Après plus de huit semaines de souffrances des deux côtés, il parait que les antagonistes concernés par le conflit et plusieurs acteurs des relations internationales n’ont eu aucun succès. Toujours ce sont les populations qui sont les premières victimes de cette affreuse guerre sans merci. Nous voilà au point de départ, pour espérer reconstruire une paix toujours non durable et encore des villes tombées en décombre. Ce qui est sûr c’est qu’il est difficile de moduler l’homme, particulièrement de l’extrême droite israélienne et le Hamas devenu défenseur sans délégation de toute la Palestine et sous-entendu du monde arabe.
Ce carnage des populations palestiniennes civiles, par le Tsahal sous prétexte de détruire le Hamas, montre bien que les limites des organisations internationales sont très apparentes. Certaines organisations de poids n’ont plus de la considération et ne garantissent l’application du droit international que contre les pays du Sud. Certains conflits ont perduré sans solution. De même, les positions des Etats concernés directement ou indirectement par cette lutte armée constituent un autre facteur qui pourraient précipiter encore plus la multipolarisation. Des Etats occidentaux sont soit généralement alignés avec les Etats Unis d’Amérique, soit ils font double jeu à cause de leurs intérêts stratégiques ou des pressions sociales exercées par leurs populations respectives, qui veulent un « cessez-le- massacre ». Plusieurs Etats du Sud ont choisi de condamner la riposte non proportionnée du Tsahal et d’autres en sauvegardant leurs intérêts vitaux, comme pour l’Ukraine, ils ont choisi le multi alignement !
La débâcle au sein des institutions internationales est très pesante. L’ONU a encore une fois perdu son prestige et gardé ses limites depuis le début des hostilités jusqu’à la fin. Une centaine de ses fonctionnaires ont été tués sur le terrain. Malgré les interventions courageuses du secrétaire général de cette institution, l’Etat hébreu n’a pas voulu cesser le feu ou au moins faire une trêve humanitaire. La Ligue Arabe et la Conférence de coopération des Etats islamiques ont été surprises par l’initiative prise par le Hamas et n’ont cessé de répéter leurs dénonciations. Pourtant, elles possèdent eux aussi plusieurs influences et armes géopolitiques pour faire la pression sur Ia communauté internationale. N’ont-elles pas aussi le pouvoir d’exiger de l’Etat hébreu un endommagement pour ce qu’elles ont investi à Gaza et en Cisjordanie ?
L’Union européenne, partagée entre dénonciateur de la boucherie et souteneurs de l’Etat hébreu n’ont, comme d’habitude aucune politique étrangère commune. Alors que l’Espagne, l’Irlande et quelques pays de l’Europe du Nord, demandent un cessez-le-feu certains Etats de l’UE sont entrées dans leur coquille ou manifestent leurs doubles jeux habituels. L’OTAN, bras armé de l’Occident, est à son tour là pour défendre les intérêts de ses membres et ce n’est pas la Turquie qui va changer les cours de la politique influente. Le G20 et les sommets de paix ad-hoc (Egypte, France) ont montré à toute la communauté internationale leur faiblesse face à Israël.
Les déboires de cette guerre ont touché les EUA qui, à cause d’Israël, ont perdu leur crédibilité dans le monde et leur image ne cesse d’être salie à cause des violations du droit international qui a longtemps perduré dans la région. La majorité des Etats membres de l’ONU ont appelé à un cessez-le-feu et à un respect du droit international. Le seul Etat du Conseil de Sécurité des Nations unies à avoir pris sans recul la bonne position avec Israël. Ce manque de confiance se confirme aussi, car, ils n’ont pas pu arrêter la riposte disproportionnée de l’Etat hébreu et imposer la paix au Proche Orient. Au contraire, ils ont apporté un grand soutien logistique et militaire. Cette prise de position de l’administration démocrate pourrait lui couter chère lors des élections prochaines.
A l’instar des EUA, l’Egypte n’est plus un acteur important dans ce conflit. Dans le passé proche, c’est le pays des pharaons qui réunissait israéliens et Hamas ou d’autres fractions palestiniennes pour trouver une issue à leur différend. Cette fois-ci, c’est le Qatar qui a pris le relai et devenu le plus accrédité pouvant réunir les antagonistes. Cet Etat du Golf, bien que minuscule en superficie, est félicité pour son arbitrage par les autorités américaines. Il constitue la base arrière du haut commandement politique du Hamas et en même temps il a accordé, au sein de ses territoires, l’implantation de la plus grande base américaine au Moyen-Orient[1].
Désormais l’Egypte avec son potentiel militaire régionale et même international, ne fait qu’exécuter les conclusions des pourparlers et ouvrir le passage de Rafah, pour les aides humanitaires. Le sommet de la paix qu’elle a organisé n’a pas eu les résultats attendus. Les fessées à Israël qui, est devenue à travers plusieurs années un garçon gâté des EUA et de l’UE sont exécutées dans un moment où le monde devient de plus en plus multipolaire. Tout l’Occident est occupé par la guerre d’Ukraine.
