Par Mahfoud Bahbouhi
(ancien diplomate)
Ce que l’on appelle « diplomatie culturelle » ou « diplomatie publique », faisant partie du soft
power d’un État, désigne dans le cadre des relations internationales l’échange de toutes sortes
d’activités et de produits entre nations et peuples, sous forme d’idées, d’informations, d’art et
d’autres aspects culturels, afin de mettre en valeur l’identité et les valeurs d’un pays et de
favoriser la compréhension et les interactions mutuelles.
Néanmoins, dans la plupart des cas, ce type d’activités, menées sous l’autorité ou avec le
soutien de la diplomatie officielle, peut être davantage à sens unique qu’à double sens.
Certaines nations peuvent concentrer leurs efforts sur la promotion de la langue nationale,
l’explication de leurs politiques et de leurs points de vue, ou la diffusion de leurs propres
versions de l’histoire auprès du reste du monde. Ceci peut contribuer à promouvoir une bonne
compréhension et la coopération bilatérales avec d’autres pays.
En même temps, de telles activités sont également pratiquées dans le cadre de la coopération
multilatérale, qui est pratiquée au sein de certaines organisations internationales ou régionales
spécialisées, telles que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la
culture (UNESCO), l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ou l’Organisation
du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ICESCO, dont le siège est à
Rabat).
La diplomatie culturelle peut être considérée comme faisant partie de la diplomatie publique,
en tant que moyen par lequel une nation conduit ses relations extérieures, par le biais ou en
parallèle de sa diplomatie classique. C’est un champ d’action où les activités culturelles
servent à véhiculer le discours et l’image d’une nation et à promouvoir des aspects de son
identité et de sa culture, afin de convaincre et d’influencer des peuples étrangers, par des
moyens pacifiques. De plus, la diplomatie culturelle peut également contribuer au
renforcement de la sécurité et les intérêts nationaux d’un pays.
En ce qui concerne le Royaume du Maroc, un État-nation fort d’une identité très spécifique et
d’une longue histoire, il est depuis longtemps conscient de l’importance de promouvoir les
échanges culturels entre les peuples et les pays. Depuis toujours, les citoyens et l’État ont
œuvré dans ce sens. Ouverts sur le monde extérieur, les Marocains avaient l’habitude de se
rendre dans les Lieux Saints en Arabie (actuel Royaume d’Arabie Saoudite) pour accomplir le
cinquième pilier de l’Islam, le Hajj, mais aussi pour certains pour profiter de leur présence au
‘’Machrek’’, l’actuel Moyen Orient, afin de visiter la mosquée Al Qods (Jérusalem).
Les érudits, parmi eux, font le détour et de longs séjours au Caire, à Damas ou à Baghdad.
D’autres font de longs voyages en Afrique subsaharienne et au-delà. L’objectif ultime était
toujours d’approfondir leurs études et de propager l’Islam sunnite modéré, tel qu’il a toujours
été pratiqué au Maroc. Certains se trouvaient priés d’allonger leurs séjours respectifs pour
enseigner les préceptes de l’Islam, même dans des pays très lointains comme en Asie. Et si
des hommes célèbres sont rentrés au pays après de longues années, d’autres ont préféré fonder
des familles et finir leurs vies dans leurs pays d’adoption, comme dans le cas des savants
marocains enterrés en Libye et en Égypte.
Ces voyages et ce rayonnement ont contribué à faire connaître le pays à d’autres peuples plus
lointains. Plus tard, cette tradition s’est transformée en une politique qui a contribué à créer
des liens avec d’autres nations, notamment lorsque la richesse de notre patrimoine culturel a
été mise en valeur, d’une part, et d’autre part l’importance de faire connaître l’héritage et
l’identité du Royaume au monde entier a été prise en compte. Aujourd’hui, c’est une politique
publique qui met en valeur le comportement et le mode de vie du peuple marocain et de notre
monarchie.
