Auteur: Racha Hoummady
Les élections législatives françaises, particulièrement celles de 2024, sont cruciales en raison des enjeux politiques internes et des répercussions internationales, notamment sur le Maroc. La particularité de ces législatives décrites comme forcées par le Président Macron, ont été une sorte de conséquence des élections européennes. Le RN l’a remporté lors des élections européennes avec 31,37% des votes pour la troisième fois (en 2014 avec 24,86% des voix et en 2019 avec 23,34% des voix). Ce score est l’aboutissement d’une campagne entamée dès la rentrée de septembre 2023 et que le RN aura tout fait pour nationaliser, transformant le scrutin européen en référendum pour ou contre Emmanuel Macron…
Un jeu auquel l’exécutif s’est volontiers prêté, le chef de l’Etat et son premier ministre, Gabriel Attal, se jetant dans la campagne lors du dernier mois. D’une certaine manière ces résultats oblige non pas qu’un simple remaniement de ministres, vu que la majorité présidentielle n’a eu que 14,60% des voix.
Ces résultats mettent en avant un différend entre le gouvernement et le parlement, Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée nationale « j’ai décidé de vous redonner le choix de votre avenir parlementaire par le vote ». La dissolution résulte d’une décision personnelle et souveraine du président de la République selon l’article 12 de la Constitution, qui est soumise à une simple consultation du Premier ministre, du président du Sénat et du président de l’Assemblée nationale.
Cette arme n’a été utilisée qu’à 5 reprises par les présidents de la République.
Cependant la course électorale des législatives de juin 2024 pour la reconstitution de l’Assemblée nationale était historique et sans précédent, cela tient au fait que la durée du mandat présidentielle a été réduite depuis les années 2000. La durée du septennat permettait aux chefs de l’État de jouer le rôle d’arbitre des institutions conformément à l’article 5 de la Constitution qui dispose « Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. ». Cette transformation de septennat au quinquennat a modifié l’exercice du pouvoir présidentiel. Le Nouveau Front populaire a considérablement remporté les élections législatives avec 182 sièges mais sans majorité absolue, car il faut remporter 289 sièges à l’Assemblée nationale.
Cependant, après une pause politique estivale, le président Macron a nommé Michel Barnier du camp républicain comme premier ministre. Le nouveau gouvernement mis en place est le fruit d’un compromis complexe entre les Républicains (LR), le parti « Macroniste » Renaissance, ses alliés Horizons et Modem et plusieurs petits partis comme l’UDI ou le Parti radical, compte 39 membres, dont 16 ministres de plein exercice. Les oppositions ont immédiatement réagi. « Le retour du Macronisme par une porte dérobée », a dénoncé le président du Rassemblement national (RN), Jordan BARDELLA, qui évoque un gouvernement qui n’a « aucun avenir ». Ou encore, que « [Michel] Barnier n’a aucun avenir. « Son destin promis est qu’il sera battu à l’Assemblée nationale, sans doute sur son projet de budget, et qu’il tombera à la faveur d’une motion de censure si ceux qui se disent de l’opposition continuent à l’être. Voilà la vérité », a déclaré samedi le leader de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Pour lui comme pour l’ensemble de la gauche, ce gouvernement est « illégitime ». « Cette combinaison n’a ni légitimité ni futur. Il faudra s’en débarrasser aussitôt que possible », a-t-il ajouté sur X juste après la nomination. Mais il faudra que le RN s’associe à la gauche pour le faire tomber. Une coalition qui ne risque peut-être pas à continuer dans le long temps.
