La Russie, héritière de l’empire des Tsars et plus tard de l’ex-URSS, continue ses tentations multiples afin de sauver ce qui peut , de son ancien héritage. Le pas géant de la Russie  vers la Crimée, que les Tsars n’ont pas  réussi de garder face aux Ottomans, soutenus par les puissances anglaises et françaises,[1]  n’a pas arrêté les ambitions d’un système politique, voulant à tout prix, donner au pays les gloires du passé.

Sa main mise géoéconomique et stratégique sur certains  Etats satellites en Asie et sur d’autres alliés à travers le monde devient plus difficile, avec la libération de l’économie internationale et les nouveaux choix des Etats devenus plus souverains qu’auparavant .

Pour prouver au monde qu’elle existe encore en tant que puissance, la Russie se déclare disponible à prendre la défense des Etats pauvres et de tisser les relations avec les Etats maudits ou victimes du capitalisme sauvage. Son bras de fer avec l’UE et les EUA, lui a coûté des sanctions économiques , des critiques graves à l’égard de son système politique et d’autres menaces en cours, par le bloc occidental.

Dès l’abord, on relève que les EUA  ont fait tout leur possible pour  la  neutralisation de  l’ex-URSS, considérée deuxième superpuissance au lendemain  du second conflit mondial. Mais, de nouveau, ils se trouvent  en litige continu avec la Russie fédérale, qui est riche en énergie, possédant un énorme territoire et sans toutefois  constituer  une grande  puissance économique à l’instar de la Chine, l’Allemagne ou le Japon.

 Néanmoins, ayant des richesses au sol et une économie moyenne par rapport aux puissances traditionnelles, la Russie maitrise une haute technologie militaire avec un grand potentiel nucléaire, dont elle occupe le premier rang  et une expérience redoutable dans toutes les armes de destruction massive(ADM).Ainsi, budget militaire  russe a été de 45 milliards de dollars (MM$) en 2018 et a atteint la somme de 48(MM$) pendant 2019 et 2020 .

Comparée à la Chine, cette dernière, commence à prendre de l’avance, en matière de maitrise des satellites de dernière technologie . Auparavant, pendant la guerre froide, le dirigeant Mao Zedong  (1893-1976)  a été largement soutenu militairement par l’ex-URSS et pourquoi pas aujourd’hui?

Etant la principale héritière du régime soviétique effondré, tout en s’alignant souvent avec les points de vue chinois sur les grands problèmes contemporains,  elle marque chaque fois sa présence dans les relations internationales, afin de prouver sa force par rapport aux EUA et aux puissances de l’Europe occidentale .

 Les sanctions infligées par l’occident l’ont poussé à développer son économie interne pour ne plus dépendre de l’étranger . Mais ce n’est pas suffisant. Le recours à sa diplomatie particulièrement du gaz, lui a permis de constituer le maximum d’alliance, non seulement avec les Etats dont les relations  sont conflictuelles avec l’occident, et même avec les Etats partageant les intérêts d’ordre géopolitique avec les EUA. C’est le cas de l’Allemagne qui a défendu son choix d’importation de gaz et celui de la Turquie qui a introduit un système antiaérien russe au sein d’un ensemble d’armes fabriquées par des pays qui font partie de l’OTAN. La liste est longue concernant les Etats occidentaux qui continuent de signer des partenariats stratégiques avec la Russie.

Dans ce cadre, d’autres puissances régionales choisissent, sans le signaler ouvertement, de valoriser leur relation multidimensionnelle avec la Russie, qui leur permet de prospérer selon un certain nombre d’intérêts stratégiques, dans leurs régions respectives et de leur accorder une part du marché intérieur. La Russie pourrait être aussi de leur côté lors des votes des résolutions du Conseil de Sécurité.

 Lorsqu’il s’agit de défendre ses alliés, même les EUA n’arrivent pas à arrêter la Russie. Cuba a largement profité du soutien russe, depuis les années soixante du siècle dernier et dans la même foulée, la Syrie et le Venezuela constituent des priorités russes face aux EUA et l’occident. Ces Etats sont conscients du soutien russe . Le Venezuela n’a pas été sujet de campagne militaire, car la Russie a signalé officiellement son appui en cas d’ingérence. Néanmoins, les sanctions de la nouvelle administration américaine et des Etats de l’UE pourraient être ciblées, bien réfléchies  et toucher le système politico-économique russe.

