L’empire chérifien a des relations ancestrales avec son environnement africain, particulièrement dans les régions, qu’on appelle aujourd’hui le Sahel et l’Afrique de l’Ouest. Déjà pendant plusieurs siècles, en plus des différents échanges commerciaux, il existait la géopolitique du sel qui consistait à échanger le sel contre de l’or avec l’empire du Mali. Les mouvements des populations et des biens ne datent pas d’aujourd’hui. On n’attend pas une autorisation de qui que ce soit pour retourner à nos racines !
Certes, à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche Verte Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a adressé le 6 novembre 2023, un discours pour rappeler le rôle historique et ancestrale du Royaume dans sa place géographique. On assiste à une nouvelle dynamique, dans la relation Maroc-Afrique, marquée par une logique de proximité géographique, d’une histoire commune des peuples et justifiée aussi par une hausse des échanges multidimensionnelles qui concerne tous les domaines. Le Royaume ne fait que confirmer à ceux qui manquent de mémoire que c’était le seul pays central au Nord de l’Afrique à avoir été en relation étroite avec les racines du Sud et les livres d’histoire du monde entier en sont témoins.
Pour s’en convaincre seront analysés les secteurs concernés par la Coopération du Maroc avec son environnement africain.
- La coopération socioculturelle :
Depuis son indépendance, le Royaume du Maroc n’a cessé d’accorder un intérêt particulier à la coopération Sud-Sud et particulièrement à son environnement africain, considéré en terminologie diplomatique « pays amis ».
Tout d’abord, vue sa position géographique et sa proximité du continent européen, le Royaume est devenu un pays de transit puis d’accueil à l’immigration clandestine, généralement africaine. Dans un souci humanitaire, SM le Roi que Dieu l’assiste a bien voulu accorder la résidence aux sujets africains et leur a ouvert les portes des écoles et des infrastructures sanitaires, au même titre que les citoyens marocains. Parallèlement, on note aussi l’assistance médicale par l’envoi des hôpitaux de campagne pour soigner les populations civiles. Il y a lieu de rappeler, qu’en soutenant les pays amis en moyens médicaux, lors de la pandémie, le Royaume a prouvé au monde entier son étroite coopération avec son environnement africain.
Ensuite, la relation ancestrale entre le Royaume du Maroc et les Etats africains de son voisinage, a été particulièrement marquée par la prolifération d’un Islam tolérant qui s’inspire du rite malikite pratiqué par les marocains[1]. Ceci a donné aussi lieu à une diplomatie religieuse active qui se traduit par l’aide fournie à plusieurs pays africains pour une meilleure interprétation de l’Islam, la construction des mosquées et la formation des imams[2].
[1] La carte du malikisme s’étend du Royaume du Maroc en traversant la Mauritanie et le Sénégal vers toute l’Afrique de l’Ouest puis le Sahel en continuant à travers le Tchad jusqu’au Soudan. Dans la majorité de ces pays, on trouve des confréries religieuses d’origines marocaines qui ont proliféré l’Islam tolérant et le sofisme. Même en Egypte, repose plusieurs marocains de retour de la Mecque, qui ont préféré rester sur place pour prêcher le soufisme.
[2] Par Dahir Royal, SM le Roi que Dieu le protège a créé le conseil supérieur de la Fondation Mohammed VI des oulémas africains, qui par son discours d’inauguration donné la mission à cette institution de : « l’encadrement scientifique, à travers la contribution des oulémas à la prédication basée sur la voie du juste milieu », et « organiser l’enseignement religieux (…) pour couper court à toute tentative d’embrigadement prêchant la haine ou servant des intérêts malveillants ». Cette institution qui a plusieurs représentants en Afrique, a été installée à l’Université Al Qaraouiyine, de Fès au Maroc. Pour plus de précisions, lire : https://africa.la-croix.com/maroc-installe-oulemas-africains/
Aussi, la formation des étudiants et des cadres africains remonte à plusieurs décennies. Une grande majorité des pays amis, généralement francophones continuent de bénéficier des bourses au profit des étudiants et des cadres pour poursuivre leurs études universitaires ou la formation continue dans les universités et les instituts marocains. La formation militaire et sécuritaire a toujours fait aussi partie de cette coopération. Un grand pourcentage des officiers africains a été formé dans les écoles des différentes composantes et spécialités militaires marocaines, connues au niveau continental pour leur rigueur.