Principaux objectifs des objectifs du nouveau gouvernement BARNIER, en analysant leur faisabilité constitutionnelle, l’impact sur les dettes et l’impact sur l’économie
Les objectifs | Faisabilité constitutionnelle | Impact sur les dettes | Impact sur l’économie |
Élaboration du budget 2025 | Constitutionnellement faisable par l’adoption de la loi de finances | Réduction de la dette par des baisses de dépenses publiques. Augmentation possible avec des hausses d’impôts. | Ralentissement de la croissance si la consommation est affectée, mais stabilisation à long terme. |
Réforme de l’assurance chômage | Faisable, mais pourrait nécessiter des négociations avec les partenaires sociaux | Réduction de la dette si les conditions d’indemnisation sont durcies. | Risque d’augmentation de la précarité, mais potentiel retour à l’emploi dans certains secteurs. |
Réforme des retraites (amélioration) | Faisable, en collaboration avec les partenaires sociaux. | Maintien de l’impact actuel, peu de changements majeurs attendus sur la dette | Réduction des tensions sociales, amélioration potentielle de l’acceptabilité de la réforme. |
Désengorgement des services d’urgence et santé | Faisable à travers la loi de financement de la Sécurité sociale. | Augmentation de la dette à court terme pour financer des améliorations hospitalières. | Amélioration de l’accès aux soins, renforcement de la productivité des travailleurs grâce à une meilleure santé publique. |
Gestion de la crise éducative (enseignants) | Faisable, nécessitant des réformes législatives et budgétaires. | Impact limité sur la dette, mais des réformes salariales pourraient augmenter les dépenses publiques. | Augmentation de l’attractivité du métier, potentiel impact positif sur la qualité de l’éducation à long terme. |
Soutien à l’agriculture en crise | Constitutionnellement faisable via des lois sectorielles ou des subventions exceptionnelles. | Augmentation de la dette à court terme pour financer des subventions agricoles et des prêts bonifiés. | Stabilisation du secteur agricole, impact positif sur la production alimentaire nationale. |
Transition écologique et adaptation climatique | Faisable par des lois de programmation et des initiatives législatives spécifiques. | Augmentation à court terme pour financer les infrastructures vertes, mais bénéfices à long terme. | Transition vers une économie verte, réduction des coûts liés aux catastrophes climatiques à long terme. |
Réformes pour les Outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Martinique) | Faisable avec des mesures spécifiques et des lois locales, nécessitant une collaboration étroite. | Impact modéré sur la dette, mais pourrait impliquer des dépenses supplémentaires pour apaiser les tensions sociales. | Réduction des tensions et des conflits sociaux, stabilisation politique dans les régions d’Outre-mer. |
Le passé politique législatif français….
Comprendre le régime actuel français nécessite un retour à la Révolution française, un tournant historique pour la politique française, européenne et mondiale. Ce point de départ constitutionnel a conduit aux systèmes pratiqués aujourd’hui, comme le clivage gauche-droite.
Le pays a connu de nombreux changements de régime, de révision constitutionnelle, souvent en réaction au précédents. Les traits contemporains du militantisme et du constitutionnalisme français trouvent leurs racines dans ce même passé. Ces événements historiques expliquent les divisions et les compétitions politiques, soulignant l’évolution significative sous la Cinquième République liée à des transformations décisives de son histoire et leur impact direct et indirect sur le Royaume du Maroc.
Le Parlement de Paris est le centre des législatives et du pouvoir politique, mais n’oublions pas son rôle législatif agissant aux côtés de l’exécutif. C’est la plus ancienne et éminente des cours souveraines françaises, enracinée dans les institutions médiévales et traversant trois grandes phases reflétant les changements politiques et sociaux français au fil des siècles.
Cela commence par la création des États généraux en 1302 par Philippe IV le Bel, réunissant les représentants des trois ordres de la société de l’époque (clergé, noblesse, tiers état) pour « conseiller le roi » principalement sur les questions fiscales, mais sans être une institution permanente. Sa stabilisation fut établie au XIVe et XVe siècles, évoluant à partir de la section judiciaire de la Curia régis installée dans le palais sous Louis IX. Le roi pouvait imposer l’enregistrement de ses édits malgré les objections des parlementaires, ce qui démontre l’autorité de la monarchie.
Le rôle du Parlement s’accrut rapidement avec l’extension du domaine royal et sa centralisation. Divisé en chambres spécialisées, il avait principalement des compétences administratives et judiciaires, mais demeurait monocaméral sans pouvoir législatif permanent.
Les membres du Parlement passèrent de 85 en 1345 à 188 à la fin du XVIe siècle. Théoriquement désignés par la cour royale, ils furent souvent nommés « pour tant qu’il plaira au roi », devenant inamovibles—une caractéristique importante de leur statut. Les parlementaires jugeaient les affaires civiles et criminelles en dernier ressort, bien que certaines décisions puissent être cassées par le Conseil du roi ou attribuées à d’autres cours souveraines.
Au XVIe siècle s’établirent l’hérédité et la vénalité des offices, multipliés par le roi pour financer l’État. Créé principalement pour conserver les droits du roi, le Parlement devint un défenseur des intérêts de l’État et des libertés de l’Église gallicane. Des conflits renouvelés avec la monarchie tout au long de l’Ancien Régime s’intensifièrent notamment à la fin du XVIe siècle sous la Ligue catholique. Henri IV mit fin aux troubles après un temps de temporisation.
