Le cyberespace est l’espace virtuel où nous communiquons, échangeons et partageons des idées en permanence. L’émergence du terme cyberespace est relativement récente, puisqu’il a été forgé au début des années 1980 par l’écrivain de science-fiction américain William Gibson, qui l’a décrit dans son ouvrage « Nécromancien[1] » le définit comme « une hallucination consensuelle vécue quotidiennement en toute légalité par des dizaines de millions d’opérateurs, dans tous les pays… ».[2]
Il n’existe pas de définition cohérente du cyberespace, mais nous retiendrons la définition donnée par le dictionnaire de Le Petit Robert, qui voit dans le cyberespace « un ensemble de données numérisées qui constitue le monde de l’information et le support de la communication, associé à l’interconnexion informatique mondiale ». Ainsi, l’Espace virtuel nous permet de communiquer entre nous grâce à des machines interconnectées par Internet. Il ne faut pas confondre cyberespace et Internet.
Le premier est un espace virtuel où nous communiquons et communiquons entre nous, et le second est un outil qui permet le dialogue à travers l’interconnexion massive entre les machines. Dans le cadre de ce travail, nous utiliserons le terme Internet pour désigner ces nouvelles technologies de l’information et de la communication, en insistant notamment sur l’importance et le statut de cet outil, devenu incontournable dans notre société.
Le développement de cet outil de communication a permis un développement fulgurant de nos sociétés. C’est pour cela qu’un certain nombre de pays ont pris conscience de la place primordiale du cyberespace dans nos sociétés et ont investi ce nouveau terrain d’échange et de concurrence pour les grandes puissances.
Le cyberespace est devenu le nouvel espace stratégique de la promotion et de la défense des intérêts de ces Etats. D’où l’interrogation sur la place du cyberespace dans la diplomatie des grandes puissances. Apres avoir montré que le cyberespace est un atout diplomatique considérable, on se demandera si cet espace de dialogue et d’échange ne constitue pas un atout risqué pour les différents acteurs d’internet, ce qui nous amènera à examiner quelques perspectives.
I- LE CYBERESPACE : UN ATOUT DIPLOMATIQUE CONSIDERABLE
Le Cyberespace est un espace virtuel de dialogue, de communication et d’échange. Il est aussi une avancée technologique importante qui permet aux Etats de bien communiquer pour faire la promotion et la protection de leurs intérêts au sein de cette nouvelle réalité virtuelle.
A- L’INTERNET, OUTIL D’INFLUENCE DIPLOMATIQUE
L‘émergence des nouvelles technologies de l’information, en particulier l’émergence d’Internet, a apporté d’énormes changements à notre mode de vie. Il facilite la communication et les échanges à tous les niveaux de notre société moderne. Que ce soit sur le plan social, il permet aux personnes de rester en contact permanent et leur permet d’interagir et de faciliter le dialogue. Sur le plan économique, ce nouvel espace virtuel est devenu le plus grand marché, atteignant des millions de personnes interconnectées dans différents pays.
C‘est sans doute l’un des principaux facteurs du développement rapide de notre société. Cela augmente non seulement la part de marché des entreprises en ligne, mais permet également une croissance rapide des échanges entre différents pays. Cela a encouragé un intérêt croissant pour le domaine de la commutation virtuelle, qui est devenu critique. Mais il ne faut pas oublier l’aspect culturel tout aussi important. Il s’agit de diffuser ses valeurs et sa vision du monde à travers cette nouvelle technologie de l’information et de la communication, et d’utiliser les moyens de communication pour communiquer son image et même influencer les autres pour défendre ses intérêts.
La dimension culturelle est très importante car elle permet aux pays de façonner leur propre image et de plaire ou non aux autres pays. Cela peut être vérifié si l’on prend l’exemple de l’industrie hollywoodienne aux États-Unis. Outre son importance économique, les films américains ont un intérêt très important dans l’impact des États-Unis sur le reste du monde. Hollywood a permis à l’Amérique de diffuser ses idéaux, son mode de vie et sa vision du monde à travers le monde. Les téléchargements de films et de séries américains sur Internet
La plupart des pays utilisent internet pour informer mais n’interagissent et ne soucient pas du poids des autres acteurs de la toile.
Internet est un outil formidable et offre des capacités d’échange et de communication inimaginable, ce qu’a compris un certain nombre d’Etats notamment les Etats Unis, la Grande Bretagne ou la France avec la création d’un département dédié à la diplomatie numérique.
B- AVENEMENT D’UNE DIPLOMATIE NUMERIQUE
La diplomatie numérique est l’action menée par les Etas sur le cyberespace pour influencer les autres et favoriser la défense de leurs intérêts. C’est une diplomatie d’influence qui se met en route sur le web à travers divers canaux de communication, du web aux applications en passant par les réseaux sociaux. Même si un grand nombre de pays ne mesurent pas encore le caractère stratégique du web[3] pour la défense de ses intérêts, un certain nombre ont pris les devants et ont créé des départements chargés du numérique ou de l’atout d’influence sur le web. Au-delà de la dimension sécuritaire du cyberespace due à certains comportements nuisibles d’acteurs de la toile[4], Certains Etats ont pris conscience de la dimension stratégique du cyberespace et ont adoptés des politiques pour une meilleure utilisation de cet outil de connaissance et d’échange planétaire.
