Une harmonie préférable à la rivalité sans fin 

Mohssin Datssi, membre du think thank NejMaroc, Centre Marocain de Recherches sur la Globalisation et spécialisé dans les relations internationales 

Une rivalité oppose le Maroc et l’Afrique du Sud sur tous les plans sur le continent africain.

Première puissance économique en Afrique, Pretoria peine pourtant à y exercer un leadership incontesté.Rabat, au contraire,voit sa politique africaine récompensée à tous les niveaux, d’où la volonté de l’Afrique du Sud de tenter, tant bien que mal,d’endiguer cette dynamique favorable au Royaume.En dépit de ce contexte, de nombreux signaux laissent penser que les relations bilatérales seront amenées à se renforcer.

L’Afrique du Sud ou l’effet Mandela estompé 

Avec la libération de Nelson Mandela en 1990, après près de trente années de captivité, l’Afrique du Sud est sortie progressivement de son isolement continental et mondial.Figure historique de l’A.N.C ( Congrès National Africain) et symbole de la lutte contre la ségrégation raciale dans son pays, Nelson Mandela, une fois libre, a pleinement oeuvré pour la réconciliation nationale.Récompensé en cela par le prix Nobel de la paix en 1993, il devient l’année suivante le premier président noir de l’Afrique du Sud.

Il opère alors plusieurs visites officielles à l’étranger, dont une au Maroc en 1994 où il est reçu par Feu Sa Majesté le Roi Hassan II.Il en profite à cette occasion pour remercier le Royaume de l’avoir soutenu dans la cause qu’il a menée juste avant son emprisonnement.Le leader sud-africain s’était en effet rendu à Rabat en 1961 pour organiser les premiers convois d’armes pour l’A.N.C.
Au delà du volet diplomatique, Pretoria renoue également avec les évènements sportifs continentaux et mondiaux.
L’Afrique du Sud a abrité le championnat du monde de rugby en 1995, la coupe d’Afrique des nations l’année suivante et a organisé la coupe du monde de football en 2010 .Pretoria, toujours sous l’impulsion de Mandela, s’est vu jouer des rôles de médiateurs dans la résolution de conflits sur le continent (Ex-Zaïre, Angola, Soudan) ou dans le monde (Timor Oriental).
Son départ en 1999 de la présidence coïncide avec la perte progressive d’influence de l’Afrique du Sud sur le continent.Il décédera 14 ans plus tard, en 2013, laissant une nation orpheline, peinant à assumer son héritage et en perte de repères.

La montée en puissance du Maroc mal perçue 

Pendant ce temps, le Maroc, depuis l’accession au trône de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, entreprend, tant sur le plan national que continental, une politique volontariste destinée à refaire du Royaume un acteur incontournable en Afrique. Le souverain a effectué depuis 1999 plus d’une cinquantaine de déplacements sur le continent africain.
Fervent défenseur de la coopération Sud-Sud à l’échelon mondial, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a fait de l’Afrique une priorité dans ce domaine.

Le Royaume partage avec bon nombre d’états africains son expertise dans des secteurs tels que la banque, l’agriculture, le transport, l’électricité, les services et la gestion de l’eau.
Le souverain a proposé, à travers l’Iniative Atlantique, aux pays du Sahel un accès à l’océan pour les sortir du désenclavement.

Des partenariats sont signés également dans le domaine de la formation, l’éducation et la coopération sécuritaire.
Le Maroc est le deuxième investisseur sur le continent et le premier en Afrique de l’Ouest.
Sur le plan national et pour une attractivité optimale, le Maroc a entrepris de vastes chantiers de modernisation de ses infrastructures portuaires,aériennes , routières et ferroviaires avec le succès que nous connaissons.

