Désormais, la scène internationale n’est plus dominée par un seul bloc ou deux qui défendent une ou deux idéologies précises. La Russie n’a pas un poids, autre que nucléaire et balistique, pour remplacer l’ex-URSS et la Chine aussi n’est pas prête à récupérer l’ile de Formosa. Par contre des nouvelles puissances ont vu le jour et défendent sans scrupule leurs intérêts dans le monde et s’il le faut en piétinant sur les puissances traditionnelles ou coloniales.  

En effet, la guerre de l’Ukraine et ses conséquences sur la population mondiale est venue compléter le concept d’un avenir incertain et obscure, hérité du Covid19. Les stratégies contradictoires des uns et des autres Etats désunis de l’Union européenne n’arrivent pas à définir une politique unique face à la Russie qui est consciente des contradictions occidentales. Elle sait aussi pertinemment, qu’elle va finir par discuter avec les européens un par un et qu’une grande majorité des populations jugent que cette guerre en Ukraine n’est pas la leur. Certains même, jugent que les revendications russes sont légitimes.

Alors que l’Europe résiliente, affaiblie par le Covid19, est en première ligne face à la Russie et menacée de perdre toute sa puissance économique, les USA ont réussi à maitriser les conséquences désastreuses du Covid19 et pourraient sortir du conflit ukrainien gagnants. Car, ils ont une souveraineté énergétique et continuent de vendre les matériels majeurs militaires aux armées européennes. La Chine est pour l’instant gagnante. Car elle continue d’assurer une bonne relation commerciale avec tous les antagonistes occidentaux ou leurs différents ennemis.

Parallèlement, l’alliance occidentale chapeautée par les Etats Unis d’Amérique n’est devenue qu’une partie du jeu. La crise ukrainienne, la présence, plus ressentie qu’auparavant, du BRICS et le non alignement des pays du Sud avec le pôle occidental constituent des indices forts de la constitution d’un monde multipolaire et plus instable qu’auparavant. Le discours russe de haut niveau basé sur la menace via les armes nucléaires et son progrès technologique en matière de missiles balistiques, est une référence sans précédent qui pourrait encourager les puissances nucléaires à faire de même, afin de rectifier leur tracé frontalier.  

Les différents avertissements formulés par le Kremlin concernant l’utilisation des armes nucléaires au début de l’opération spéciale et après le référendum pourraient cacher deux hypothèses distinctes.  

-Soit c’est une guerre psychologique contre le front occidental pour le ramener à diminuer ses engagements financiers et militaires en Ukraine. 

 -Soit la Russie est affaiblie par la guerre d’usure et ne peut continuer sa guerre avec les moyens classiques. Les licenciements des hauts responsables militaires pourraient constituer un indice de pertes importantes en vies humaines et matériels.

 Dans tous les cas, nul ne peut faire une lecture probable de ces menaces. La détention russe de l’arme atomique lui procure un important pouvoir d’intimidation sur son ennemi occidental, lui assurant aussi l’inviolabilité ou l’attaque directe de son territoire par l’OTAN. Jusqu’à présent, la Russie se dit prête, en cas de menaces graves à sa sécurité, d’utiliser les armes nucléaires tactiques, comme celles utilisées au Japon pendant la deuxième guerre mondiale.  

Donc, les armes stratégiques les plus puissantes en destruction et en portée kilométrique ne sont pas citées. Néanmoins, il y a au haut niveau des discussions russo-américaines, concernant l’usage des armes de destruction massive et quelque chose se prépare soit pour trouver une issue au conflit, soit pour passer à un niveau de guerre totale. Pour l’Europe, l’automne est le dernier délai pour trouver une solution avant de crier secours en hiver ou entrer en guerre. Cette dernière solution pourrait occuper les populations démunies.

Il est encore temps, avec un peu d’influence, à ce que le règlement diplomatique du conflit russo-ukrainien devienne une priorité européenne. La dernière offensive ukrainienne, au début du mois de septembre 2022, sur le terrain ne constitue pas une victoire. Le manque de stock en logistique[1] pourrait être résolu par les alliés de la Russie. Car, eux aussi, tout en gardant l’œil sur leurs intérêts, ils défendent un nouvel ordre mondial, contraire à celui de l’Occident.

L’opération spéciale annoncée par le Kremlin a été renforcée par le rappel de quelques trois cent mille réservistes. La Russie veut passer à la défensive pour se victimiser. C’est un indice fort qui montre que la Russie est prête à tout sacrifier, s’il le faut par la guerre totale, afin de garder ses nouvelles frontières. Il parait fort probable que les forces de défense de la Russie ont quitté une partie des territoires ukrainiennes pour constituer une défense ferme, plus maitrisée et moins couteuse en hommes et en matériels majeurs.  

