Mohssin DATSSI, Membre du think-thank NejMaroc, Centre Marocain de Recherches sur la Globalisation, spécialisé dans les relations internationales
Les relations bilatérales entre le Maroc et l’Algérie depuis 1962, ont été marquées
principalement par des tensions diplomatiques, allant même jusqu’à l’affrontement armé en
1963 lors de la Guerre des Sables.
Le pouvoir algérien est à ce jour, le seul à s’activer contre l’intégrité territoriale du Royaume.
Alors que le monde médiatique met principalement l’accent sur l’aspect conflictuel des
relations entre les deux puissances du Maghreb, l’histoire nous a cependant démontré que
Rabat et Alger ont su également coopéré et cohabité.
Cela veut-il dire pour autant qu’une réconciliation durable est envisageable entre le Maroc et
l’Algérie ?
Eléments de réponses:
La Guerre des Sables, l’origine cause des velléités
Alors que le Maroc obtenait son indépendance en 1956, la France, ancienne puissance
coloniale, offrit à Feu Sa Majesté le Roi Mohammed V la possibilité de négocier le tracé des
frontières.
Le monarque refusa cette initiative, ne voulant pas négocier dans le dos de l’Algérie qui se
battait à cette période pour obtenir son indépendance.
Ayant succédé à son père en 1961, Feu Sa Majesté le Roi Hassan II, resta fidèle à cette
position.
L’Algérie devint indépendante l’année suivante en 1962.
Ahmed Ben Bella, premier président de l’état fraîchement indépendant, succéda au
gouvernement provisoire dirigé par Ferhat Abbas.
Au lieu de traiter le différend frontalier comme cela avait été convenu, le dirigeant algérien,
adopta une attitude basée sur le déni sur fond de condescendance, balayant d’un revers de
main toute possibilité de dialogue sur le tracé des frontières, le transformant de fait en
différend frontalier.
La défiance entre Rabat et Alger s’installa alors lorsque, contre toute attente, des postes
frontaliers de Figuig sont attaqués en octobre 1963.
La riposte des Forces Armées Royales (FAR) ne se fit pas attendre:
Les agresseurs furent non seulement chassés mais pourchassés.
L’armée marocaine infligea de lourdes pertes humaines à l’Armée Nationale Populaire
Algérienne (A.N.P).
Il fallut la retenue de Feu Sa Majesté Hassan II, ainsi qu’une médiation de l’Organisation de
l’Unité Africaine, menée conjointement par l’empereur éthiopien Hailé Sélassié et le président
égyptien Gamal Nasser, pour qu’un cessez-le feu soit décrété.
La Guerre des Sables, alimenta la rancœur du pouvoir militaire algérien n’ayant pas digéré la
défaite infligée par le Maroc, constitua bel et bien la racine des futures tensions bilatérales.
Un apaisement progressif avec Houari Boumediene (1965-1974)
En 1965, Ahmed Ben Bella, dont l’autorité fut de plus en plus contestée, finit par être renversé
par Houari Boumediene.
Si l’animosité resta palpable vis à vis du Royaume, des signes d’apaisement de part et d’autres
se manifestèrent progressivement.
Le président Boumediene fut reçu par Feu Sa Majesté Hassan II à Ifrane en 1969 où les deux
hommes signèrent un traité pour régler le différend frontalier et construire les bases d’un bon
voisinage.
Le souverain lui rendit la politesse en se rendant à Tlemcen l’année suivante.
Toujours en 1970, en guise d’apaisement entre Rabat et Alger, un détachement de l’armée
algérienne défila au Maroc à l’occasion du 14 ème anniversaire de la création des Forces
Armées Royales.
Le président algérien assista également à Rabat au XI ème sommet de l’Organisation de
l’Unité Africaine.
Les relations bilatérales se dégradèrent à nouveau en 1974 lorsque le Maroc décida d’accélérer
le processus de récupération de ses terres au Sahara.
Quand le président Boumediene prit connaissance du lancement de la Marche Verte en 1975,
son attitude changea radicalement en finançant et armant l’entité séparatiste du Polisario.
La tension monta d’un cran lorsque l’année suivante, en 1976, les Forces Armées Royales
infligèrent une lourde perte au Polisario appuyé par l’ANP à Amgala.
La rupture diplomatique étant actée, la frontière entre les 2 pays totalement fermée.
Nouvelle détente (1988-1994)
Houari Boumediene meurt le 26 décembre 1978 à Alger.
Son Ministre des Affaires Étrangères, Abdelaziz Bouteflika, longtemps pressenti pour lui
succéder, fut écarté au profit du Colonel Chadli Benjedid, dont la prise de pouvoir fut actée au
début de l’année 1979.
Si le nouveau président algérien s’inscrivit d’abord dans la même politique que son
prédécesseur, il fit face à plusieurs événements aussi bien sur le terrain que conjoncturels, qui
le poussèrent à changer progressivement d’approche vis à vis du Maroc.
