La France n’a plus les mêmes indicateurs souvent cités lors de l’histoire contemporaine de la Ve république. Cette dernière décennie, fait du pays l’un des Etat les plus exposés aux risques du déclin et accuse des comportements pleins de contradictions dans ses relations internationales. Des fois c’est les valeurs humaines qui sont défendus et d’autres fois, c’est purement l’intérêt géoéconomique qu’on protège ouvertement.
I-Un empire colonial vieux dans le temps
La colonisation française des territoires partout dans le monde à partir du milieu du XIIe siècle[1] , lui a permis vers la fin du XIXe siècle de devenir le deuxième empire colonisateur derrière le Royaume Uni. Elle a pu devancer les puissances coloniales espagnoles, portugaises et néerlandaises, qui l’ont précédé en la matière à des fins d’expansion politique, d’exploitation économique et de propagation religieuse. L’histoire continue de garder de mauvais œil, les souvenirs des crimes atroces commis par certains colons dans la majorité des territoires colonisés.
Avec la décolonisation, depuis les années soixante, l’histoire contemporaine retient aussi un néo-colonialisme et un interventionnisme exagéré dans les territoires des anciennes colonies. Ce constat n’est plus un fait signalé par les pays qui ont continué à figurer parmi la liste des Etats les plus pauvres. Ce n’est pas de la déformation telle que le défend les responsables de la métropole. Mais, aussi des voix s’élèvent et des avis sont très cités par plusieurs Etats du Nord et des pays émergents, qui demandent ouvertement à la France de rectifier, son comportement diplomatique et sa vision de marché monopole, en vue de laisser le terrain libre à d’autres acteurs internationaux.
II-L ’effervescence dans les anciennes colonies
Certains Etats africains n’ont pas le pouvoir de choisir avec qui faire le commerce. La gestion de leurs finances continue de dépendre de la métropole. Les populations sont plus conscientes qu’auparavant que leur sol est riche et malgré ça, ils sombrent dans la pauvreté et la précarité. Cette manière possessive dans la politique suivie au sein des colonies donne l’occasion à plusieurs acteurs nationaux et internationaux d’encourager le changement des régimes.
Néanmoins, n’ayant pas changé sa politique dans ses anciennes colonies, la France s’est trouvée coincée devant le fait qu’elle court le risque de la faillite. Car, tout le monde sait d’où sont remplis ses trésors d’Etat et à quel point le pays est endetté. Chassés de l’Amérique (Canada) et plus tard de l’Asie (Cochinchine : Vietnam, Laos et Cambodge), la France a perdu la Syrie et le Liban n’est pas loin de changer de veste. Certains pays du Golf, ayant une très bonne entente avec le gouvernement du défunt président J. CHIRAC pourraient eux aussi, faire de même, à cause de leurs intérêts qui ne sont plus clairs avec la France. La guerre de l’Ukraine constitue aussi une cause indirecte qui a rectifié la carte des alliances diplomatiques et des alliances dans le monde. Avec cette diplomatie déboussolée ou contradictoire, des fois utilisant la menace dans le pouvoir du verbe, ne cherchant que les intérêts dans l’immédiat, les élites français sont en train de perdre certains Etats africains l’un après l’autre. Jamais, dans l’histoire de la Vème république, la France n’a connu ce type de malaise et discordance dans les relations internationales.
La guerre hybride particulièrement caractérisée par une campagne sans précédent, dans les réseaux sociaux, participe activement au déclin de la culture française. Dans ce scénario de perte de commande, le groupe Wagner n’est qu’un signe apparent. D’autres Etats font de même pour nuire à la réputation de la France. Car ce n’est pas les stratégies qui manquent. La Russie est occupée par son opération spéciale en Ukraine, la Chine à Formose contre les Etats Unis d’Amérique, l’Allemagne essaie de résoudre son problème de dépendance gazier à l’instar de la majorité des Etats de l’Union européenne et d’autres puissances émergentes telles que la Turquie et le Brésil préparent leur atterrissage définitif. Dans le cadre d’un monde multipolaire tout les nouvelles puissances veulent à leur tour avoir le droit de véto au conseil de sécurité qui ne s’est élargi depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
L’indépendance des Corses est devenue un fait. Mais, ce risque de liberté avancée, pourrait aussi concerner avec le temps, la Martinique, la Guadeloupe et Saint-Domingue, si jamais la France ne rejoint pas l’alliance anglosaxonne autour de l’océan pacifique (Tahiti ou la Nouvelle-Calédonie) et indien (en particulier l’île de la Réunion)[2] pour se protéger des ententes sino-russes. Car c’est une région éloignée par rapport à l’Afrique et la projection de force navale française est faible par rapport aux autres puissances intéressées par les iles atour des océans pacifique et indien. La participation à une ceinture de défense avec les EUA, le Royaume Uni, le Canada et l’Australie, n’est pas un choix, mais une obligation stratégique et ce malgré la perte du marché des sous-marins avec l’Australie.