Le Royaume attire de plus en plus d’investissements étrangers tous secteurs d’activités confondus, faisant de lui un hub international reconnu.
Sur le plan diplomatique et concernant précisément le dossier du Sahara Marocain, la diplomatie a remporté de nombreuses batailles décisives en Afrique, allant du soutien inconditionnel de l’intégrité territoriale au retrait de la reconnaissance de la pseudo “RASD”.
Sur les 29 états qui ont ouvert un consulat dans les provinces du Sud, une vingtaine sont africains.
Le Maroc a fait son grand retour sur la scène diplomatique africaine en 2017 en siégeant de nouveau au sein de l’Unité Africaine (UA).
Cette nouvelle donne est mal perçue par l’Afrique du Sud, cette dernière va alors tout entreprendre pour en limiter les impacts.

L’instrumentalisation du dossier du Sahara Marocain 

Le départ de la vie politique de Nelson marqué le début de la détérioration des relations bilatérales entre Rabat et Pretoria.

L’A.N.C, qu’avait pourtant défendu le Maroc , opère une volte face en 2004, quand le gouvernement issu de cette formation politique décide de reconnaître la pseudo “RASD”.
Sans pour autant adopter la même attitude belliqueuse, voire guerrière du voisin algérien, l’Afrique du Sud affiche ouvertement un soutien décomplexé aux thèses séparatistes du Polisario, aussi bien au sein de l’U.A qu’aux Nations Unies.
Ce positionnement hostile au Royaume a pour effet immédiat une brouille diplomatique qui va durer treize années.
Un semblant de lucidité va s’emparer progressivement de Pretoria:
Avec le retour en force du Maroc au sein de l’institution africaine et la dynamique positive que connaît l’intégrité territoriale au niveau mondial, l’Afrique du Sud s’est retrouvée progressivement minoritaire sur ce conflit artificiel.
Afin de redonner un nouvel élan aux relations bilatérales entre les deux nations, Sa Majesté le Roi Mohammed avait reçu à Abidjan (Côte d’Ivoire), le président sud-africain Jacob Zuma à la fin novembre 2017.

Il a été décidé suite à cette entrevue d’échanger des ambassadeurs de haut niveau.
Si Pretoria n’a à ce jour toujours pas retiré sa reconnaissance de la pseudo “RASD”, la préimminence du plan d’autonomie pour les  provinces sud confortée par les résolutions onusiennes d’année en année, la récente confirmation de la position de l’administration Trump sur le Sahara Marocain  et les victoires de rang de la diplomatie pour la défense de l’intégrité territoriale réduisent drastiquement toute action hostile de l’Afrique du Sud.
Une entente vitale pour l’équilibre du continent africain 
En dépit des rivalités persistantes, les deux puissances africaines seront amenées à renforcer leurs relations bilatérales.

Le Maroc et l’Afrique du Sud bénéficient d’une excellente position géographique, d’une économie diversifiée et compétitive et jouissent d’un stabilité politique.

De nombreuses similitudes les rapprochent et les deux états en ont pris conscience.
Le sommet international des infrastructures DEVAC qui s’est tenu récemment à Johannesburg, le mémorandum d’entente signé entre les deux parties pour une action commune au profit du potentiel africain en matière de développement, est une preuve qu’un partenariat stratégique est possible.
Autre signe positif, Pretoria a acté en début d’année l’adhésion de Rabat à la zone de libre échange africaine (ZLECAF), permettant au Maroc d’accentuer sa présence sur le continent en prospectant de nouveaux marchés en Afrique Subsaharienne.

Il y a enfin une réalité géographique, les deux puissances se situant aux deux extrêmes de l’Afrique , une rivalité sans fin sera de toute manière contreproductive et nuira aux intérêts de Rabat et Pretoria.
Le Maroc et l’Afrique du Sud, de part leurs statuts de puissances régionales et leurs évolutions respectives, sont des états clés en Afrique.
Cela certes créé des rivalités mais il n’en demeure pas moins qu’ils disposent de tous les atouts pour se compléter afin de renforcer durablement leurs relations bilatérales sur tous les plans.

Tout laisse penser que ce rapprochement est inéluctable et le premier sommet Afrique-Atlantique qui se déroulera à Rabat en mars 2026 constituera une étape allant dans le sens de ce processus.

Bonne Lecture !