Connaissez-vous la fable intemporelle des 6 aveugles et de l’éléphant ?
Once upon a time…
On présente un pachyderme pour la première fois à 6 aveugles instruits et curieux, afin de compléter leur savoir.
Le premier touchant son flanc, s’exclame : « Dieu me bénisse, c’est un mur ! », le deuxième tâtant sa défense dit « Mais c’est une lance ! » le troisième prenant sa trompe affirme que l’éléphant est un serpent…et ainsi de suite.
Les aveugles se sont ensuite écharpés, chacun défendant sa propre vérité, mais personne n’est arrivé à imaginer l’éléphant dans sa globalité et son image réelle.
Ainsi va le monde…
Chacun voit une situation particulière à travers un prisme personnel. Personne n’a tort mais la vérité est toute autre.
Concernant la crise mondiale actuelle, chacun y va de sa logorrhée économique, sociale, géopolitique, financière, tentant de décoder les intérêts sous-jacents des différents blocs et leur repositionnement dans l’échiquier mondial.
Pour le moment, les belles idées écologiques et altruistes sont partiellement mises en veilleuse.
La crise a en effet bon dos. On lui impute tout : l’inflation, le chômage, la hausse énergétique, l’explosion des prix alimentaires et des matériaux locaux ou importés. C’est vrai, mais une crise est aussi révélatrice des problèmes antérieurs latents et multiplie malheureusement la présence de nombreux profiteurs.
A l’instar de la fable des aveugles, je choisis, mais sciemment, l’angle de vue, concernant le BTP, sachant que ce secteur est d’une importance primordiale pour notre économie.
L’adage devenu trivial «Quand le bâtiment va, tout va» est plus que jamais d’actualité.
Quelques chiffres peuvent confirmer l’importance du secteur dans l’économie nationale.
Sur les 1000 milliards de dirhams de crédits bancaires, à titre d’exemple, ce secteur s’empare du tiers, et emploie pas moins de 1 million de personnes. Il correspond à 6% du PIB.
Quand cette grosse machine se grippe, c’est toute l’économie du pays qui en pâtit.
Alors on peut continuer à adopter la méthode Coué en proférant « Nous sommes les meilleurs, nos investissements ne se sont jamais aussi bien portés, nos jeunes « tête d’oeuf » n’ont jamais été aussi bien formés et investissent les plus grandes écoles prestigieuses, nous sommes et resteront le plus beau pays du monde…. »
Le fait est que les chiffres ont la peau dure et que nous sommes arrivés hélas à 40% de chômage chez les jeunes, une inflation allant vers les 5,3 % pour 2022. Alors que le nouveau modèle de développement ( NMD) tablait sur une croissance globale annuelle de 6% pour l’avenir, la banque mondiale parle elle de 1,1% pour 2022 ( la BAD de 1,8%, et Bank El Maghreb de 1%, réactualisé à 0,8%) du fait de la crise mondiale et aussi de la réduction de la production agricole de 17% à cause d’une sécheresse exceptionnelle.
Pour le BTP, la hausse des matériaux est vertigineuse : le verre + 189%, l’aluminium +51%, l’inox + 39%, le bois + 25%, le fer à béton qui pèse 25% du coût du gros-œuvre , notamment pour les logements sociaux + 19%). Il faut se rappeler qu’au Maroc, on a compressé les coûts de ce dernier en utilisant en majorité de la ferraille recyclée alors que la production mondiale d’acier a un ratio de 80% en minerai et seulement 20% en ferraille recyclée.
Au demeurant, et en dépit de cette hausse de matériaux, on constate paradoxalement une réduction patente du prix de l’immobilier, qui n’est pourtant pas arrivé à juguler la chute du nombre de transactions. Ça démontre l’ampleur du problème.
Les acquéreurs potentiels sont frileux et ont peur de l’avenir. Les promoteurs ont des problèmes de liquidités et préfèrent donc déstocker parfois même à perte pour honorer leurs emprunts auprès des banques. Les banques sont réticentes et acceptent des crédits avec des conditions drastiques, et surtout à ceux qui ont déjà un bon carnet de commande.
L’achat sur plan est devenu une entreprise périlleuse jonchée de pièges et d’imprévus et réservé à ceux qui aiment les émotions fortes, compte-tenu des impondérables.
Alors quoi faire ?
Sommes-nous condamnés à la fatalité, et subir une crise mondiale, une inflation prolongée due essentiellement à des facteurs exogènes ? Ou allons-nous encore appeler Mc Kinsey à la rescousse ?
Je ne suis pas le seul à penser que nous avons des leviers disponibles pour contrecarrer ces effets délétères et nous devons avoir l’ambition et le courage de les analyser et les utiliser.
Il y a quelques pistes sur lesquels s’accordent aussi de nombreux économistes notamment :
– Aider les jeunes primo acquéreurs à acheter leur logement à des taux d’intérêts bas.
-Lutter contre l’augmentation illicite et disproportionnée, du prix des matériaux fabriqués au Maroc et disponibles (briques, ciment…) de la part de spéculateurs prétextant l’augmentation du coût énergétique.
-A côté des banques commerciales, inciter à la création de banques d’investissement pour soutenir les PME et PMI.
-Encourager la vente sur plan, en revoyant le système des contrats pour inclure des clauses suspensives en cas de situation exceptionnelle.
-Mettre en place une assurance dédiée au secteur pour la protection des intérêts des promoteurs et des acquéreurs.
Dans l’immédiat, et pour ceux qui le peuvent, investir dans l’immobilier est la meilleure solution pour éviter de s’appauvrir.
Pourquoi ? : comme vous le savez, le taux rémunérateur des comptes d’épargne ne rapporte actuellement que 1,05%, et les bons du trésor 1,5%. L’inflation comme on l’a vu est prévue à 5,3% pour 2022. Il y a déjà un gap pour l’année en cours de près de 4%.
En terme économique, on gagne avec ce genre de placement en nominal mais on perd en réel (pouvoir d’achat). Plus simplement, on aura un peu plus de billets avec lesquels on pourra acheter moins de choses.
Outre le souci de déstockage de la part des promoteurs, les prix attractifs actuels de l’immobilier, sont la résultante de l’ancienne inflation de 1 à 1,4 %. Les chantiers en cours et qui subissent l’envolée des prix des matériaux et la forte inflation seront livrables dans un an et on constatera alors la montée du prix de l’immobilier.
En résumé, acheter maintenant protège le capital et aide à soutenir le BTP et donc l’économie du pays.
De manière générale, j’ai remarqué que les architectes restent cantonnés dans leur domaine strict de la construction de bâtiment, alors que les ingénieurs par exemple ont investi les domaines de la finance et de l’économie.
Notre avis et nos idées comptent surtout en ce moment. Il faut les organiser et les rendre plus audibles. Alors avis à tous les aveugles éclairés ! Dessinons ensemble les contours exacts de cet éléphant (la crise économique), pour mieux le comprendre et le maîtriser.
Related posts
Catégories
- Economie (39)
- Editorial (22)
- Géopolitique (44)
- Histoire (23)
- interview (14)
- Non classé (4)
- Relations internationales (37)
- Strategie (39)
Rencontrer l'éditeur
HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.