L’étude géopolitique internationale, montre bien que la majorité des analystes utilisent la polarité selon leur conviction. Mais, sans prêter attention que la multipolarité a été la plus dominante durant l’histoire politique humaine. L’anthropologie humaine le confirme à son tour.
En effet, durant toute notre histoire politique universelle, la population mondiale a longtemps été partagée selon son appartenance à une région géographique, rassemblée par des croyances, des habitudes et concernée par un pouvoir, des fois forts et des fois faibles.
Devenant la cible de la montée en force d’une nouvelle oligarchie interne ou exposé à l’expansionnisme d’un pays voisin, quel que soit le système du gouvernement de l’ancien monde : cité, royauté, empire ou république, il a été le plus souvent assujetti à l’une des puissances de son environnement. Certains Etats avaient des frontières limitées et d’autres renfermaient des immenses territoires comprenant des nations, des races, des cultures, pour dire une grande richesse anthropologique.
A travers ces dernières décennies on entend dans le langage courant, de la presse et de ceux qui prétendent anticiper ou comprendre les scénarios attendus au niveau de l’ordre mondial, que le monde allait devenir bipolaire ou multipolaire. Chacun selon sa conviction ou sa croyance défend sa propre thèse. Pourtant, le monde a été très rarement unipolaire, accessoirement bipolaire et généralement multipolaire. Il existe des cycles et phases de l’histoire politique qui prouvent la continuité de ce monde multipolaire.
Les seuls cycles et uniques phases du monde unipolaire :
Depuis que l’histoire politique est racontée par l’homme, jamais l’unipolarité n’a été imposée dans l’ordre mondial. Elle n’a fait que passer très succinctement pour laisser la place à la multipolarité.
De prime abord, on pourrait croire avec difficulté l’existence d’un monde unipolaire, avec le règne limité dans l’espace -temps, d’Alexandre le Grand[1], fils du Roi de Macédoine, qui voulait à tout prix réunir sous son autorité le monde entier. C’était la première tentative d’un monde unipolaire. Hélas son rêve n’a pas été réalisé, même en occupant une grande partie de l’ancien monde eurasiatique[2]. Il a trouvé de grandes résistances face à l’empire perse dirigé par le Roi Darius III et n’arriva pas à prendre en entier le sous-continent indien. Néanmoins, il laissa se développer en quelques décennies, l’empire hellénistique.
Par contre, il ne faut pas oublier qu’à part les territoires qu’il a conquis, il existait une multipolarité justifiée par la présence de certaines puissances, reconnues dans leurs régions réciproques, par leurs traces civilisationnelles telles que l’empire chinois[3] et l’empire indou[4] en Asie, l’empire éthiopien[5] ,l’empire des Pharaons [6] , les royaumes amazighs[7] de l’Afrique du Nord et plusieurs royaumes africains, souvent non cités par les auteurs occidentaux.
D’autres civilisations qui constituaient des puissances régionales en Asie n’ont pas été citées telles que celles qui vivaient dans la région de l’Euphrate et le Tigré. Aussi, dépourvus de tous contacts avec l’ancien monde, on pourrait citer la civilisation des Amérindiens, rétablie depuis des milliers de siècles, en Amérique du Nord, Amérique centrale, Amérique du Sud et aux Caraïbes.
La continuité du monde multipolaire est une réalité
Après Jésus Christ plusieurs empires composaient le monde ancien et ceux qui croyaient que le monde était partagé entre perses et romains, c’est-à-dire un monde bipolaire, oubliaient les empires puissants d’Asie.
Lors de la division de l’empire romain[8] en deux empires distincts, de l’Orient et de l’Occident, l’émergence de l’empire islamique[9] au Moyen-Orient, a élargi les territoires musulmans qui ont annexé la Perse avec une grande partie de l’Asie centrale, des territoires en Extrême-Orient (en Inde et non loin de la Chine), le Sud de l’Europe (Andalousie), l’Afrique du Nord en entier, le Sahel et une partie de l’Afrique de l’Ouest.