Dans ce cadre, nos Rois et notre Famille royale ont de tout temps joué un rôle primordial dans
la préservation de notre culture et la diffusion au monde de la richesse du patrimoine
marocain dans tous les aspects de notre mode de vie, du protocole à la mode, en passant par
l’architecture, les célébrations, les traditions, … etc. En matière de mode, par exemple, le port
de la tenue traditionnelle nationale (caftan, djellaba, belgha, tarbouch rouge/fès, etc.) est
considéré comme une nécessité par nos monarques et la grande majorité des Marocains, pour
refléter fidèlement la personnalité et représenter l’identité du Maroc.

Sa Majesté le Roi Mohammed VI, entouré de la famille royale, recevant le Pape François à Rabat, en mars 2019, dans un fabuleux salon du palais royal décorée de manière artisanale.
L’exemple le plus significatif est l’obligation protocolaire pour tous les diplomates marocains de se comporter de la même manière lors de toutes les occasions officielles, telles que les cérémonies de remise des lettres de créance des ambassadeurs marocains aux chefs d’État étrangers. Tout cela dans un souci de conjuguer traditions et modernité, à l’ère de la mondialisation, des médias de masse et des technologies de communication à grande échelle.

L’espace de prière intérieur de la majestueuse et grandiose Mosquée Hassan II de Casablanca, véritable joyau de l’artisanat marocain, est un incontournable pour tous les touristes étrangers.
Par ailleurs, la diplomatie marocaine s’efforce depuis plusieurs décennies à promouvoir la culture marocaine dans le monde entier en participant à divers événements ou en organisant des festivals culturels, que ce soit dans les domaines de la musique, du cinéma, de la gastronomie, de la mode, du livre, du sport, de la gastronomie, … etc.
Pour leur part, les succès du pays à attirer et fidéliser de grandes productions de l’industrie cinématographique, particulièrement américaine, illustrent bien les efforts déployés pour promouvoir la marque « Maroc ». Le Royaume a ainsi une longue tradition d’accueil de tournage de films étrangers, principalement de producteurs et réalisateurs français et américains de renom. Et cette histoire d’amour entre le Maroc et les cinéastes étrangers n’a jamais cessé, le Maroc étant devenu l’un des principaux lieux de choix de tournage au monde, que ce soit pour le cinéma ou la télévision, pour des productions à gros budget ou de petite envergure. Ceci n’est pas une mince affaire, car elle s’appuie sur une politique publique claire visant à promouvoir la culture et l’image du Maroc, ainsi qu’à attirer davantage de touristes et d’investisseurs étrangers.
De ce fait, l’un des attraits du pays réside, bien sûr, dans la grande diversité de ses paysages et de ses infrastructures. Cependant, le pays a bien plus à offrir : montagnes enneigées ou déserts de sable, palais des Mille et Une Nuits ou des bâtiments Art déco, kasbahs ou villas californiennes, aéroports ultramodernes ou villages de pêcheurs, autoroutes ou dunes en plein désert, … etc.
Si le célèbre metteur en scène américain Martin Scorsese a filmé des paysages du Tibet et de la place Tian’anmen au Maroc pour son film « Kundun », il a également trouvé des décors bibliques pour sa « Dernière Tentation du Christ ». Quant aux autres géants de l’industrie hollywoodienne, Clint Eastwood y a tourné des scènes de Falloujah (American Sniper), Ridley Scott y a filmé la Somalie dans « La Chute du Faucon Noir » ou encore la Rome antique dans « Gladiator ». Même les scènes du royaume imaginaire de Westeros, de la série « Game of Thrones », ont été filmées au Maroc. De même, le cinquième volet de « Mission Impossible » et le vingt-quatrième volet de « James Bond » y ont également été tournés.
Pour toutes ces raisons, le Maroc est considéré parmi les destinations mondiales les plus connues pour les tournages de films cinématographiques.
Cette politique est soutenue par différentes institutions étatiques, acteurs et agences publiques, contribuant ainsi à son succès et à son rayonnement mondial. Tous ces éléments expliquent pourquoi de plus en plus de sociétés cinématographiques internationales choisissent le Maroc comme destination pour leurs productions, contribuant ainsi incontestablement au développement du secteur cinématographique, à l’économie nationale et à la promotion de l’image de marque du pays. A cette fin, les autorités ont œuvré pour doter le pays d’un grand festival du cinéma, celui de Marrakech, qui attire à chaque édition de plus en plus de stars du septième art du monde entier.