C‘est notamment le cas des États-Unis, du Royaume-Uni ou de la France, qui ont adopté une position sélective dans la défense de leurs propres intérêts. Il est vrai que la plupart des pays ont des sites Web pour leurs ministères des affaires étrangères ou leurs ambassades, mais ils ne sont là qu’à titre informatif. Alors que les premiers ont bien compris qu’Internet permet non seulement d’interagir avec la société civile du monde entier, mais aussi de soutenir leur réseau de postes diplomatiques à l’étranger, notamment les ambassades, les consulats ou les centres culturels. C’est le cas de la France, par exemple, qui met tout en œuvre pour promouvoir l’image de la France en ligne depuis plusieurs années.Le ministère français des affaires étrangères, au-delà de son réseau de diplomatie classique, s’occupe du contenu numérique des sites internet et des réseaux sociaux pour informer, discuter et enquêter sur les besoins des personnes concernées dans divers domaines de son action diplomatique à l’étranger.
Le cyberespace est devenu plus que jamais un outil primordial de la politique étrangère des pays. Les réseaux sociaux sont devenus des outils indispensables de mise en oeuvre de cette politique étrangère. D’ailleurs, la plupart des chefs d’Etat ont des comptes twitter ou des pages Facebook. L’importance de ces médias dans la diplomatie actuelle est tel que récemment le président Américain Barack Obama et le président Iranien Hassan Rohani se sont pressés pour publier l’information sur le premier coup de fil[5] entre des dirigeant de haut rang des deux pays et leur détermination à dialoguer.
La diplomatie numérique est la continuation des activités de la diplomatie classique avec la singularité de la capacité d’interaction avec de nouveaux acteurs issus de la société civile mondiale. Et donc, internet est un outil formidable à la disposition des pays pour les aider à bien mener leurs politiques étrangères mais malgré tout, le cyberespace est victime d’un manque de règlementation et cela laisse la porte ouverte à tout abus.
II- LE CYBERESPACE : UN ATOUT TRES DANGEREUX
L’avancée technologique issue de l’internet est fort impressionnante et son utilité dans nos relations et la modernisation de nos sociétés ne sont pas mesurables. Mais cet outil permet aussi à des personnes mal intentionnées de sévir sur internet et commettre des crimes.
A- UNE CYBERCRIMINALITE CROISSANTE
La cybercriminalité est un problème majeur du cyberespace. La délinquance informatique est devenue quotidienne et cause des problèmes très néfastes sur le plan économique. Le piratage de sites internet s’est multiplié et diversifié. Allant du vol d’identité à l’espionnage industriel sans oublier l’usurpation d’identité, la cyber pédophilie, le vol de données bancaire ou les atteintes à la vie privée. Avec un simple ordinateur, tout individu mal intentionnée et doté du savoir nécessaire peut agir comme il veut sur internet et ce malgré les multitudes de protection d’antivirus ou de firewall.
Le vol d’identités bancaires est devenu un jeu d’enfant avec l’envoi de mail infecté ou la technique du spam qui permet à l’hacker d’avoir accès aux informations sensibles de leurs victimes pour les utiliser ou les vendre sur internet. La pédophilie sur internet a explosé depuis quelques années et l’élargissement de l’accès à internet à des populations très pauvres favorise l’exploitation des enfants sur le web. Mais l’espionnage est le plus rependu sur internet et le plus lucratif pour leurs auteurs. Qu’il s’agisse de l’espionnage industriel avec le vol d’œuvres intellectuelles ou de l’espionnage militaire, ils sont tous très pratiquées et ce, par divers acteurs, étatiques ou non.
L’espionnage industriel ou économique existe depuis les temps anciens mais l’utilisation accrue d’internet par les entreprises dans la gestion de leurs activités a augmenté les activités d’espionnages. Ce type d’espionnage est celui dont sont victimes les entreprises, soit pour saboter, soit pour voler les plans du concurrent. Cela se fait dans les industries de pointes notamment l’automobile, l’aéronautique ou le nucléaire. Un rapport du géant de la sécurité informatique McAfee en collaboration avec l’entreprise Science Applications International Corporation (SAIC) montre « un accroissement significatif des activités d’espionnage industriel via Internet aux fins de dérober des secrets commerciaux ou de la propriété intellectuelle dans les entreprises. Il indique que ce domaine tend à devenir la priorité des hackers »[6]
L’espionnage militaire est celui qui se pratique entre états mais sans reconnaissance officielle. Il s’agit de méthodes de renseignements clandestines destinées à voler des informations très sensibles. Il peut s’agir de plans d’armes sophistiquées ou de machines de renseignements de pointes. Cette pratique a suscité l’apparition de termes comme Cyberguerre ou cyberdéfense pour matérialiser cette nouvelle réalité.