Sous les régences de Marie de Médicis et d’Anne d’Autriche, les prétentions parlementaires s’affirmèrent, mais Louis XIV leur interdit les remontrances préalables à l’enregistrement en 1673. À sa mort, le Parlement retrouva ce droit. Cette période de mutations profondes inscrivit le pouvoir législatif dans de nouvelles dynamiques historiques.
Aux XVIIIe siècle, opposé aux réformes, le Parlement empêcha les efforts de changement. En mai 1788, quand Louis XVI le remplaça par des tribunaux de grand bailliage, il fut soutenu par diverses factions et rétabli dans ses prérogatives. Aux États généraux de 1789, refusant le doublement des députés du Tiers État, il se transforma en Assemblée nationale, marquant le début de la Révolution française. Cela aboutit à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, influencée par les philosophies des Lumières, prônant liberté, égalité et propriété.
La Première Constitution de 1791 établit un suffrage censitaire et indirect, créant des tensions dues à une stricte séparation des pouvoirs. La révolution menant au 10 août 1792 initia une convention nationale exerçant un pouvoir dictatorial exempt de règles constitutionnelles strictes.
Suivirent des périodes variées : Directoire, Consulat, Premier Empire, Restauration avec Charte constitutionnelle en 1814, et Deuxième République instaurée en 1848. La Troisième République proclamée après la défaite de Napoléon III en 1870 donna lieu à un Sénat et une Chambre des députés, renforçant le rôle du gouvernement parlementaire. La Quatrième République après la Seconde Guerre mondiale ajouta un Parlement bicaméral.
En conclusion, fondée en 1958 par Charles de Gaulle, la Cinquième République renforce les pouvoirs exécutifs du Président de la République tout en maintenant un Parlement bicaméral composé de l’Assemblée nationale et du Sénat. Seulement en 2000, une révision constitutionnelle a été mise en place pour passer du septanat au quinquennat.
Le passé historique franco-marocain descellé après l’indépendance du Maroc mais impactant activement sur le pays…
Un mémorable passé relie ces deux nations. Cette relation débute en 1555 sous le règne des Wattassides à Fès. En 1577, Henri III, crée un consul à Fès, au Maroc, en envoyant Guillaume Bérard, la France était le premier pays européen à le faire. Guillaume Bérard était médecin de profession, il avait sauvé la vie du prince marocain Abu Marwan Abd al-Malik, lors d’une épidémie à Istanbul. Sous les dynasties successives, les relations franco-marocaine se sont intensifiées, notamment lors de la reconnaissance du sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah de la France révolutionnaire en 1792. Cela en faisant du Maroc le premier pays à établir des relations diplomatiques avec la République française. Cependant, les tensions ont augmenté dès lors de la guerre d’Isly de 1844 à la frontière algéro-marocaine, mis à l’épreuve la détermination de l’armée marocaine pour la défense de la solidarité et de la liberté, barrant le chemin à l’expansionnisme colonial français. Le Roi Philippe exigea une réparation face à la défaite des troupes marocaines contre les troupes françaises. Les conséquences furent très lourdes pour le Royaume, avec la perte de Tétouan en 1860 et la partition du Maroc entre l’Espagne et la France. En 1912, un protectorat français fut établi par le traité de Fès. Tout en permettant au Sultan de maintenir un semblant de pouvoir symbolique, la France contrôlait les affaires politiques, économique et sociales du pays. Les tensions se succédèrent en bataille internes ; des mouvements nationalistes, menant à l’indépendance du Maroc en 1956, qui fut un tournant historique pour la France mais également pour l’Espagne. L’élection de Mitterrand en 1981 a renforcé encore une fois les échanges économiques avec le Maroc. Bien que les politiques migratoires aient eu un impact notable entre 1990 et 2000, la diaspora marocaine continue de contribuer activement à l’intégration sociale, économique et politique en France. La France est un partenaire commercial et diplomatique clé du Maroc, la coopération s’étend sur plusieurs enjeux stratégiques ; la sécurité, l’immigration, le terrorisme…
Les liens parlementaires, diplomatiques des deux nations, amitié ou semblant d’amitié…
Le Maroc est perçu, tant à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat, comme un pays modèle dans la région, eu égard au processus démocratique engagé et aux grands projets de développement et de réformes entrepris. La coopération décentralisée Maroc-France est considérée parmi les plus importantes du bassin méditerranéen. Historiquement, les années post- indépendance ont été caractérisées d’amitié pragmatique, à savoir qu’en 1960, les premières relations parlementaires se sont établies sous forme de délégation bilatérales. L’intensification de cette coopération remonte à la fin des années 1980, sous la présidence de François Mitterrand qui entretenait des liens privilégiés avec le Roi Hassan II. Cette coopération a évolué au cours des années, à travers le lancement de plusieurs actions de partenariat dans plusieurs secteurs : aménagement urbain, culture, jeunesse et vie associative, développement économique, attractivité du territoire, environnement, eau et assainissement. La première Réunion de Haut Niveau s’est tenue à Rabat en décembre 1997 et depuis lors, 13 sessions se sont succédées alternativement au Maroc et en France, s’articulant généralement autour d’une thématique préalablement définie, qui répond aux aspirations de partenariat concerté entre les deux parties.