III- L’ambigüité de la France dans sa relation avec le Maroc
En revenant à l’Afrique, il faut rappeler la spécificité de chaque pays. Car, le partenariat stratégique avec le Royaume du Maroc, bien positionné en Afrique depuis le milieu du VIIe siècle, est une réalité sans précédent. Ayant des frontières au sud lui permettant de faciliter le flux des caravanes, comme dans les anciens temps, et une stabilité politique, parmi les plus ancestrales dans le monde, le Royaume chérifien a ouvert ses portes pour un millier de sociétés françaises qui pourraient rapporter gros. Ces firmes ont plus besoin d’un pays stable et prospère, comme le Maroc, pour aller loin et participer au progrès économique des deux partenaires. La leçon prise de délocalisation des usines en Chine et en Russie doit être prise au sérieux et la proximité du Maroc est sans équivoque. Néanmoins, on n’est pas obligé d’être une possession et acheter tout ce que nous livre la France. Si on trouve mieux pour gagner plus on est libre de le faire. Les sanctions touchant la diminution arbitraire du nombre de visas au profit des cadres marocains et des étudiants constituent en elle-même une campagne antifrançaise qui touche l’élite marocaine. Le Maroc a largement collaboré avec le peu de moyens que lui accorde l’Union européenne pour stopper l’immigration clandestine. Pourtant, lors des derniers incidents dans l’enclave de Melilla, il y a eu une mauvaise interprétation des choses et au nom des droits humains, certains médias français, se croyant plus démocratiques, ont vivement critiqué l’intervention des forces de l’ordre marocaines. Ont-ils oubliés qu’on est pas leur gendarmes ?
Certains français doivent cesser de voir le Maroc comme propriété privée. Le Royaume pourrait appliquer la réciprocité dans les visas et pourrait du jour au lendemain lancer un appel d’offre international pour choisir de nouveaux partenaires économiques dans le respect de la législation internationale et loin de toute anarchie. Actuellement, le pays est l’un des plus attractifs en investissements extérieurs, vue sa législation, ses facilités offertes et ses infrastructures. En un mot le Maroc est en marche.
Et c’est ça le message que ne veut pas comprendre certains commis possessifs. On n’est pas dans l’obligation d’acheter un matériel plus cher, moins performant pour faire gagner l’industrie française. Sinon, le Royaume ou les gouvernements africains, seront pris pour des collaborateurs, qui détournent les biens publics. Ce qu’on interdit aux français ne doit pas être permis aux africains. Les populations qui choisissent leurs élus attendent elles aussi la transparence dans le choix des marchés publics.
La France a omis les comptes rendus de ses commis d’Etat sur le Maroc[3], qui n’était pas comme les autres colonies. Car, si le gouvernement français légiférait les lois et donnait les ordres aux colonies pour les exécuter, le Maroc est une exception. Car, il possédait une administration avant le protectorat et on lui modulait les lois selon celles existantes en respect des institutions et de la religion musulmane. La France oublie aussi, qu’elle a trouvé une organisation politique reconnue autour d’une monarchie ancestrale, des médinas (cités) avec des écoles, des bains maures, des rues, de l’eau coulant dans les maisons, des juridictions, un pouvoir exécutif et d’autres institutions ou infrastructures. N’est-ce pas les traces d’un pays millénaire et civilisé ?
