurs résolutions et demande aux Etats de poursuivre en justice les terroristes. Plusieurs opinions jugent que cette typologie de crime, fait partie du « jus cognes ». Mais pour certains Etats, qui épaulent le terrorisme, c’est un moyen  d’accompagnement et de défense de leur politique contre d’autres puissances.

3) L’infraction  terroriste et le  djihad 

Si par le passé, le djihad a été autorisé contre les non croyants ou les infidèles, cette notion a disparu pendant plusieurs siècles pour devenir infraction pénale et acte terroriste. Car ce type de djihad suppose la terreur et la tuerie, ce qui est contraire aux principes du droit pénal international qu’applique la communauté internationale. En général, le droit positif est le seul outil juridique, qu’approuvent les Etats dans leurs relations internationales.  Pourtant, plusieurs pensées religieuses défendent l’une des interprétations sur le djihad, le sacrifice ou les soldats de Dieu  et les combats de la foi, qui sont tous devenus de graves crimes. Car, ces actes n’émanent pas d’un système juridique reconnu par l’Etat et les populations. La majorité des confessions sunnites sont contre le djihad défendu par les terroristes.

Jean Luc Marret[7]  souligne   dans son ouvrage[8],  que  le terme «  guide » ou « émir », souvent utilisé par les différents courants, de facilitateur[9] qui est au cœur de la cellule djihadiste, dans la mesure où il recrute,  assure l’encadrement religieux,   coordonne, se considère comme le chef réel et symbolique, formateur et commande les opérations. Cette analyse ressemble de très près à celle de Mathieu Guidere[10], dans la mesure où il donne les mêmes tâches aux guides[11], dénommés par lui, « Les émirs du net », qui sont des recruteurs, des contributeurs, des animateurs et même des assistants, lorsqu’il s’agit de savoir comment échapper à la poursuite policière ou lorsqu’il s’agit de visiter les sites des djihadistes.

En réalité toutes les  religions monothéistes  sont venues pour apprendre à l’humanité  l’amour du prochain, la paix et non pas de légaliser les crimes contre les innocents au nom de la guerre sainte. L’Islam n’a jamais encouragé les  auteurs  qui commettent des attentats contre les  populations civiles, en revendiquant le  couvert  de l’Islam, pour légaliser leurs  crimes. Les intégristes ne se rendent pas compte ou veulent ignorer, qu’ils facilitent la tâche aux islamophobes avec leurs  interprétations et leurs actions incompatibles avec les paroles de Dieu.  


[1]  «  L’objet de la présente Convention est de promouvoir la coopération afin de prévenir et de combattre plus efficacement la criminalité transnationale »tel que le stipule l’article 1 intitulé objet.     

      Cf, www.unodc.org/unodc/fr/treaties/CTOC                      

[2] Cf, Criminalité organisée analyse d’INTERPOL : www.interpol.int/fr/Criminalité/Criminalité-

[3] Cf, « Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre » : laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/C-45.9/

[4] Juridiction de circonstance créées par les puissances alliées qui ont gagné la guerre en vue de juger  24 des principaux responsables du régime Nazie , accusés de complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Cf,  secondeguerre.net/hisetpo/po/hp_procesnuremberg.html

[5] Cf., en particulier John Brown « Définition du terrorisme innovation ou retour d’un passé obscur ». 

   http://www.mediatheque.territoires-memoire.be/index.php?lvl=author_see&id 

[6] Cf., La dite résolution est apparue sur l’Afghanistan ; www.un.org/fr/sc/documents/resolutions/1998.shtml

[7] Jean-Luc Marret est chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique et professeur associé à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr.Spécialiste du terrorisme et des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, il travaille aussi sur la question des résolutions des conflits.

[8]« Les fabriques du Jihad »   Edition Vendôme Impressions  .Presses Universitaires de France, 2005 ;  335 p.

[9] Idem, p 13 ;  Cf., figure en annexe N° 8

[10] Supra ;  p 50 (Ière Partie)

[11] Idem, p.51.