Ainsi, le Royaume du Maroc a développé sa coopération avec les pays amis africains dans le domaine humain, religieux et culturel. Le volet économique suit le même cours.
II-L ’émergence du partenariat économique Maroc-Afrique
Le Royaume du Maroc a fait un pas économique géant, sous l’égide de SM le Roi que Dieu le glorifie, en adaptant son économie avec les besoins du continent, afin de développer les échanges commerciaux avec plusieurs marchés africains et en misant sur le principe relationnel « égal à égal » ou « gagnant-gagnant ».
De prime à bord, La géographie a de nouveau imposé au Royaume de choisir la route des caravanes d’antan qui est devenue un moyen primordial des échanges avec la profondeur africaine. Généralement, les marchandises transitaient de Tombouctou par la route des caravanes pour être livrées dans les cités de Sijilmassa[1], Marrakech, Fès et Tanger lors de son exportation en Europe.
Le Royaume du Portugal maître de l’océan Atlantique pendant plusieurs décennies, a condamné la route des caravanes en privilégiant les comptoirs qu’il a établi sur l’océan. Il a été anéanti par les Saadiens qui ont gagné la bataille des trois rois, puis l’ont chassé de tout le littoral atlantique, jusqu’au territoire actuel de la Côte d’Ivoire. Il n’a gardé sa présence que dans l’Angola d’où il voulait surveiller ses territoires en Amérique latine.
Les puissances coloniales ont par la suite arrêté cette relation séculaire qui a pu reprendre son cours naturel, une fois les pays devenus indépendants. Seulement, cette fois les chameaux ont été remplacés par les camions semi-remorques[2] qui vont diminuer de flux avec le projet des chemins de fer. Cette route de caravane va avoir plus d’impact avec le projet de construction d’un pont ou d’un passage souterrain, qui pourrait relier le sud de l’Espagne au nord du Maroc. La route de la soie, qui traversait la Russie, l’Asie centrale et la Turquie, avant d’arriver en Europe, se faisait en entier par camions et maintenant, c’est les trains qui commencent à prendre le relais.
La récupération du Sahara comme l’a rappelé SM le Roi que Dieu le Glorifie prouve que la vocation atlantique du Maroc s’est encore affirmée : « Notre souhait est que la façade atlantique devienne un haut lieu de communion humaine, un pôle d’intégration économique, un foyer de rayonnement continental et international ». Ce message Royal clair et concis pourrait être à l’origine du désenclavement des pays continentaux de la région en ayant accès à la côte Atlantique.
Cette manière de voir associe au développement africain, en plus du projet stratégique du gazoduc Maroc-Nigéria, une renaissance de la route des caravanes d’antan et une route maritime garantissant ports et moyens de transports. SM le Roi que Dieu L’assiste a aussi rappelé la position du Maroc qui : « lui permettant ainsi de s’affirmer aux niveaux régional et international, notamment auprès des pays frères arabes et africains, comme un acteur clé et un partenaire économique et politique crédible et digne de confiance ».
Dans ce sillage, classé parmi les leaders en Afrique, dans le secteur tertiaire, le domaine des services au Maroc, est devenu performant grâce aux banques, aux assurances, aux télécommunications et au transport aérien. Depuis plusieurs années, les banques marocaines sont devenues les pionnières au niveau continental. C’est le cas des groupes bancaires, d’Attijariwafa Bank[3], Bank of Africa[4] et la Banque populaire[5]. Aussi la Royal Air Maroc est l’une des compagnies aériennes les plus utilisées par les africains.