Cette fois-ci, ce sont les forces ukrainiennes, qui seront exposées au terrain plat et large. Désormais elles seront à la Mercie de l’aviation et de l’artillerie russe avec ses différentes composantes.

 La Russie a récupéré quelque 17% du territoire ukrainien jugé lui, appartenir et habité par les russes. C’est un espace qui pourrait être défendable. Mais, jusqu’à quand ? La Russie a fait le ratissage et la reconnaissance d’une grande superficie des territoires ukrainiens. Ceci constitue un avantage stratégique. Les attaques du nouveau dispositif russe par les ukrainiens et leurs affiliés, ne sera pas facile. Car, le terrain occupé n’est plus vaste pour les russes. Dans cette guerre d’usure que va mener les deux antagonistes, le renforcement en combattants et en matériel pourrait être aussi en faveur des russes. Les provinces fourniront à leur tour des personnels et de la logistique. D’autres pays du monde, pourraient soutenir la Russie en combattants étrangers ou en mercenaires.

 La nouvelle stratégie politique choisie par la Russie fédérale, basée sur le référendum pourrait lui donner raison vis-à-vis de ses pays amis et de ceux qui sont neutres. En votant massivement pour leur rattachement à la Russie, les provinces de Luhansk, Donetsk, Zaporizhia et Kherson, vont non seulement bénéficier d’acquis financiers plus importants que ceux que leur accordait l’Ukraine, mais seront considérés comme des citoyens russes attaqués par l’Ukraine. Car, ils se sont révoltés plusieurs fois contre le pouvoir ukrainien et voulaient avoir une autonomie. Ceux qui ne croyaient pas à la Russie se sont réfugiés en Ukraine ou dans les frontières voisines. La géopolitique des frontières russes n’a jamais cessé de changer depuis des siècles.  

Cela va confirmer la version russe qui voit que les accords de Minsk II n’ont pas été respectés[2] et que ça fait trente ans que la Russie demande à la communauté occidentale de trouver une solution aux populations russophiles et russophones.  L’armée russe pourra se défendre par tous les moyens militaires stratégiques dont elle dispose. Au sein de l’ONU, une fois que les quatre provinces aient choisies de faire partie de   la Russie, cette dernière continuera à évoquer le chapitre VII de la Charte des Nations Unies concernant l’action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression.

 Dans la logique défendue par la Russie, une fois son nouveau tracé frontalier rectifié, c’est l’Ukraine qui deviendra l’agresseur. La nouvelle ligne de défense, qui sépare les nouvelles frontières russes avec l’Ukraine pourrait être concernée par les articles 45,46 et 47 du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui organisent une force multinationale afin de maintenir la paix et la sécurité internationale. Cette fois, l’ONU qui est considérée, par certains observateurs, totalement effacée et affaiblie pourrait avoir un rôle dans l’arrêt des hostilités. Pourtant c’est grâce à la participation de l’ONU que le problème des céréales, passant par la mer Noire, qu’a été résolu partiellement la menace de la famine et celui de la centrale nucléaire ukrainienne devenue sous contrôle russe.

 Le scénario de constitution d’une force multinationale est très possible. Cette solution pourrait être approuvée dans le temps. Sinon, l’hypothèse d’un conflit gelé, qui va durer dans l’espace- temps, n’est pas écartée. Par contre la reconnaissance du nouveau tracé frontalier ou pas par les UEA et ses alliés ne peut rien changer. Il y a plusieurs Etats qui n’ont pas eu la reconnaissance internationale et rien n’a changé. La république turque au nord de Chypre qui n’est reconnue que par la Turquie ou les républiques séparatistes en Asie reconnues seulement par la Russie constituent des exemples vivants.

Au cas où il y a une désignation d’une mission de paix par le Conseil de Sécurité, celle-ci va longtemps durer dans le temps et sera bénéfique pour la Russie qui va diminuer de ses charges financières et rediscuter le nouveau tracé frontalier. La communauté internationale à son tour et particulièrement le vieux continent pourrait éviter une guerre totale dans la région.   

L’analyse des rapports de forces montrent bien que malgré la participation de la majorité des Etats occidentaux à l’effort de guerre en faveur de l’Ukraine, la Russie fédérale, continue de résister et les sanctions, à part une montée de l’inflation, n’ont eu aucune répercussion sur son économie. Par contre, sa maitrise de l’arme géopolitique du gaz pourrait la maintenir encore plus et être à l’origine de la faillite de l’Europe occidentale puis de l’implosion sociétale[3].  