Par ailleurs, personne ne peut nier l’impact de la participation éblouissante de l’équipe marocaine de football à la Coupe du Monde de 2022 au Qatar, qui a dépassé toutes les attentes. L’image et la marque ‘’Maroc’’ en sont ressorties gagnantes, haut la main, au-delà des résultats sportifs et des matchs, portées par un public marocain discipliné, fan de son équipe nationale et de l’ambiance festive qu’offrent d’aussi grandes manifestations internationales.
Le drapeau national a de ce fait acquis une reconnaissance internationale et les noms de nos joueurs sont devenus célèbres. Mais surtout, la présence continue du nom et des couleurs du pays, pendant et longtemps après la compétition, sur les chaines de télévision et des réseaux sociaux, a reflété au monde l’image de la richesse et de la grandeur des valeurs marocaines dont nos stars, les joueurs, ainsi le public marocain présent au Qatar ont su représenter de belle manière: la force de l’esprit d’appartenance à une grande nation, la solidité des liens familiaux, le respect des autres peuples et cultures, l’amour pour le sport, le fair-play, la compétition et la coexistence pacifiques, … etc.

L’équipe nationale du Maroc à la Coupe du Monde FIFA 2022 au Qatar
Ce rayonnement ne s’arrête évidemment pas aux seules réalisations sportives, à l’instar des succès des athlètes marocains qui ont marqué de leurs empreintes le football, les Jeux Olympiques et l’athlétisme mondial, à savoir Nawal el Moutawakel, Said Aouita, Khalid Skah, Brahim Boutayeb, Jawad Gharib, Hicham El Guerrouj,…etc., ou bien l’équipe du Maroc de football. Le Royaume a atteint un niveau tel qu’on peut aisément parler de sa diplomatie sportive en tant que vecteur de la diplomatie officielle et porte-drapeau des couleurs nationales.
Il suffit de savoir que notre championne nationale et ancienne Ministre du sport, Mme Nawal El Moutawakel, est membre du Comité International Olympique, élue vice-présidente cette instance prestigieuse en 2016 pour une période de quatre ans et réélue en 2024. Elle y a été présidente des commissions d’évaluation pour la sélection de la ville hôte des Jeux olympiques d’été de 2012 et 2016.
Pour sa part, le Président de la Fédération Royale Marocaine de Football, Mr Faouzi Lekjaa, actuel Ministre délégué au Budget, est le premier vice-président de la Confédération Africaine de Football, et est réélu en tant que membre du Conseil de la FIFA et à l’instance dirigeante du football arabe en septembre 2025.
Ce sont là des postes prestigieux de très hautes responsabilités au sein d’organisations internationales très influentes, où la représentation marocaine marque l’influence grandissante et le rayonnement du Royaume du Maroc. Et ces réussites ne sont aucunement le fruit du hasard, mais certainement le fruit de longues années de travail et d’efforts diplomatiques, dans le cadre d’une vision royale globale, portée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, et marquant le très fort engagement de l’État marocain pour le développement du pays et de son image de marque, avec des objectifs de court terme et de très long terme, tels que l’organisation des manifestations sportives de la Coupe d’Afrique en Décembre 2025- Janvier 2026 et la Coupe du Monde FIFA 2030 (avec l’Espagne et le Portugal).
La représentation de la richesse du patrimoine culturel et des valeurs du pays est donc un aspect essentiel de la diplomatie marocaine, qui saisit toutes les opportunités, malgré des ressources humaines, financières et matérielles parfois limitées, pour mettre en avant la culture du pays et promouvoir son image comme symbole d’identité et de puissance tranquille, ce qui est actuellement plus connu sous le concept de ‘’soft power marocain’’.
Diplomatie marocaine entre tradition et modernité Aspects du soft power marocain
Zakaria HANAFI
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.