Parallèlement et suite à la coopération visant à diminuer le risque de la famine, qui a touché partiellement l’Afrique à cause du conflit russo-ukrainien, le Maroc a accordé un don en engrais, aux petits agriculteurs de certains pays africains et une prévalue en expertise, dans différents domaines agricoles. D’ailleurs, dans un souci de proximité de distribution des engrais, l’Office Chérifien des Phosphates (OCP), a bien misé sur la construction d’usines de mélange d’engrais au Nigéria[6] et en Ethiopie[7].
Ainsi, il parait clair que le Royaume est devenu un grand partenaire des pays africains. Il ne s’est pas limité au Sahel ou à l’Afrique de l’Ouest, où il a construit des cimenteries à portée des populations, il a signé un partenariat stratégique avec la Tunisie et l’Egypte qui lui permet d’exporter ses marchandises y compris les voitures dont il est le premier producteur au niveau continental et ses investissements ont atteint aussi l’Est africain en Ethiopie.
Auparavant, le Maroc a longtemps été l’acteur principal des géopolitiques du sel puis du sucre. Maintenant , c’est le tour de la géopolitique des phosphates de faire ses preuves et ses paris en Afrique et dans le monde.
III-Expertises techniques et travaux publics, au profit de l’Afrique
Ayant acquis un capital important dans des expertises diverses et dans la construction des grandes œuvres, le Maroc qui se trouve en proximité avec le continent a beaucoup partagé ses expériences avec les pays africains.
Concernant la gestion de l’eau, le Maroc est très connu au niveau international par la construction des barrages et sa bonne gestion de cette matière stratégique. Il fournit des expertises, telle celle donnée au profit de la Lybie dans la ville de Derna suite aux dernières inondations de septembre 2023, qui ont donné lieu à l’effondrement de deux barrages. Plusieurs pays africains ont bénéficié de l’expertise de l’Office Nationale de l’Eau Potable, (ONE) devenue (ONEE) après avoir pris en charge l’électricité.
Pour ce qui est de la maîtrise des énergies renouvelables le Royaume du Maroc demeure une référence de proximité qui continue de partager son expertise et son retour d’expérience avec plusieurs pays du continent. Par ailleurs sachant que l’énergie est une nécessité fondamentale du processus de production et du développement économique, le Maroc veut, à travers un gazoduc onshore et offshore, rendre le gaz, plus accessible à quelques 13 pays de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel avant de desservir l’Europe.
Aussi, dans le cadre de la coopération du Royaume du Maroc avec les pays de son environnement africain, les firmes marocaines ont pu assurer la construction d’infrastructures publiques et privés. C’est le cas de la construction d’un grand pont à Abidjan, un Hôpital à Dakar et les constructions de milliers de logements sociaux ou économiques dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest.
En fait, autre que la coopération bilatérale dans les différents secteurs économiques avec les Etats africains, le Royaume a tenté de développer une intégration économique régionale, avec ses voisins Nord africains, à travers l’Union du Maghreb Arabe (UMA), qui n’a pas abouti à cause du régime algérien. Entre temps, le Royaume du Maroc devenu industrialisé, compte beaucoup sur les marchés prometteurs que lui offrent la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et pourquoi pas les autres communautés économiques.
En somme, Ayant passé des épreuves difficiles liées à la tension géopolitique dans ses frontières Est et Sud, la restructuration de ses dettes par le FMI[8], la flambée des prix énergies, des sécheresses longues dans le temps, des catastrophes naturelles[9] ,la pandémie avec ses séquelles financières et d’autres problèmes qui n’ont épargné presque aucun pays, le Maroc est resté résiliant face aux crises, a engagé des réformes économiques importantes pour faciliter les investissements[10], donner confiance aux entreprises publiques et privées, créer un nouveau modèle de développement[11] et instaurer un système de protection sociale.