Pendant le Moyen-âge jusqu’ à la fin du XVIIIème siècle, le monde connaissait des empires puissants en Europe, en Asie et en Afrique. Ces empires se sont affaiblis à cause des guerres qu’ils faisaient entre eux pour laisser la place à la formation d’Etats puissants et aux alliances.
Le second cycle dans lequel on considère le monde étant unipolaire est celui qui a débuté lors de la chute du mur de Berlin. Au lendemain du second conflit mondial et après le partage en deux des zones d’influences, particulièrement en Europe, le monde a vécu la bipolarité pendant plusieurs décennies et les non-alignés n’ont pas empêché cette division du monde entre les deux blocs.
L’entrée des Etats Unis d’Amérique dans le système mondial, en participant successivement aux deux grandes guerres mondiales et en protégeant jusqu’à nos jours le vieux continent, leur a donné une certaine prérogative dans la gestion du monde.
Par contre à partir des attentats du 11 septembre 2001, le communisme a été remplacé par l’ennemi terroriste présenté essentiellement par les intégristes islamiques. Les Etats Unis d’Amérique commençaient à perdre la mainmise sur le monde et plusieurs puissances régionales ont émergé pour justifier leur présence face aux puissances occidentales classiques.
En fait, en analysant la constitution des pôles, qui n’ont fait que remplacer l’hégémonie des empires d’ententes d’antan, le monde est toujours multipolaire. Le cycle de la polarité continue de nous confirmer que la réalité historique humaine est basée sur le fait qu’aucune coalition ne pourrait arrêter d’autres puissances montantes. Chaque civilisation a une apogée et un déclin. Le monde continuera d’être multipolaire, à l’exception de faire face ensemble, à des extraterrestres.
[1] Né le 21 juillet 356 av. J-C et décédé le 11juin 323 av. J-C à Babylone
[2] Son grand empire se composait de l’empire perse achéménide, du royaume de Macédoine, la Grèce et certains territoires de l’Inde antique.
[3] La première forme d’empire chinois citée dans l’histoire débute de 2100 à 1600 av. J-C sous la dynastie des Xia. D’ailleurs, depuis l’an 221 av. J-C, la Chine est restée pendant toute son existence un empire jusqu’à ce qu’elle soit devenu République de Chine sous la présidence de Sun Yat-sen en 1912.
[4] En 3200-1900 av. J. -C, il existait la civilisation harappéenne, qui emprunte le nom de la ville antique de Harappa. Ses frontières s’étalaient autour de la vallée du fleuve Indus, dans l’ouest du sous-continent indien, soit le Pakistan actuel avec les régions voisines.
[5] L’Ethiopie ou Abyssinie s’étendait jusqu’au Yémen actuel a été fondé par Ménélik 1er en 980 av. J-C.
[6] La période antique des pharaons s’étend sur 3000 av. J-C.
[7] Appelés berbères et préfèrent porter le nom d’Amazighs qui veut dire hommes libres, connus dans l’antiquité sous le nom de Libyens. Par rapport à tous les Etats de l’Afrique du Nord, leur culture est reconnue particulièrement dans la constitution marocaine.
[8] L’Empire romain constituait une grande puissance mondiale entre l’an 27 av. J-C et 395 après J-C. En 395 la division de l’empire romain (Orient et Occident) est définitive après la mort de Théodose le Grand ou premier.
[9] L’empire islamique dirigé de Damas puis de Bagdad, a vu naitre deux royaumes indépendants celui de l’Andalousie et celui du Maroc. Plus tard l’Andalousie sera rattachée aux dynasties marocaines. L’implosion de la dynastie Abbasside laissera plus tard la place à l’empire Ottoman qui réunira la majorité des Etats islamique à l’exception du Maroc.
Zakaria HANAFI
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.
Analyse très pertinente, mr le professeur