Avec une population avoisinant les 12 millions et ayant comme capitale politique Juba la République du Soudan du Sud a hérité de son indépendance du Soudan du Sud une superficie d’environ 619 745 km². Devenue indépendante à partir du 9 juillet 2011 suite l’accord de paix global de 2005, La république du Soudan de Sud a connu un conflit fratricide, à partir de décembre 2013, opposant le président élu Salva Kiir MAYARDIT et son vice-président, le Dr Riek MACHAR TINY.
C’est une tragédie qui a été à l’origine du déplacement de millions de populations en interne et des millions de réfugiés qui ont fui la guerre vers les frontières voisines. Par ailleurs malgré les différents accords signés (1) entre les deux riverains, la situation sécuritaire demeure instable et sans espoir.
Les langues les plus utilisées, sont l’arabe classique qui est une langue officielle de l’Etat et la population parle le dialecte arabe de Juba et l’anglais a été retenue, par l’administration, en tant que langue utilisée par la puissance coloniale du Royaume Uni.
Unifié au sein de quelques six groupes ethniques, constituant la majorité des populations, la République du Soudan du Sud est liée au voisinage en particulier par son appartenance régionale au Nil blanc. C’est la raison pour laquelle on trouve parmi les communautés nilotiques importantes en effectif, les Dinkas comme grande communauté ethnique majoritaire opposés aux Nuers, deuxième groupe ethnique.(2) Il existe d’autres groupes ethniques de poids, comme les Nouba , les Azande, les Kreish, les Shilluk, les Luo, les Bongo, les Anuak, les Murle, les Kuku, les Kakwa, les Mandari, les Murle, les Ndogom Lndi, les Lango, les Didinga, les Dungatona, les Acholi, les Baka, les Fertit, les Bviri, les Jiek et les Bari.
En fait, partagés entre chrétiens majoritaires suivis par des religions traditionnelles ou dites animistes et musulmans moins nombreux, avec quelques soixante communautés ethniques, les populations ont coexisté pendant longtemps jusqu’à ce que le Soudan du Nord exige dans sa constitution l’application du droit musulman (la Charia) et considère tout le pays musulman, sans respecter les spécificités des populations. Erreur stratégique male admise par les non musulmans, a été une cause directe et fatale de la guerre Nord et Sud et à l’implosion du grand Soudan.
Déjà les anglais ont divisé l’Egypte pour créer l’Etat du Soudan longtemps sous souveraineté égyptienne. Le tour du Soudan n’a pas tardé de suivre la même voie en donnant naissance au Soudan du Sud. Le Darfour habité par des communautés généralement originaires, de la république centrafricaine, tchadienne et libyenne ne pourraient échapper au même scénario de partition.
Le Soudan du Sud élu pour le soft state (3)
Plusieurs outils d’analyse de la géographie économique, de l’anthropologie avec ses différentes disciplines montrent déjà que le foyer de tension en république du Soudan du Sud est loin d’être réglé à l’amiable. En se référant aux caractéristiques des pays dits concernés par le soft state, on trouve que cette nouvelle république remplie toutes les conditions de la défaillance complète.
Certes, dans cette guerre fratricide qui divise deux antagonistes épousant auparavant la même cause d’indépendance vis-à-vis du Soudan du Nord, ils ont tous les deux exposés leur pays à la baisse du statut et du prestige de l’État que ça soit à l’intérieur ou à l’extérieur.
Les citoyens ne savent plus à qui faire confiance entre les deux et ne croient plus aux lois existantes qui ne sont plus appliquées face au dérapage des forces de l’ordre à l’inexistence d’une justice équitable entre les différentes catégories des citoyens. Les forces de l’ordre et l’armée des deux côtés ne sont plus des organes qui assurent l’ordre et défendent les institutions de l’Etat. Pourtant auparavant, les soudanais du Sud respectaient et faisaient confiance au défunt Colonel John Garang de Mabior(4).
Le non-respect de la loi et le manque de confiance des citoyens dans les lois, avec l’existence d’un système judiciaire avancé, il reste sans application, sauf dans des cas spécifiques, où il peut être utilisé pour punir l’anti-corruption, ou ceux qui revendiquent leurs droits, ou les criminels et les voleurs des classes opprimées.
La présence d’institutions gouvernementales en supplément qui se ressemblent avec la même mission tel que chaque antagoniste a son armée, ne fait que confirmer la division du pays en deux entités distinctes dont l’intérêt majeur n’est que de créer des postes pour ceux qui sont affiliés aux deux antagonistes.
Il existe pami les armées du Soudan du Sud et son oligarchie financière une élite corrompue qui ne cherche pas pour autant la résolution du problème. On a créé des groupes d’autodéfense des tribus pour partager le butin minier entre chefs locaux et personnes influentes au pouvoir. Le pays demeure parmi les Etats les plus corrompus de l’Afrique et du monde. Même le secteur pétrolier qui constitue la plus importante rente du pays est touché par la corruption. Sont détournés plusieurs milliards de dollars du pétrole et des d’aides accordées en bilatéral ou en multilatéral par les institutions internationales.
La corruption admise par les départements du gouvernement est monnaie courante qui rend le pays défaillant et pourrait être une raison capitale de l’implosion de l’État central. C’est aussi une barrière importante qui menace la stabilité et le développement durable du pays. Aussi, la justice dépend de plus en plus de la corruption et du parapluie des responsables de l’exécutif.