Dans cette logique, le Royaume du Maroc, devenu pays émergent, a su développer ses relations économiques Sud-Sud et particulièrement avec son voisinage continental. Sa relation multidimensionnelle avec l’Afrique repose sur une géographie de proximité et une histoire ancestrale et commune, qui est basée sur la confiance et la fraternité. Cette relation a donné naissance à une coopération dynamique dans les différents volets humain, culturel et économique.
Dans l’avenir, cette coopération exemplaire Maroc-Afrique, pourrait être encore plus bénéfique, pour les deux parties, au sein de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLIECA). Néanmoins, ce succès dépend de la participation des Etats à la prolifération et à l’exécution des textes adaptables à cette institution.
[1] Ville marocaine construite en 757 de notre ère, située dans la région de Tafilalet non loin de la ville Rissani. Considérée acteur majeur de la route des caravanes. Connue pour ses grands marchés visités par les tribus berbères, arabes, la ville de Sijilmassa est aussi une référence en routes commerciales rejoignant Fès au niveau interne, puis au niveau externe au nord l’Andalousie, Tlemcen, Kayrawane en Tunisie et autres et vers le sud il y avait des routes à destination des Royaumes du Mali et du Ghana.
[2] Le Royaume a construit une voie expresse qui va de Tiznit à Dakhla, s’étendant sur 1 055 kilomètres et qui pourrait atteindre avec le temps la Mauritanie. Cette initiative a facilité les déplacements des marchandises et des personnes à destination de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel.
[3] Le groupe Attijariwafa Bank est présent dans 26 pays en Afrique, y compris l’Egypte et la Tunisie. Son réseau se présente avec 5835 agences.
[4]BANK OF AFRICA est présente dans une vingtaine de pays en Afrique avec un réseau de 430 agences.
[5] Parmi les premières banques africaines, elle est présente dans 19 pays selon des données de la fin de l’an 2019.
[6] La première unité de production inaugurée mercredi 19 octobre à Kaduna, au nord du Nigeria avec une capacité de production de 120 tonnes par heure. Deux autres usines sont en cours de construction au Nigéria, à Ogun et à Sokoto, pour arriver à une production nette de 500 000 tonnes d’engrais par an.
[7] L’usine de fertilisants en construction à l’est de l’Ethiopie, pourrait de produire dans l’avenir jusqu’à 3,8 millions de tonnes par an, pour un coût de 3,7 milliards de dollars. Ce projet a créé plusieurs emplois et participera sûrement au développement économique de l’Ethiopie qui a aussi misé sur le barrage de la renaissance. La proximité des engrais à l’Est de l’Afrique va révolutionner l’agriculture dans la région.
[8] Cité souvent élève modèle par le FMI et le Banque Mondiale pendant les années quatre-vingt, le Royaume a gagné le pari ce cette restructuration et continue de l’approuver après la confiance qu’on lui a accordé par l’organisation de sa cinquantième réunion dans le monde à Marrakech en septembre 2023 et ce malgré que la région ait été frappé par un grand séisme.
[9] Sans compter les inondations le Maroc a connu deux séismes graves, qui ont vidé les caisses de l’Etat le premier dans la province d’Al Hoceima et le second dans la région d’Al Haouz.
[10] Voir charte des investissements qui a vu le jour suite à la nouvelle loi-cadre 03-22 formant Charte de l’Investissement selon les Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste,
[11] Voir le travail présenté par la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement la (CSMD), le 25 mai 2021, sous forme de document de travail intitulé « Le nouveau modèle de développement », qui montre le chemin à suivre pour le pays en termes de développement d’ici à 2035
Zakaria HANAFI
Related posts
Catégories
- Economie (36)
- Editorial (22)
- Géopolitique (41)
- Histoire (23)
- interview (14)
- Non classé (4)
- Relations internationales (34)
- Strategie (36)
Rencontrer l'éditeur
HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.