L’histoire non rédigée, reste souvent cachée et dépend de comment on la transmet de père en fils ou d’une personne à une autre. Néanmoins c’est un témoignage d’un fait ou de plusieurs évènements, qui peuvent prendre des fois la forme d’un roman ou même d’un film.  

En effet notre histoire est vraie et se déroule pendant le milieu du vingtième siècle, dans un village marocain non loin de Marrakech. Ce n’est pas un écrit dirigé contre les français. Au contraire le Royaume a tourné la page au nom de la tolérance et l’amour du prochain. Le but est de rappeler les graves fautes commises, suite à l’orgueil de certains citoyens français, qui ont exagéré dans leurs massacres des populations ou dans leur relation de mépris. C’est par la même occasion une mémoire, dédiée à chacun de nous, un cas parmi d’autres , de ceux qui ont souffert et perdu à tort leur dignité ou péri injustement. 

 Chaque jour de semaine, est organisé le souk[1]où les habitants des douars(groupements d’habitations), avoisinant la petite agglomération, viennent acheter ou vendre leurs produits agricoles. Comme une partie du Royaume du Maroc était sous protectorat français[2], les représentants des autorités françaises étaient présents partout. Malheureusement, certains exigeaient aux marocains, de les saluer en leur disant en français, « Bonjour, monsieur ».

Notre héros qui apprenait aux jeunes la lecture et l’écriture, dans une école coranique, est passé devant un français, représentant de l’ordre qui lui a ordonné de dire « Bonjour, monsieur ». Comme il ne parlait pas sa langue , il a été giflé par ledit citoyen français, devant tous ceux qui le respectaient dans sa tribu et son douar. C’était une atteinte grave à sa dignité et à son honneur, qui va bouleverser entièrement sa vie.  

En effet la semaine d’après l’incident, le même jour, alors que le représentant de la loi demandait dans le souk, comme à l’accoutumée, aux marocains de le saluer à la française, l’homme qui a été giflé la semaine d’avant le surprend et le poignarde au dos. Dieu merci, le sujet français a été soigné par la suite et a repris plus tard ses activités.

Attrapé par les forces de l’ordre, l’agresseur a été jugé, emprisonné quelques mois au Maroc, puis transféré au désert algérien, dans une prison française, destinée à plusieurs nationalités y compris aux prisonniers nazis de la deuxième guerre mondiale. Alors qu’il était en prison au Maroc, sa femme a mis au monde un enfant et se remaria des années plus tard. Car une fois transféré on a plus entendu parler de lui. Il a été considéré disparu ou plus tôt décédé. Car, d’autres cas similaires ne sont plus revenus.

Même après l’indépendance de l’Algérie, par défaut de coopération judiciaire, notre héros est resté emprisonné et considéré encore une fois terroriste. Il est retenu par les algériens non loin de Tindouf au sud, au même titre que les militaires marocains, faits prisonniers de guerre, lors des opérations de maintien de l’ordre(entre le milieu des années soixante dix et quatre vingt), en provinces sahariennes marocaines. Par inattention ou  idiotie du système , sinon par haine vis-à-vis des  marocains, le pouvoir algérien n’a pas réagi et a longtemps emprisonné  une victime sans raison, qui a déjà été largement sanctionnée pour un faux mobile. Car, l’acte n’était pas terroriste.

Devenu inconnu , gardé longtemps au froid et transformé en esclave, il a été rendu à sa patrie mère avec les contingents de prisonniers marocains vers les années quatre vingt dix. Pourtant, il n’a rien à avoir avec eux. Aucun Etat au monde, dans le passé, n’a gardé aussi longtemps( pendant des décennies) , un prisonnier hérité du colonisateur, ou des prisonniers de guerre à l’exception de l’Algérie. Il faut vraiment être une oligarchie militaire sans scrupule pour le faire.

Une fois à la prison agricole, en attente de l’étude de son dossier, il a entendu quelqu’un qui parlait la même langue berbère de son village. Il lui a raconté son histoire et les autorités compétentes l’ont libéré sur le champ. Sa femme s’est remariée après sa disparition et a eu d’autres enfants. Il a passé deux années avec ceux qui sont restés de sa famille, avant de s’éteindre et laisser derrière lui l’énigme : Bonjour monsieur. S’agit-il vraiment d’un terroriste ?


[1] Marché de circonstance créée une fois par semaine, de l’aube jusqu’au début à l’après- midi, dans un espace connu et destiné à cet effet, en vue de permettre aux campagnards d’acheter leurs besoins ou vendre leur production diverse.

[2] Le Royaume du Maroc a eu la mal chance d’être sous protectorat de deux puissances coloniales, françaises et espagnoles. Cette dernière étant moins puissante a perduré et n’ a pas rendu toutes les zones occupées .