Des deux côtés riverains, certains hauts fonctionnaires vendent illégalement les richesses du pays et pensent beaucoup à réaliser leurs intérêts personnels. Ils possèdent des mines, ils ont le monopole de l’importation des denrées alimentaires et de la distribution des aides internationales et sont actionnaires partout. Ce n’est pas dans leur intérêt de céder ces types de privilèges. Ceci a entrainé l’absence de la transparence et le manque de séparation entre l’intérêt public et l’intérêt privé, notamment entre l’argent public et l’argent privé. Raison pour laquelle sans système de gouvernance transparent, l’Etat est menacé par la disparition.
Le Soudan du Sud connait la pauvreté extrême avec une précarité en hausse, la famine, les épidémies dans les villes et les campagnes, sans qu’il n’y ait aucune aide sociale, ou un souci de la classe dirigeante, afin qu’elle planifie un développement durable en faveur de sa population. Par cette inaction, le tissu social est devenu divisé et difficilement récupérable. Suite au chômage les jeunes se font recruter facilement au sein des acteurs militaires non étatiques du pays et dans le voisinage direct concerné aussi par des guerres intestines.
La corruption à tous les niveaux et sous toutes ses formes empêche le pays de continuer. Tous les services sont concernés par cette gangrène qui empêche la stabilité politique, l’investissement directe étranger et facilite le détournement de l’argent public et l’évasion fiscale et douanière qui a des textes sans application réelle dans les frontières. Ceci empêche l’Etat d’avoir une assiette fiscale permettant des rentes à la trésorerie générale.
Malgré la richesse du pays en rentes d’hydrocarbure, le Soudan du Sud demeure un parasite qui dépend des aides de l’extérieur que ça soit en bilatéral ou en multilatéral par les agences de l’ONU. Les capacités financières de l’Etat ne peuvent plus remplir les fonctions régaliennes. Suite à la guerre civile plusieurs structures scolaires et universitaires sont soit fermées soit sans apport financier et les fonctionnaires ne sont jamais payé à temps pour pouvoir faire leur travail avec ardeur (5). On assiste à une perte de contrôle de l’État sur une grande partie de sa décision interne et le pays vit le jour au jour sans planification précise.
Dans ce désordre, les droits de l’homme et de la dignité des personnes sont bafoués et les populations ont peur (6). Ceci les pousse à se réfugier dans les pays voisins qui sont à leur tour déstabilisés par les conflits intestins. Ayant acquis la majorité des caractéristiques d’un soft-state et d’un Etat failli, le Soudan du Sud pourrait disparaitre en tant que pays souverain et laisser la porte ouverte à l’anarchie, l’implosion probable des institutions et la division de l’Etat en plusieurs provinces autonomes.
(1) Un accord pour pacifier la situation a été signé en 2015 sous le nom de Accord de Résolution du Conflit au Soudan du Sud (ARCSS), mais en vain, le cessez-le- feu a été violé. Par la suite, en Février 2020 , on a partagé le pouvoir entre antagonistes en constituant un gouvernement transitoire d’unité nationale par l’accord dit : « The Revitalised Agreement on the Resolution of Conflict in the Republic of South Sudan » (R-ARCSS). Ledit accord a été prolongé 24 mois de plus, jusqu’à février 2025, afin de préparer des élections générales qui auraient dû , se faire en décembre 2024.
(2) S’agissant d’une guerre ethnique dans laquelle sont défendues les Dinkas par le président actuel et les Nuer par son rival premier vice-président. A l’intérieur même des ces grandes ethnies en litige, il y a lieu de repérer des sous- groupes ethniques et des tribus ayant d’autres, religions traditionnelles, d’autres interprétations du christianisme laissé par les missionnaires de l’empire anglais, des traditions diverses et autres dialectes.
- Le premier à utiliser le terme pays doux ou paresseux fut l’économiste suédois (Gunnar Myrdal), qui a remporté le prix Nobel d’économie en 1974, dans son livre “Drame asiatique – Un examen de la pauvreté des nations”, qui a été publié en 1968. ” Son épouse, Alva Myrdal (prix Nobel de la paix 1982), pour le réconforter et l’encourager, lui fait lire alors des ouvrages d’économie théorique, une science capable, à ses yeux, de réformer la société et de réduire les inégalités. Député du Parti social-démocrate de 1935 à 1938, puis de 1944 à 1947, il sera conseiller du ministre des finances, Ernst Wigforss, puis président de la commission pour la planification économique après la guerre et ministre du commerce en 1945, à l’âge de quarante-sept ans.
- Homme d’Etat et officier soudanais, architecte de l’indépendance du Soudan du Sud et derrière la création de l’Armée populaire de libération du Soudan (A.P.L.S.) .Né le 23 juin 1945 à Wangkulei, dans le condominium au. Soudan du Sud actuel d’une famille chrétienne. Engagé dans la rébellion Anya-Nya qui oppose le sud du pays, peuplé en majorité de Noirs chrétiens ou animistes, au Soudan du Nord musulman. Après les accords d’Addis-Abeba en 1972, qui ont mis fin à la guerre, John Garang rejoint les rangs de l’armée soudanaise. Devenu colonel, il est désigné par les autorités soudanaises pour calmer le sud du Soudan non indépendant suite à l’imposition de la charia islamique dans tout le pays en 1983. Ne pouvant trahir ses semblables chrétiens et animiste, il a choisi de faire partie des rebelles.
- « Le rapport de la Commission note que le gouvernement a généré 3,5 milliards de dollars de recettes entre septembre 2022 et août 2024, alors que les institutions essentielles – telles que les tribunaux, les écoles et les hôpitaux – restent sous-financées et que les fonctionnaires ne sont pas payés. » Pour plus de détails visiter https://news.un.org/fr/story/2025/02/1153561
Zakaria HANAFI
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.