En fait, le Royaume qui a participé dans les deux guerres mondiales et d’autres opérations militaires, aux côtés des troupes françaises, a laissé ses portes ouvertes aux français comme s’il s’agissait de ses propres citoyens et des fois leur offrant plus d’avantages. Le Maroc ne pourrait supporter une amitié neutre, d’une France qui est l’un des témoins principaux de l’histoire et ayant largement les archives pour défendre la marocanité du Sahara. Si la France sort de son silence beaucoup d’Etats cesseront leur ambiguïté dans le dossier du Sahara marocain. C’est le cas de la Tunisie qui est le seul Etat arabe après l’Algérie à avoir reçu officiellement le chef de l’Etat fantoche de la pseudo RASD, lors du sommet Japon-Afrique organisé à Tunis.[4]
C’est vrai la France a pris position en défendant le plan d’autonomie présenté par le Royaume aux nations unies. Mais cette France qui a des relations diplomatiques et économiques ancestrales avec le Maroc possède tous les éléments de réponse et pourrait en tant que pilier de l’Union européenne agir sur les principaux Etats pour reconnaitre la marocanité du Sahara. C’est ça qu’attend tous les citoyens marocains de la France. Car, ce n’est pas seulement une affaire de gouvernement. Devons-nous encore inviter la France à mieux nous connaitre ?
Lors de sa dernière intervention, à l’occasion de la fête nationale de la révolution du roi et du peuple, le 20 aout 2022, SM le Roi que Dieu le Glorifie a salué la position des pays amis[5] .Néanmoins, il a rappelé à certains pays, considéré partenaires traditionnels ou nouveaux [6], qui ont une position ambiguë, de clarifier leur position. La république française ancienne amie du Maroc ne peut échapper à ce baromètre exigé par le Maroc.
Malgré les injustices commis pendant le protectorat, l’absence des libertés essentielles et l’exploitation massives des ressources marocaines, le Royaume a tourné la page comme pays musulman et tolérant en vue de construire en commun un avenir meilleur. La France qui se déclare pays des libertés et de la défense des valeurs ne doit pas oublier qu’en diplomatie, la neutralité est un signe fort et clair du double langage. Par la culture qu’on a héritée et qu’on a été poussé à épouser, on a appris l’anthropologie française et le comportement sociétal, mais les français n’ont pas fait le même effort pour comprendre leurs vrais alliés.
Les opportunités économiques et le contexte géopolitique du gaz n’est qu’une page de l’histoire parmi d’autres. En termes de géopolitique des frontières, dans le conflit du Sahara marocain, la France a son mot à dire, parce qu’elle était l’une des puissances coloniales qui ont morcelé le territoire marocain. Aussi, les indicateurs soulevés et le baromètre du climat en Afrique francophone montre bien que la dernière tournée du président français en Afrique occidentale n’est pour beaucoup d’analystes africains qu’une stratégie parmi d’autres des politiques prothétiques. Car les populations ne sont plus écartées du jeu.
IV- Quelle conclusion tirer ?
Lors de son choix politique, les indices de discordance au niveau interne et externe constituent une grande menace pour les intérêts de l’Empire Français. La France a longtemps compté sur la cohésion sociale défendue par la République et sur les rentes financières des anciennes colonies. Celles-ci, sont conscientes plus que jamais, des bénéfices qu’elles peuvent avoir en marchandant avec d’autres puissances, comme la Chine, la Russie , la Turquie et autres nations.
Et pourquoi ne pas développer des relations d’échange et d’expertise avec les Etats du sud ? Si la France ne rectifie pas à temps ses politiques, avec justesse et justice, à l’égard des communautés internes, constituant le pays et ses relations diplomatiques avec son ancien Empire, nul ne garantira dans le proche avenir sa place parmi les grandes puissances. Car, ce n’est pas la dissuasion nucléaire et la réserve en or qui vont la garder dans le peloton des puissants. Les attaques et les tentatives d’atteinte aux intérêts français dans le monde sont devenues monnaie courante. Il y va de sa diplomatie de bien compter ses pas et de bien maîtriser le pouvoir magique du verbe avant de choisir ses vrais alliés.
A travers sa participation à l’effort de guerre contre la Russie, la France est en train d’affaiblir son potentiel financier, déjà en rouge, suite aux conséquences fâcheuses engendrées par le Covid19. Endettée jusqu’à l’os, la France doit penser mille fois et faire ses calculs. Car, elle doit stabiliser sa désastreuse situation économique et trouver une issue commerciale pour faire face à ses dettes.
