Depuis quelques années, on entend beaucoup parler de la Russie dans les moyens de communications. Les analystes essaient, chacun en ce qui concerne leurs identifications ou convictions , de s’aligner sur une théorie parmi d’autres pour défendre leurs points de vue. Face aux racontars ou aux dires des uns et des autres, ce dossier essaie de donner une synthèse géopolitique basée sur plusieurs réalités et faits reconnus.

Notre étude débutera par la lecture de la géopolitique des frontières de ce pays, qui fait face à une  frontière de l’Union Européenne stratégiquement dépendante et on va remonter dans l’histoire des guerres qu’a mené le pays en tant que grande puissance puis par la suite,  sera commenté le rêve russe d’un retour, même si  forcé ,sur l’échiquier mondial.   

La Russie Fédérale est l’héritière de puissants empires dont l’histoire a été marquée par des guerres sanglantes dans son espace eurasien. L’étude de la géopolitique des frontières russes ne peut être comprise sans se référer  loin dans son histoire aux périodes de l’Empire des Tsars et  de l’ex URSS. Car, à plusieurs fois, tout en retraçant de nouvelles frontières avec ses antagonistes, la Russie dominait plusieurs nations en Eurasie. Jusqu’à nos jours la Russie veut garder son ancien prestige et ceci lui a valu des conflits d’intérêts divers avec son voisinage eurasien et avec les EUA.

Néanmoins, on admet que  la Russie fédérale et en tant que république qui faisait  partie de l’ex-URSS ou quand elle portait le nom de  la Russie tsariste, n’a pas  que des intérêts  avec l’Europe. Car, elles ne sont pas plus prioritaires que celles en Asie. La proximité et l’histoire commune avec le voisinage asiatique est aussi important dans la prise en considération des intérêts géoéconomiques et géostratégiques de la Russie.

Certes, depuis des décennies, la Russie se positionne en Eurasie comme une puissance régionale et se voit plus confrontée dans ses relations internationales  avec son voisinage européen et asiatique. Pourtant, à l’instar de la Turquie qui est devenue sa rivale en Asie centrale, la grande majorité de ses territoires se trouvent en Asie.

L’histoire ancienne de la Russie et contemporaine mérite d’être revue et mise en valeur. Car, elle a été marquée au passé par des guerres avec les empires de voisinage, européens et asiatique, puis  plus tard par délégations avec d’autres Etats du monde.

a) L’application difficile russe, du droit des espaces face à l’Europe

 Avant de creuser loin dans l’histoire, il est généralement considéré que de nos jours, pour  certains Etats de l’Occident, particulièrement européens, la Russie continue de constituer un élément  clef dans la géopolitique des frontières que ça soit dans le nord ou à l’Est du continent européen.

La Russie tsariste ou bolchévique et même fédérale actuelle, considérée souvent par les européens expansionniste, ne cesse de garder l’œil ouverte sur son voisinage eurasiatique et continu, comme dans le passé, de s’immiscer dans ces territoires.

Les pays occidentaux pensent que les Etats avoisinants la Russie sont libres  de choisir leur camp et certains ont intégré l’UE et l’OTAN. C’est un fait que nul ne peut ignorer ou nier. Lors des discours politiques, la langue russe, l’orthodoxie et l’appartenance au panslavisme pourraient être un outil déterminant et un élément unificateur de plusieurs Etats russophiles.

Dans l’entourage frontalier russe, l’Estonie[1]  Etat balte russophile, considéré pays satellite de l’ex-URSS, est menacée par la Russie. Les pays situés sur la mer baltique croient l’être  aussi. Un quart de la population de cet Etat d’un million et demi d’habitants  sont russes et fières de l’être.

Désormais l’Estonie a peur de connaitre le même sort que la Crimée[2] . La crise identitaire peut exploser du jour au lendemain si les minorités russes font un appel de détresse  et demandent le soutien russe. D’autres minorités pourront le faire dans d’autres Etats voisins de la Russie, considérés russophiles.

En voisinage avec les Etats baltes, la Suède[3] est victime de désinformation menée par la presse régionale et  des centaines d’attaques de hackers par an,  qu’elle considère  russes. Il y a lieu de rappeler pour mieux comprendre l’histoire conflictuelle de la Suède et de la Russie de revenir loin dans l’histoire des deux nations  vikings établis en pays scandinaves et le panslavisme résidant en Eurasie et dont la fer de lance n’est que la Russie .

En effet, l’histoire nous rappelle qu’un conflit militaire a eu lieu de1495 à 1497  contre le Royaume de Suède dans le territoire d’Ingrie[4]  et de  Finlande, qui s’est terminé par un statu quo ante Bellum[5] . La Russie d’antan à nos jours a toujours eu des relations conflictuelles avec les vikings et en particulier avec la Suède.

Plus tard,  de 1590 à 1595 encore une fois dans les territoires d’Ingrie, de la  Finlande  et aussi à la   Carélie  et l’Estonie ont été les théâtres de batailles entre les deux belligérants. Cette guerre a permis à la Russie de récupérer les territoires perdus lors du conflit de Livonie.