Avec la montée au pouvoir d’un gouvernement qualifié d’islamo nationaliste , la Turquie aussi à l’instar de la Russie devenue sa rivale veut récupérer les marchés commerciaux de ses anciennes provinces du temps de l’empire défunt, comme la Syrie et la Lybie transformés en théâtres d’affrontements  entre plusieurs puissances coloniales, régionales ou émergentes.

Les tensions entre les EUA et la Russie montent, remontent et descendent sans trouver un compromis, qui pourrait demeurer dans le temps. Aussi, à cause des sanctions européennes, infligées à la Russie, certains Etats de l’Union sont perdants en faveur de la Chine .A ce titre certaines firmes, à l’est  de l’Allemagne ont vu leurs affaires en chute libre pour avoir respecté les décisions de sanctions imposées par l’UE et les EUA . 

Ce sont des moments qui rappellent les indices de la guerre froide entre les anciens blocs antagonistes. Le Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (FNI), qui a été signé en 1987 entre les présidents de l’ex-URSS Mikhaïl Gorbatchev et le président américain Ronald Reagan a été annulé par le  président américain Tremp, avant d’être de nouveau reconnu par son successeur à la maison blanche. Trump s’est   retiré aussi  des accords nucléaires avec l’Iran .Pourtant la majorité des Etats de l’UE, la Chine et la Russie désapprouvent cette décision prise unilatéralement et à la hâte.

Consciente des faiblesses des uns et des autres acteurs  politiques du  monde,  la  Russie continue de  défendre ses  anciennes frontières russophiles dans l’Eurasie. Car, plusieurs anciennes républiques ont préféré de joindre la doctrine occidentale . D’ailleurs, au lendemain de l’effondrement de l’ex-URSS,  certaines républiques satellites européennes ont choisi d’adhérer à l’UE et à l’OTAN. De même certaines républiques du Caucase ont ouvert une nouvelle page de coopération avec les EUA, l’Europe, la Turquie et d’autres Etats.

Cette nouvelle situation géopolitique en Eurasie, entrave le rêve de la Russie fédérale, qui aspire reconstruire l’empire Tsar et se protéger de l’OTAN. Dans ce revers historique ou guerre d’influence entre certaines puissances occidentales et  la Russie, on  assista à des conflits intestinaux au sein des anciennes républiques soviétiques russophiles à  savoir, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine qui ont donné naissance à de nouvelles républiques séparatistes  : l’Abkhazie  , la Transnistrie  , République Populaire du Donbass et l’Ossétie du Sud Alanie .Aussi, dans cette guerre d’influence, la menace touche particulièrement les Etats de l’OTAN voisins de la Russie (Etats baltes et scandinaves) ou les anciennes républiques socialistes de l’Est de l’Europe.

Même si les historiens disent que la Tsarine Catherine II voulait  reprendre Constantinople pour rétablir l’orthodoxie, la réalité sur le terrain et le décryptage des évènements qui se sont succédés, affirment que la Russie impériale ou l’ex URSS voulaient à tout prix avoir une fenêtre sur les mers chaudes et fuir leurs territoires glacials.

Les anciens objectifs sont encore d’actualité. Cela s’explique sur le terrain du côté géostratégique par la base militaire navale  russe à Tartous, en Syrie qui a été un élément essentiel de la sauvegarde du régime syrien et qui  lui permettra surement de retrouver une partie du rapport de force perdue après l’effondrement de l’ex –URSS. La présence russe en Méditerranée lui donne la possibilité de projeter ses forces au sud de l’Europe, au nord de l’Afrique et au Moyen-Orient. Face à la Turquie, la Russie  continue d’appliquer une géostratégie privilégiant ses intérêts  tels que ceux en Azerbaïdjan,  en Syrie et en  Libye.