Dans ce climat international tendu, la France, l’un des plus anciens Etat-nation du monde, se sent plus menacée que jamais dans ses intérêts vitaux, par les russes, les turques, les chinois et d’autres puissances montantes. Ce n’est plus le moment pour la France d’arrêter l’expansionnisme turc. Car, il faut savoir vivre avec, trouver des compromis et ouvrir la voie à un dégel des relations bilatérales en évitant les demi-vérités qui cachent les intérêts des deux Etats.
En se référant à son poids et à son histoire diplomatique d’antan, qui l’a longtemps maintenue dans le monde, la France ne doit pas entièrement compter sur le soutien des nations amies, sans comprendre leurs priorités stratégiques. Concernant sa relation avec le Maroc, s’il y a vraiment une amitié, il faut la justifier par le pouvoir du verbe, afin d’éviter toute escalade régionale. Même si des fois, l’intérêt géo-économique prime sur toute autre considération. Les responsables français à tous les niveaux, doivent mieux s’adapter avec la nouvelle donne et changer de ton dans leurs relations internationales, avec les africains et particulièrement avec les marocains[7]. Aussi, ils doivent comprendre que les attaques actuelles ou antécédentes, par les différents groupes terroristes, dans les anciennes colonies françaises ou d’autres pays où il y a des infrastructures économiques françaises, ont surement pour objectif final de nuire aux intérêts géo-économiques et géopolitiques de la France dans le monde.
[1] Parmi les premiers territoires conquis, l’île Saint-Christophe en 1600, l’île Dominique en 1625, la Martinique en 1635, le Sénégal en 1677 et la liste est longue. En général, la majorité des pays du Sahel et de l’Afrique occidentale ont été colonisés pendant le 18e siècle.
[2] Il y a lieu de rappeler qu’en plus du statut de département accordé à l’Algérie avant son indépendance en 1962, beaucoup des plus anciennes colonies françaises sont devenues départements et territoires d’outre-mer. C’est le cas de la Guyane, Guadeloupe, Réunion, Martinique, Polynésie française, Mayotte, Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon, et Nouvelle-Calédonie.
[3] Lire les témoignages du Général Lyautey et d’autres personnalités qui ont exercé au Maroc pendant et après le protectorat.
[4] Il s’agit du huitième sommet de la TICAD organisé entre le 27 et le 28 aout 2022.Le Japon ne reconnait pas l’entité séparatiste et le pouvoir tunisien se cache derrière le fait que la pseudo RASD fait partie de de l’Union africaine.
[5] Discours royal du 20 aout 2022« …De même, Nous saluons la position claire et responsable de l’Espagne, ce pays voisin qui connaît parfaitement bien l’origine et la véritable nature de ce conflit… En outre, le positionnement constructif à l’égard de l’Initiative d’autonomie, affiché par certains pays européens comme l’Allemagne, la Hollande, le Portugal, la Serbie, la Hongrie, Chypre et la Roumanie, contribuera à poser un nouveau jalon dans les relations de confiance avec ces nations amies, à renforcer le partenariat de qualité qui les lie à notre pays.
Parallèlement à ce soutien, une trentaine de pays ont ouvert des consulats dans les Provinces du Sud, marquant ainsi leur appui clair et net à l’intégrité territoriale du Royaume et à la Marocanité du Sahara.
[6] Idem discours royal « …S’agissant de certains pays comptant parmi nos partenaires, traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur l’affaire du Sahara sont ambiguës, Nous attendons qu’ils clarifient et revoient le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque. »
[7] Là je me réfère au Feu Roi Hassan II que Dieu Ait son âme, lors d’un entretien avec un journaliste français qui lui a demandé que quand il y a des incompréhensions entre les français et les marocains, qui doit faire le long chemin pour comprendre l’autre ?
Notre défunt souverain lui a répondu que je crois que c’est à vous, « parce que on vous connait mieux que vous nous connaissez. Vous n’êtes pas allé sur les bonds d’une école marocaine, quand nous nous sommes allés et nous somme allez à l’école française et nous avons eu des professeurs français ; donc on connait votre grammaire, votre langue, votre histoire votre société, vous ne connaissez rien de nous, c’est à vous de nous connaitre. . . »
Zakaria HANAFI
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.
Excellente analyse, la France est en chute libre, si elle ne change pas sa politique vis à vis de ces anciennes colonies, elle risque une grande décadence de son économie et son effet sur l échiquier international.