A travers cet écrit, nous approchons le thème de l’urbanisme, en particulier l’édification de bâtiments verticaux, pour comprendre les origines et les significations et les symboles associés à cette recherche effrénée de la hauteur par les bâtisseurs des civilisations tant bien païennes que monothéistes lors de la construction de lieux de cultes2ainsi que d’autres édifices datant de l’époque antiquité, et contemporaine. Octroyer une attention particulière aux relations entre les formes architecturales et leurs fonctions nous inéluctablement à décrypter cette dualité à la fois organisationnelle et spatiale dans le cas de trois édifices de grandes hauteurs : Le clocher, le minaret et le gratte-ciel.
Bien que cet essai ne prétende pas apporter des éléments de réponses décisifs, il tente néanmoins de mener une réflexion au sujet des enjeux et contextes historiques de la construction de grande hauteur et la recherche constante à se surpasser en cherchant à bâtir toujours plus haut au fil du temps tant chez les croyants que chez les laïques. A travers ces édifices de plus en plus hauts s’affrontent en effet les visions du monde et les grands courants de la pensée dans des sociétés où la foi et l’argent s’entremêlent du moins au niveau du « signifiant et du symbolisme ».
1- La maxime citée dans le titre de notre communication provient de l’ancien président de la république française F. Mitterrand (Président de la république française entre 1988-1996- lors de l’émission 7/7 d’Anne Sinclair sur TF1.
2 – Pour Pasquier J. (Processus de patrimonialisation des sites religieux dans les espaces protégés de montagne. La Grande-Chartreuse et la vallée de la Qadisha-forêt des Cèdres de Dieu-, thèse de doctorat, université de Grenoble, 2011, p. 10 – : « Le sacré peut contenir des espaces, des objets, des images et des langages spécifiques différents de ceux du quotidien, (…- Le sacré est de tout temps, concerné par un ensemble de rites, variable d’une société à une autre et selon la fonction qu’on lui accorde ; protection face à un univers menaçant, recours contre la finitude, construction d’une temporalité et d’un espace mythique, sorte de refuge face à l’usure du temps ».
Traiter du sujet du symbolisme de la partie la plus haute de l’édifice religieux ou païen nous amène à nous inscrire temporellement entre l’Antiquité, le Moyen Age et l’époque contemporaine. Nous serons aussi menés à analyser pourquoi l’être humain ou les bâtisseurs en particulier cherchaient à bâtir plus haut vers le ciel ! Autrement-dit, le profane et le sacré ont-ils le même rapport avec les cieux est-ce pour les mêmes raisons ? Reste à savoir si les ressemblances l’emportent sur les différences. Dans le contexte spécifique du Maroc, nous approfondirons la question de la relation du marocain tout au long de son histoire avec les cieux ; autrement-dit pourquoi au nom de la religion ou pour d’autres motifs, cherche-t-il à s’élever vers les hauteurs ?
En effet, la religion3 à travers ces bâtiments signifie un conjointement de croyances et de pratiques rituelles et culturelles qui sont les connexions entre l’Homme et le sacrée commun. Le vocable « religion » est une dérivation du latin RELIGIO dont la racine est LIGARE : unir solidement. Pour J. Gympel4cette union a permis à travers la religion de propulser les fidèles vers des créations architecturales majestueuses.
Mais, pourquoi notre choix s’est-il porté dans un premier temps sur les minarets et les chapelles ? Leurs structures architecturales, leur hauteur, portent et amplifient le son des cloches pour les chrétiens et la voix pour les musulmans et notamment du haut vers le bas afin que la plus grande partie des fidèles, massés horizontalement, puissent entendre et répondre à l’appel du créateur. Quant-aux gratte-ciels, leurs bâtisseurs les destinent le plus souvent à mettre en évidence les lumières, les panneaux publicitaires sur lesquels défilent des images, des messages pour les adeptes de ceux qui ont été RELIGARE par la nouvelle croyance du XXIème siècle appelée « le capitalisme »5.
Il n’échappe à personne que nous avons éludé du titre de la communication, l’architecture des bâtiments du Judaïsme : les synagogues ne comportent pas de partie de leurs édifices s’érigeant vers le ciel comme en possèdent les églises et les mosquées.
3- F. Gaffiot, Dictionnaire latin- français, Hachette, Paris, 1934, p. 1336 ; G. Fonsegrive « L’origine de la religion ? » dans : Archives de sciences sociales des religions. … ; éd. De (S. Baciocchi, F. Théron, éds.- Le Correspondant (Paris, 10 avril 1915- S. Baciocchi et F. Théron (éd.- ; Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/assr/24448 ; Éditeur Éditions de l’EHESS ; voir à ce sujet : Camille Tarot, Le symbolique et le sacré théories de la religion, édition de la découverte, Paris.
4 – J. Gympel, Histoire d’architecture de l’antiquité à nos jours, Hong Kong, éd. Leefung Asco Printers, 1997, p.6.
5 – * Un son de cloche pour les cloches des églises. * Une voix du muʾaḏḏin = المؤذن – pour les minarets.
* Des panneaux publicitaires accrochées aux grattes ciel.
Cette discrétion architecturale s’explique probablement par le fondement et la nature du judaïsme qui confie le religieux à une communauté restreinte et repose sur la notion du « peuple élu » ; par conséquent, la recherche de nouveaux adeptes n’est pas considérée comme nécessaire ; ce qui n’est le cas de la chrétienté et de l’Islam qui ont pour vocation à être destinées l’ensemble de l’humanité.
De ce fait depuis le Moyen Age, ces deux dernières religions se sont disputées l’espace géographique horizontale en particulier le bassin méditerranéen depuis les guerres de croisades. Ce qui a eu également comme répercussion une surenchère entre ces deux communautés, particulièrement sur le plan architectural.
On peut trouver intrigant que les êtres humains, aient constamment cherché à prendre de la hauteur. Instinctivement, lever les yeux et les mains vers le ciel est signe d’imploration et d’allégeance, de demande ou simplement d’espoir. A l’opposer, baisser la tête et les yeux vers le bas en direction du sol est un signe de désespoir et de déception. A partir de ce constat, les chrétiens et les musulmans ont cru bon de bâtir des tours pour appeler les fidèles à la prière dans l’espoir de retrouver là-haut vers le paradis perdu. A SUIVRE…
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Zakaria HANAFI
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.