Les Forces Armées Royales, grâce notamment à la mise en place du mur de défense,
repoussaient sans moindre mal les attaques du Polisario.
La Libye de Muhammar Kaddafi, soutien financier majeur de l’entité séparatiste, cessa de
l’armer suite à une rencontre en 1983 entre Feu Sa Majesté le Roi Hassan II et le leader
libyen, actant une normalisation des relations bilatérales entre Rabat et Tripoli.
Une tentative de réconciliation entre les puissances du Maghreb, menée par le Roi Fahd
d’Arabie Saoudite, fut organisée la même année.
Le souverain et le président algérien se rencontrèrent ainsi à la Frontière Algérienne sans que
cette initiative ne puisse aboutir.
D’autres tentatives eurent plus tard, sans succès.
En 1986, les cours du pétrole dévissèrent.
Le baril perdit plus de la moitié de sa valeur, impactant directement l’économie algérienne,
dont les revenus sont tirées en grosse partie de l’or noir.
Tous ces facteurs contraignirent Alger à apporter un soutien moins conséquent au Polisario.
Chadli Benjedid changea alors radicalement d’approche en privilégiant le dialogue avec le
Maroc.
En 1988 le souverain et le dirigeant algérien se réunissent pour sceller une réconciliation.
Les relations diplomatiques furent de nouveau rétablies et les frontières, fermées depuis 12
ans, rouvertes.
Cet apaisement jeta également les bases de la construction de l’Unité du Maghreb Arabe
(UMA), initiée par Feu Sa Majesté Hassan II et concrétisée l’année suivante par la tenue du
sommet de Marrakech où le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Mauritanie et la Libye se réunirent
pour lancer le processus.
Le début des années 90 marqua l’entrée progressive de l’Algérie dans une instabilité politique.
En effet, profitant de l’ouverture démocratique amorcée par le Président Chadli suite aux
émeutes d’octobre 1988, le Front Islamique du Salut (F.I.S) remporta les élections de 1991.
Tenu pour responsable de la victoire des islamistes, le président algérien fut destitué le
11janvier 1992 et placé en résidence surveillée et le scrutin fut annulé par l’armée.
Pour faire face au vide du pouvoir, l’armée eut la lourde tâche de trouver un successeur qui ne
soit ni militaire, ni issu du Front de Libération Nationale (F.L.N) dont la popularité déclinait.
Mohammed Boudiaf, figure historique du mouvement, exilé au Maroc depuis 1964 et surtout
inconnu jusque-là d’une population jeune fut contacté.
Après plusieurs tractations il accepta de retourner en Algérie au début de l’année 1992,
suscitant l’espoir pour un peuple, mais constituait aussi un gage de pérennisation de la
construction du projet maghrébin dont il fut un fervent défenseur.
Il meurt malheureusement assassiné quelques mois seulement après son retour, le 29 juin
1992 dans des circonstances qui restent à ce jour, obscures.
Paya-t-il sa volonté de s’attaquer à la corruption qui sévissait dans son pays ? Fut-il jugé “trop
proche du Maroc” par une frange réfractaire et rancunière de l’armée algérienne ?
Ou pour ces 2 raisons? Nous ne le saurons jamais.
Cette disparition, aussi violente que prématurée, marqua sans doute le début de la fin du
processus de construction de l’UMA, et un retour progressif de la défiance vis à vis du Maroc.
Cette crispation atteint son point culminant lorsque le Royaume, victime d’une attaque
terroriste sur son sol en 1994, décida de restaurer le visa pour les algériens transitant sur son
sol par mesure de précaution.
Vivant mal cette mesure, Alger décida de fermer unitéralement ses frontières avec le
Royaume en guise de protestation.
Elles demeurent à ce jour, toujours fermées.
Une réconciliation durable prendra du temps
Aujourd’hui, malgré des appels répétés au dialogue émis par Sa Majesté le Roi Mohammed
VI, notamment dans ses discours annuels, l’Algérie maintient une posture de rupture,
accentuée depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdelmadjid Tebboune. La position rigide d’Alger
sur la question du Sahara, en dépit d’un large consensus international en faveur du plan
d’autonomie marocain, isole de plus en plus le régime algérien sur la scène diplomatique. Par
ailleurs, une campagne médiatique hostile à l’égard du Maroc contribue à entretenir une
image négative du Royaume auprès de l’opinion publique algérienne.
En l’état actuel, une normalisation rapide paraît peu probable. Une réconciliation véritable
nécessitera non seulement un changement de cap stratégique à Alger, mais aussi une
évolution des mentalités au sein des deux sociétés. Soixante années de défiance mutuelle ont
ancré une méfiance profonde, souvent transmise d’une génération à l’autre. Une amélioration
des relations, bien qu’envisageable à moyen terme sous l’effet d’un règlement définitif du
dossier du Sahara, exigera du temps, des gestes forts et une volonté politique sincère de part et
d’autre.
Zakaria HANAFI
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.