Abondant dans le même sens, après avoir abandonné l’Afrique suite à l’effondrement de l’ex-URSS, la Russie Fédérale qui a hérité les anciennes  ambassades soviétiques,   est  de retour afin de garder l’œil sur l’Océan indien et l’Afrique, particulièrement de l’Est. Le contrat de location de base navale, avec le Soudan  lui permettra  à partir  du Port-Soudan d’avoir un nouveau dispositif militaire dans la région .Cette base  située en mer Rouge, dans un point stratégique va lui assurer les échanges de diverses marchandises avec certains pays de l’Afrique de l’Est en incluant les continents asiatique et européen. Cette infrastructure logistique abriterait  des centaines de civils et militaires,  des navires de guerre  y compris à propulsion nucléaire. L’accord pourrait permettre à la Russie d’utiliser les aéroports soudanais pour le transport logistique et en contrepartie le Soudan bénéficierait du soutien en matériel majeur de ses forces et de la construction d’une centrale nucléaire.

En complément à ce qui a été cité, les russes émigrent de plus en plus vers les pays russophiles de l’ex URSS en Eurasie et s’installent aussi dans des pays orthodoxes de la méditerranée orientale. Les hommes d’affaires russes sont partout en Europe. Lors de la guerre froide, l’URSS a tenté de mettre en place un régime communiste en Grèce. Mais, sans succès, la Grèce a joint l’UE et l’OTAN. De nos , certains citoyens russes exilés en méditerranée orientale justifie leur immigration, par le fait de chercher plus de libertés dans les pays d’accueil par rapport à leur pays. Ils sont quelques 60 milles à Chypre, dont la moitié habite la ville de Limassol deuxième ville du pays, appelées par les habitants « Limassol grade ».Certains ont acquis la nationalité chypriote. Vu le nombre  des russes, la langue russe pourrait renaitre comme en pays baltique, en Europe de l’Est et en Asie centrale. Un nouveau brassage de populations d’origine russe, grecque et anglais habitant, au sud de l’ile pourrait avoir lieu afin de  faire face à  la communauté turque musulmane  résidant au nord et dont le nombre a augmenté depuis leur arrivée intense, au milieu des années soixante-dix.

La présence de la Russie dans plusieurs conflits en Afrique, en Amérique Latine et en Asie, implique  la volonté du pays à devenir acteur politique international incontournable,  par lequel il faut passer pour résoudre les antagonismes régionaux. Ceci suppose aussi la participation russe avec la Chine et d’autres puissances régionales à l’inauguration  d’un monde multipolaire.

 Le mois de janvier 2021 a été marqué par l’arrestation  Alexeï NAVALNY , opposant à Vladimir Poutine. Après son empoisonnement  et son hospitalisation de quelques semaines  en Allemagne, il a été jugé à trois ans de prison. La Russie a été déjà citée dans une affaire d’empoisonnement qui l’a aussi mis en conflit avec les démocraties occidentales. Suite au rapport rendu par les services du renseignent américain , l’Etat russe a été considéré  responsable de l’empoisonnement de l’opposant Alexeï NAVALNY . Des sanctions ont été infligées à sept hauts responsables russes jugés impliqués dans cette affaire. De même, dans une affaire antérieure à celle ci,   l’empoisonnement de l’ex agent russe au Royaume-Uni, Serguei SKRIPAL , le 27 mars 2018,  a été à l’origine d’une   crise avec la Russie. Suite aussi à cet acte,  la mission russe auprès de l’OTAN a été réduite et quelques  dix-huit pays européens ont expulsé des diplomates russes.

Malgré la pression des EUA  et de plusieurs Etats de l’UE, pour la libération de l’opposant,  la Russie considéra ses demandes, comme une ingérence dans les affaires internes du pays. Quelques milliers de citoyens russes ont été arrêtés, en la circonstance, suite à leurs descentes dans les rues de plusieurs villes, en soutien à Alexeï NAVALNY . D’ailleurs, pendant février 2021, le chef de la diplomatie  russe a menacé ouvertement, de rompre ses relations diplomatiques avec les Etats de l’UE en cas de nouvelles sanctions à l’ encontre de son pays. Par l’expulsion de diplomates  des deux côtés, on assista à une diplomatie offensive, de prévention et qu’on pourrait qualifier aussi de précipitation. Car,   il n’y a pas eu forcement des preuves d’espionnage,   qui nécessitent  cette campagne d’expulsion et  de «  persona non grata » .Ainsi, les décisions prises à la hâte des deux côtés ne font pas œuvre utile et ne font qu’aggraver la situation entre les deux antagonistes.