Si dans la réalité une guerre directe entre Etats est peu probable, le cyberespace est devenu le nouveau terrain d’affrontement et de concurrence entre les pays. Un rapport du département américain de la défense sorti au printemps 2013 accusait directement la Chine d’espionnage pour rattraper son retard dans le domaine militaire[7].
L’importance du phénomène est telle que chaque pays essaie de se protéger du mieux qu’il peut. Mais le scandale récent des écoutes téléphoniques de la NSA (National Security Agency) a soulevé des critiques dans le monde entier et a montré l’étendue des violations de la vie privée au nom de la sécurité. Celui-ci n’est pas sans rappeler le scandale créé par la diffusion en 2010 de millier télégrammes diplomatiques américains par Julian Assange le fondateur de Wikileaks. Toutes ces affaires montrent bien de la nécessité d’une réglementation souple du cyberespace et de la Coordination des efforts des différents acteurs pour un internet libre et sécurisé.
B- PERSPECTIVES : REGULATION FLEXIBLE DU CYBERESPACE
Le cyberespace est un endroit virtuel de dialogue et d’échange entre des personnes vivants à des endroits différents. Le cyberespace supprime les barrières frontalières et est un espace public planétaire. Il permet aux personnes du monde entier de s’exprimer et d’échanger sans contrainte. Mais l’augmentation de l’utilisation frauduleuse de l’internet est nuisible au cyberespace et à ses principes fondateurs comme celui de la liberté d’expression et d’ouverture au reste du monde. Depuis quelques années, il y a eu plusieurs tentatives de partage du web en vue d’un contrôle plus réel notamment en chine, en Iran ou en Russie. Ceci menace le cyberespace et nécessite une réflexion pour assurer un internet libre et sécurisé pour tous.
Pour ma part, je pense qu’il faut d’abord et avant tout une volonté politique des décideurs étatiques pour établir un internet libre et sécurisé défendant les intérêts de tous ses acteurs. C’est la tâche la plus difficile mais il faudrait bien commencer quelque part et l’accord européen sur la cybercriminalité est une avancée majeure.
Un accord entre toutes les composantes du web est nécessaire pour garantir la liberté d’information et d’expression dont jouit Internet, tout en protégeant les internautes de tous les délits qui sévissent sur le web. Pour mener à bien cette tâche, il est nécessaire de déléguer la surveillance aux organisations internationales de la société civile dans les domaines de la liberté d’expression et d’information, et la gestion à une organisation intergouvernementale mondiale dans le domaine de la sécurité numérique. Les autorités policières de chaque pays coordonnent les actions dans les différents pays pour empêcher les criminels de causer des dommages. En outre, l’inefficacité des efforts déployés jusqu’à présent pour traquer les cybercriminels est due à un manque de coopération entre les différents pays.
In fine, le terme cyberespace n’est pas neutre. Il véhicule plusieurs formulations, dont certaines sont contradictoires et sont aussi à l’origine de plusieurs concepts du cyberespace transcrits notamment dans les stratégies nationales. Ces représentations deviennent alors de véritables outils géopolitiques. Certains pays comme les USA, la France, la Grande Bretagne, la Russie, la Chine et d’autres ont également choisi de ne pas utiliser le terme cyberespace dans leurs stratégies, préférant le concept d’« espace d’information ». L’utilisation du concept plus large leur permet d’aller au-delà du cyberespace pour contrôler l’information de manière globale sans distinguer le transporteur de la diffusion de l’information. Comme il ne s’agit pas d’un domaine à part, les participants aux conflits du cyberespace le voient souvent comme un monde virtuel (plutôt que le monde réel) généré par l’interconnexion des réseaux. Mais la maitrise de cet outil ne peut réussir que si les autorités étatiques montrent leur volonté de construire un cyberespace libre et sécurisé car l’avenir du monde en dépend.
[1] Œuvre de William Gibson sorti en 1984
[2] http://project.cyberpunk.ru/lib/neuromancer
[3] La plupart des pays utilisent internet pour informer mais n’interagissent et ne soucient pas du poids des autres acteurs de la toile.
[4] Un exposé plus approfondi sur la cybercriminalité et toutes les autres violations sur le cyberespace sera fait dans la seconde partie.
[5] Le premier appel téléphonique entre des dirigeants de haut rang des deux pays depuis l’attaque contre l’ambassade américaine de Téhéran en 1979.
[6] Article intitulé : L’espionnage industriel priorité du cyber crime par Stéphane Larcher, le 29 mars 2011 sur http://www.linformaticien.com
[7]http://fr.euronews.com/2013/05/07/pekin-nie-les-accusations-americaines-d-espionnage-militaire/
OUAGA GNATTO ANGE CLEMENT
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.
Bravo mon frère, docteur OUAGA Clément. Merci pour cette analyse claire, limpide et instructive.