La stratégie européenne de plafonnement des prix du gaz, ne pourrait qu’encourager la Russie à envisager des coupures momentanées ou à long termes pour punir ceux qui contrarient sa politique. Parallèlement, depuis le 26 septembre 2022, on a enregistré plusieurs fuites de gaz au niveau des gazoducs Nord Stream 1 et 2, en mer Baltique, au large de l’île danoise de Bornholm. On parle de plusieurs explosions sous-marines entendues non loin des points de fuites. Cette fois-ci, la dissuasion nucléaire n’a pas protégé les intérêts nationaux russes vitaux. Néanmoins ,tous les moyens de communications du monde ont oublié la pollution !

La majorité de la communauté internationale, croient en la théorie de complot et de sabotage. Mais, personne ne peut pour l’instant désigner du doigt qui est le responsable. L’hiver s’annonce très mauvais en Europe et il faut trouver qui est le gagnant de cette situation obscure. Les perdants sont les russes et les européens. Car, les exportations russes de gaz, donnent à la Russie le financement de sa guerre et lui procurent une arme géopolitique dans les tables rondes.

 Le manque de cette énergie en Europe sera à l’origine de l’accélération de sa chute industrielle. Aussi, la montée en flèche du taux d’inflation et du prix des produits de consommation constituent des mobiles de révolte sociétales, que la majorité des Etats européens ne peuvent arrêter. Les systèmes politiques ne pourraient résister aux exigences de leurs populations. Mais à qui profite ces actes de sabotage ?  

Certains observateurs disent que c’est les USA qui ont les moyens technologiques d’exploser ces gazoducs. Le Président américain a menacé lors de l’uns de ses interventions télévisées de le faire. Mais, réellement même avec le gaz des USA, de l’Azerbaïdjan, de la Norvège et de l’Algérie les quantités exportées de gaz ne sont pas suffisantes. Donc, on ne peut pas désigner qui est le vrai responsable de ce sabotage. La preuve incombe au demandeur !  

Si le conflit continue des acteurs politiques autres que les occidentaux pourraient trouver un terrain d’entente entre les antagonistes et sortiront gagnants. Les européens ne pourraient faire pour l’instant   jeu égal, ni avec la Russie et la Chine et ni même avec leur allié américain. Autres que la crise ukrainienne, certains Etats de l’Europe pourraient être victimes des crises plus graves face aux Etats du BRICS, mais cette fois-ci dans d’autres théâtres. L’Europe qui a diminué son potentiel militaire est devenue plus dépendante que jamais. Elle se réveille affaiblie et sans souveraineté !

En Asie centrale zone d’influence particulièrement russo-turque, les conflits gelés, entre d’une part le Tadjikistan et le Kirghizistan et d’autre part l’Azerbaïdjan et l’Arménie, constituent un séisme magnétique grave, qui pourrait viser directement les intérêts de la Russie affaiblie et trop occupée avec la guerre en Ukraine. Car, la Russie n’a plus le privilège d’ouvrir un autre front.

Dans le reste de la planète, la majorité des pays cherchent à assurer leur autosuffisance énergétique et alimentaire. Certains Etats saisissent l’occasion pour réaffirmer leur souveraineté politique et leur neutralité par rapport à ce qui se passe en Ukraine. Pour que le monde change, il y aura toujours des perdants et des gagnants, à l’instar de la dernière guerre mondiale. La réforme du Conseil de Sécurité n’est plus un choix, mais une urgence. L’Afrique et certaines puissances émergentes, n’ont plus besoin de dépendre des cinq membres permanents ou de tutelle au sein de l’ONU . Tant qu’il est encore temps, la seule voie qui reste c’est la diplomatie préventive via un multilatéralisme fort et juste.  


[1] Un général russe chargé de la logistique a été licencié. Mais, le problème pourrait-être résolu en comptant sur les amis qui partagent les mêmes convictions anti-occidentales.

[2] Dans ces accords, la France et l’Allemagne étaient présents et n’ont pas donné tort à l’Ukraine qui n’ a pas respecté les clauses de cet accord.

[3] Certains sondages disent que plus de soixante-dix pour cent des français pensent que leur population pourrait descendre dans les rues. Ceci pourrait constituer un printemps européen. Car la flambée des prix énergétique et de la majorité des produits de consommation y compris l’alimentation, pourrait déclencher un ras le bol sociétal sans précédent.