
Par Ismail Faouzi
(Analyste en relations internationales)
Le 13 juin 2025, alors que la diplomatie américaine venait tout juste de reprendre les discussions avec le camp iranien en vue d’un accord de paix, Israël a décidé unilatéralement de bombarder l’Iran, considéré comme une menace stratégique. L’opération « Rising Lions » constitue ainsi la première attaque de la guerre israélo-iranienne, qui durera douze jours et impliquera, plus tard, l’intervention des États-Unis. À la suite de ces frappes, le Premier ministre israélien s’est exprimé depuis son bureau pour justifier l’intervention :
« Il y a quelques instants, Israël a lancé une opération militaire ciblée visant à repousser la menace iranienne qui pèse sur la survie même d’Israël. Cette opération se poursuivra aussi longtemps qu’il le faudra pour éliminer cette menace ». Dans ce contexte, une question s’impose : Le droit international autorise-t-il les attaques préventives en cas de menace ?
Or, le recours à la force armée est strictement encadré par le droit international. Le jus ad bellum – le droit d’entrer en guerre – est principalement régi par le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, intitulé « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression ».
Selon ce chapitre, seul le Conseil de sécurité est compétent pour identifier une menace contre la paix et décider des mesures à adopter, qu’elles soient coercitives (usage de la force) ou non (sanctions économiques, embargos, etc.).
En réalité, c’est l’article 42 de la Charte des Nations Unies qui offre au Conseil de sécurité un champ d’action étendu lorsqu’il « juge nécessaire » l’usage de la force. Ce dispositif juridique confère à l’organe onusien la capacité d’agir par le biais de forces aériennes, navales ou terrestres afin de rétablir la paix et la sécurité internationales.
C’est dans ce cadre qu’une coalition militaire, dirigée par les États-Unis, intervient pendant la guerre de Corée (1950-1953). Si cette intervention est considérée comme légale, c’est parce qu’elle a été autorisée par les résolutions 83 et 84 du Conseil de sécurité. La guerre du Golfe (1990-1991) est un autre exemple d’intervention juridiquement encadrée, puisque la résolution 678 (1990) autorise les États membres à « user de tous les moyens nécessaires ». Or, dans le cas de l’intervention israélienne, aucune résolution du Conseil de sécurité ne vient légitimer les frappes engagées.
Il est également pertinent de superposer la notion d’agression à l’opération Rising Lions. Le droit international encadre cette notion, notamment à travers la résolution A/RES/3314 (XXIX) de l’Assemblée générale, qui définit comme acte d’agression « l’emploi de la force armée en violation de la Charte par un État agissant le premier », ce qui constitue une preuve suffisante d’agression.
Dans cette même résolution, l’agression est décrite comme un acte en dehors du cadre fixé par la Charte des Nations Unies — en particulier la première opération militaire dans une guerre, lorsqu’elle est lancée sans base juridique conforme à la Charte. Ladite résolution déclare que « L’agression est l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies. »
Or, l’opération Rising Lions ne repose sur aucune autorisation du Conseil de sécurité au titre de l’article 42, et pourrait donc être considérée comme une violation claire du droit international.
Pourtant, une exception notable existe : le droit à la légitime défense, prévu à l’article 51 de la Charte, qui dispose que « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, en cas d’agression armée […] »
Traditionnellement, ce droit s’applique en réponse à une attaque armée déjà déclenchée. Toutefois, certains juristes, comme M. McDougal, ont développé la notion de légitime défense préventive, défendant qu’à l’ère nucléaire, il serait insensé — voire suicidaire — d’attendre qu’un missile soit lancé pour réagir. Le débat se cristallise donc autour de l’interprétation de l’article 51 : une action militaire préventive contre une menace imminente est-elle juridiquement admissible ?
Dans ce contexte, la légalité de l’intervention israélienne est juridiquement contestée. L’opération Rising Lions n’ayant pas été autorisée par le Conseil de sécurité, elle ne peut s’appuyer sur l’article 42 de la Charte. Sa justification repose donc entièrement sur une interprétation large de l’article 51, et plus précisément sur l’idée que la légitime défense préventive pourrait être admise. Or, cette lecture est controversée : certains juristes considère qu’elle présente une dérive dangereuse du droit international, tandis que d’autres y voient une adaptation nécessaire aux menaces contemporaines.
Zakaria HANAFI
Related posts
Catégories
- Economie (39)
- Editorial (22)
- Géopolitique (53)
- Histoire (23)
- interview (14)
- Non classé (4)
- Relations internationales (49)
- Strategie (42)
Rencontrer l'éditeur
HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.