Cependant, les partis gauchistes français essentiellement le Parti Socialiste ont souvent été proches de leurs homologues marocains du parti de l’Union Nationale des Forces Populaires actuellement connu sous l nom de l’unions Socialistes des Forces Populaires. Ce parti est considéré comme une scission du Parti de L’Istiqlal fondée par Abderrahmane El Yousfi et Mehdi Ben Barka, homme de vocabulaire marxiste avec des conceptions politiques autoritaires mais non seulement un conciliateur mais un modérateur de la scène internationale réservant ses foudres verbales au néocolonialisme. Ces liens n’ont pas toujours été harmonieux, surtout lorsque les intérêts nationaux divergent essentiellement sur la question du Sahara Marocain. Les liens entre les Parlements des deux pays se sont renforcés par l’organisation du troisième forum parlementaire franco-marocain, qui s’est réuni, à Rabat le 22 juin 2018, sous la présidence des Présidents des quatre assemblées parlementaires à savoir M. Habib EL MALKI (Chambre des Représentants), M. Hakim Bench mach (Chambre des Conseillers), M. François De Rugy (Assemblée Nationale) et M. Claude Bartolone (Sénat).
Le lien parlementaire franco-marocain est une suite d’oscillements continus , mais qui actuellement caractérise par une stabilité surtout suite à la lettre du Président Macron sur la position française par rapport au Sahara marocain. En ce sens, il s’agit souvent d’un équilibre entre coopération formelle et divergences sous-jacentes.
Analyse de l’impact des mesures du nouveau gouvernement sur le Maroc :
Objectifs du gouvernement | Impact quantitatif sur le Maroc | Impact qualitatif sur le Maroc | Secteurs concernés |
Budget 2025 et Réformes fiscales, | Réduction possible des investissements français au Maroc. | Moins d’expansion des entreprises françaises dans les secteurs stratégiques marocains. | Investissements, immobilier, tourisme |
Réforme de l’assurance chômage | Diminution des transferts de fonds des Marocains résidant en France. | Augmentation de la précarité chez les Marocains en France, impactant les régions dépendantes au Maroc. | Diaspora marocaine, transferts de fonds |
Réforme des retraites (amélioration) | Maintien ou augmentation des transferts de fonds des retraités marocains. | Amélioration du moral et de la stabilité économique de la diaspora marocaine. | Diaspora, immobilier, consommation |
Soutien à l’agriculture française | Réduction de la compétitivité des exportations agricoles marocaines. | Pression accrue sur les agriculteurs marocains à innover ou diversifier leurs marchés. | Agriculture, exportations |
Transition écologique et climatique | Opportunités accrues pour les exportateurs marocains de technologies vertes. | Possibilité d’une coopération renforcée avec la France dans les énergies renouvelables. | Énergies renouvelables, innovation |
Réformes dans la santé | Augmentation des départs des professionnels de santé marocains vers la France. | Potentiel de fuite des cerveaux dans le secteur de la santé au Maroc. | Santé, immigration des cerveaux |
Réformes dans l’éducation | Augmentation des échanges académiques entre la France et le Maroc. | Renforcement de la formation des étudiants marocains dans les universités françaises. | Éducation, formation |
Relations avec les Outre-mer | Resserrement possible des politiques migratoires. | Impact sur l’intégration des Marocains en France et relations bilatérales tendues. | Immigration, relations bilatérales |
Les deux nations ont connu un ensemble d’événements et de conséquences historiques impactant leur relation bilatérale. À ce jour, la France compte parmi les forts alliés du Royaume du Maroc. Malgré les anciennes tensions politiques et post-coloniales, les deux pays ont su reforger cette forte amitié, remplissant les intérêts de chacun. Chaque législatives passées impactent continuellement le Maroc, ceci est dû au programme du gouvernement français concerné.
Cependant, l’ultime question reste à venir. Si ce nouveau gouvernement Barnier serra un semblant de stabilité ou va encore plus générer l’instabilité politique interne du pays, impactant les relations bilatérales et multilatérales de celui-ci.
Sources :
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.