Par la suite de 1601 à 1617 suite à une autre guerre le Royaume de  Suède a pu arracher à la Russie les territoires d’Ingrie et du Kexholm . Entre 1656 et 1658, on assista pour la 4ème fois à l’éclatement d’une guerre russo-suédoise dans les territoires de Livonie et de Finlande achevée par un statu quo ante Bellum .

Lors  de la grande guerre, de 1700 à 1712, l’Empire Suédois  devenu allié de l’Empire Ottoman a perdu contre la Russie et ses amis. Les guerres qui ont duré dans le temps  demeurent ancrées dans la conscience des deux nations.

Qui plus est, parmi les guerres menées contre  les nations européennes, il ne faut pas oublier l’occupation d’une partie de la Pologne par Alexandre premier. Suite à cette occupation, la partie polonaise occupée par les russes, a longtemps fait l’objet d’insurrections entre 1831 et 1863 à cause de la répression russe.

Ce retour vers l’histoire conflictuelle avec la Russie est une raison parmi d’autres pour comprendre l’ampleur des milles méfiances prises par le Royaume de Suède. Ainsi, durant ces dernières décennies,  la Suède continue de prendre   des dispositions d’alerte,  encourage les discours de patriotisme au sein de sa population et  a accentué le service militaire, afin de  faire face à toute éventuelle attaque russe.

Par méfiance , vis-à-vis de l’expansionnisme russe,  la Suède et la Finlande  signent l’accord de pays hôte avec l’OTAN  en fin d’août 2014. L’ile de Gotland   constitue, dans cette dernière décennie,  un verrou,  qui mérite d’être renforcé pour se protéger contre la Russie, de toute attaque des Etats  de la mer baltique. Le frisson de la propagande et de la guerre froide est de retour aux frontières nord de l’UE.

b) Les plus importantes guerres frontalières russes en Asie

 Tout d’abord, concernant, les guerres avec les empires de l’Asie, il y a lieu de citer qu’entre 1722 et 1723 un conflit armé éclata entre la Russie et la Perse dans les frontières de la  Transcaucasie et l’Iran, qui  s’acheva par la victoire de l’Empire des Tsars et la signature du traité de Petersburg.

Pendant le règne de la tsarine Catherine II et le Sultan ottoman Mustapha III, une guerre d’une durée de sept ans, sans Merci a eu lieu de  1768 à 1774 entre leurs armées. Les répercussions directes et indirectes ont été douloureuses en particulier  pour l’Empire Ottoman.

En termes de géopolitique des frontières, les succès ont permis à l’empire tsariste d’arriver jusqu’à la  mer de Méditerranée orientale à quelques kilomètres de Constantinople . C’était pour les russes  l’occasion de rétablir l’orthodoxie longtemps remplacée par l’islam, religion officielle  des Ottomans.

 Les russes ont  établi un blocus en Dardanelles, et ayant un ennemi commun qui est menaçant en Europe de l’Est, les Français dépêchèrent  un conseiller militaire pour soutenir les turques dans leur effort de guerre.

Encore une fois, la guerre éclata entre les deux empires rivaux à cause de la  Crimée qui a été le théâtre d’une guerre entre 1853 et 1856.Les Tsars voulaient défendre l’église orthodoxe contre  les Ottomans  mais se heurtaient au soutien  de la  France et du Royaume Uni à leur ennemi.

 L’analyse de la géopolitique des frontières des deux empires qu’elle soit dans les différents volets humains ou matériels nous emmène à déduire qu’ils  ont connu  une rivalité permanente,  qui va renaitre au 21ème siècle , dans les provinces de l’Empire Ottoman et de l’URSS. 

Ainsi, la géopolitique des frontières russes demeure en action. Les manœuvres et les renforcements militaires face à l’Ukraine, confirment que la Russie cherche toujours à s’identifier et se confirmer parmi les grandes puissances.

A suivre …


[1] L’Estonie fait partie des pays baltes qui sont la Lituanie et la Lettonie devenus de nouveau des Etats indépendants après l’implosion de l’ex-URSS.

[2] Péninsule au sud de l’Ukraine en mer noir, sous souveraineté de l’Empire ottoman depuis 1475et indépendante à partir de 1774.La Crimée a été le théâtre d’une guerre entre 1853 et 1856 qui a opposé l’Empire russe, voulant défendre l’église orthodoxe contre  l’Empire  Ottomans soutenu  par la  France et le Royaume Uni.

[3] Faisant partie des pays du nord et  scandinaves en plus du  Danemark et  la Norvège.

[4]Ingrie : territoire  situé au littoral du golfe de Finlande, entre le sud du lac Ladoga et le fleuve Narva. Actuellement territoire russe. Mais entre 1919 et 1920, en voulant se rapprocher de la Grande Finlande et profitant de la révolution bolchévique, il a été créé  un Etat a été  dans ce territoire.

[5] Statu quo  ante bellum : en latin veut dire garder la même situation d’avant le conflit.