La situation a engendré le rappel des ambassadeurs  russo-américains, pendant plusieurs  semaines jusqu’à  la réunion des  deux chefs d’Etats en conflit à Genève à la mi-juin 2021 pour décider le retour des chefs de missions diplomatiques à leurs postes. Un débat franc et responsable russo-américain sur l’avenir des relations entre les Etats riverains  doit être ouvert.  Car, si l’occident craint l’émergence de la Chine, il devrait aussi ne pas oublier ce que pourrait engendrer une alliance sino-russe, sachant que Moscou possède un important potentiel militaire, particulièrement nucléaire hérité de l’ex-URSS. Les EUA doivent aussi prendre en considération que leurs alliés pourraient ne pas les suivre en cas de nouvelles sanctions contre la Russie.

La défense des objectifs géopolitiques russes lui coûtent assez et son économie n’a pas fait d’efforts louables. Le monde libre a souvent qualifié la Russie d’expansionniste et de dictature . Lors du  sommet de  l’OTAN, du 4 décembre 2019, organisé à Londres,  une réflexion stratégique des membres, concluait que  la Russie demeurait la principale menace et la Chine devenait  un défi à l’alliance.

Au début de l’année 2022, toute cette alerte déclenchée par l’occident afin de faire face à une éventuelle invasion russe en Ukraine n’a pas lieu d’être. Car, tous les Etats voisins de la Russie sont russophones, avec une grande présence slave ayant comme origine la Perse antique et comme partage religieux l’orthodoxie.  Il y a lieu de considérer que les russes sont déjà présents en minorités dans les pays baltes, en Biélorussie et en Ukraine et ce sans compter ceux des petites républiques séparatistes , qui ne sont pas reconnues par la communauté internationale. Donc déjà la Russie a une ceinture qui la protège à l’intérieur de pays limitrophes. Les modes d’actions utilisés par la Russie sont plus tactiques que stratégiques. C’est un jeu d’échecs qui va pousser tôt ou tard l’OTAN à prendre les distances par rapport aux frontières traditionnelles longtemps défendues par les russes.

En fait, les cent milliers ou plus de militaires dument armés , qui sont tous près de la frontière de l’Ukraine font partie de la tactique offensive pour pousser l’OTAN à ne pas décider l’adhésion de ce pays. La Russie ne veut pas d’allié de l’OTAN face à ses frontières. Au lendemain de l’implosion de l’URSS , il a été convenu de vider l’Europe des dispositifs militaires classiques des missiles stratégiques. Le pouvoir russe se sent trahi .

Comme au lendemain des deux guerres l’Europe désunie et sans stratégie commune, se trouve à la Mercie de la puissance transatlantique. L’incident en mer noire entre avions de chasse de la république française et russe n’est que le début de l’instauration d’un nouvel ordre mondial qui est de plus en plus justifié par la Russie , la Chine , la Turquie et d’autres Etats, qui sont entrain du gagner le terrain dans les anciennes colonies françaises en Afrique.   

Grosso modo, les alliances géostratégiques russes et chinoises pourraient être dans le future proche, à l’origine d’une nouvelle guerre froide . Mais cette fois ci avec un monde multipolaire . Les deux Etats ont acquis des nouvelles performances militaires par leurs missiles hypersoniques dépassant la technologie occidentale. Par la suite plusieurs Etats européens, défendants leurs intérêts vitaux, pourraient partager avec la Russie les mêmes idées et éviteront sans doute de dépendre de la géopolitique transatlantique. Car rappelez-vous-en les intérêts de chacun sont plus forts que l’alliance créée contre l’ancien ennemi commun et communiste. Avec l’alliance sino-russe est ce que l’OTAN est capable d’arrêter l’ annexion de Taiwan et de l’Ukraine ?Sinon qui va vraiment suivre les EUA dans ses sanctions?


[1] Pour comprendre la géopolitique des frontières russe lire l’article précédent  de la revue, qui cite ses guerres régionales pour garder le berceau de sa civilisation, particulièrement  slave et orthodoxe.