Cette confrontation n’est qu’une conséquence du changement en cours des maîtres du monde. Israël doit croire à la trêve comme moyen politique urgent lui permettant de marquer un point diplomatique positif dans ses relations avec le monde. A cause des massacres perpétrés à Gaza, l’Etat hébreu encourage la continuité de l’idiologie islamiste du Hamas. Par contre, la confrérie des frères musulmans en Egypte, du Hizmet[2] et d’autres mouvements islamistes dans le monde, croient que la communauté islamique ne remplit pas ses tâches de sauvegarde de l’Identité et des lieux saints. Raison pour laquelle, ils ont applaudi l’initiative prise par la branche islamiste palestinienne de défendre les intérêts des sujets musulmans.
Après vérification sur le théâtre des opérations, il s’est avéré que l’hôpital Al- Chifa et d’autres installations sanitaires, construits par d’autres pays, ne constituent pas le poste de commandement du Hamas. A part les quelques preuves formulées par les forces de défense israélienne, les soupçons sont infondés. Il ne faut pas omettre que depuis la guerre d’octobre 1973, les forces de défense israélienne n’ont fait que le maintien ou le rétablissement de l’ordre contre les civils palestiniens et ont négligé leur préparation opérationnelle pour telle situation.
Le prolongement du conflit a bien montré que la sécurité d’Israël dépend de la trêve et de l’arrêt des hostilités. Plusieurs navires de commerce ont été pris d’assaut par les Houthis du Yémen et nul ne peut prédire l’avenir de l’Etat hébreu dont l’économie est devenue fragile. Ces navires de commerce pris d’assaut par les Houthis constituent un butin non négligeable[3] et une défaillance dans la surveillance de ses moyens maritimes en mer rouge. Le Tsahal veut exterminer le Hamas et oublie de voir le fond du problème et que par ses actions il ne fait qu’encourager la relève du mouvement par ses enfants.
Par cet engagement, tous les secteurs vitaux de l’économie israélienne sont en chute libre. Production diminuée ou arrêtée à cause de la participation des réservistes, la diminution des touristes et de l’exportation. Les matériels majeurs engagés dans la guerre dépendent d’une logistique stratégique et opérationnelle que l’Etat hébreu ne pourrait assurer sans le soutien des EUA et ses alliés. La marche des familles des prisonniers et des otages vers la primature israélienne a eu un poids sans précédent sur la vie politique de l’Etat hébreu.
Nul ne garantit un autre mandat pour l’extrême droite. Peut-être même que l’équipe en place sera jugée ! Le gouvernement a intérêt à garder les hostilités au nom de l’intérêt général sinon il sera licencié par les élections. Le Hamas aussi fait le héros au sein de la communauté palestinienne, arabe et musulmane. Mais en en regardant la réalité, il y a eu plus de quinze mille morts parmi les populations et environ 70% des infrastructures détruites. Les sorties dans les rues et les expressions formulées des populations israéliennes touchées par le conflit, montrent bien que les citoyens ne veulent plus vivre dans la crainte.
Aussi la cause palestinienne a gagné du terrain au sein de la communauté internationale. Israéliens et monde entier sont convaincus qu’il est impossible de faire la paix avec l’équipe en place et avec le Hamas qui est aussi considéré terroriste par la majorité des capitales occidentales. Celles-ci défendent avec ferveur la binationalité et ont oublié que le problème persiste depuis plus de 75 ans ! Pourtant, parmi ceux qui ont ce statut, il existe des commis de l’Etat hébreu. Comment pourraient-ils défendre deux patries ? Les États arabes dont les populations sont sorties dans les rues, particulièrement ceux qui ont normalisé ou qui allaient adhérer aux accords d’Abraham ne pourraient plus rester neutres face aux boucheries des populations gazaouies civiles. C’est l’Etat hébreu qui serait probablement le grand perdant au niveau interne et externe.
Le retour à la case de départ des négociations pourrait se faire avec une autre équipe de l’Etat hébreu et l’autorité palestinienne. L’Iran, pays millénaire du Moyen-Orient reste gagnant dans ce conflit. En engageant ses milices en Syrie, au Liban, en Irak, au Yémen et en soutenant le Hamas, prouve au monde entier que c’est un acteur principal dans la région. La pression exercée par les iraniens est claire et ce malgré qu’ils nient officiellement les actions des milices chiites.
Les EUA, les pays du Golf et Israël sont obligés d’inviter les perses, aux tables de négociations. Car, ils constituent le seul axe de résistance militaire dans la région. L’Iran, tout en cachant son vouloir de faire partie du club des puissances nucléaires, a continué d’encercler Israël et Arabie Saoudite avec ses milices et même leur ordonner de frapper les bases américaines. Pour agrandir son cercle, même l’Algérie a accepté la formation du front POLISARIO par le Hezbollah libanais et les roquettes iraniennes pour les utiliser contre les populations civiles de la ville marocaine Smara.
La normalisation des relations diplomatiques avec l’Arabie Saoudite constitue un acquis. Mais, l’Iran est contre toute liaison entre les pays du Golf avec Israël. C’est est un danger pour sa stabilité et son hégémonie au Moyen-Orient. En fait, l’Etat perse et ses affiliés chiites sont venus pour mettre des obstacles à l’hégémonie israélo-américaine dans le Moyen et Proche Orient. Evidement l’Iran est sortie du gouffre pour devenir une gêne dans la région, avec un soutien implicite du trio : Chine, Russie et Corée du Nord. Les manœuvres militaires avec la Chine et la Russie sont faites comme démonstration de force et rappel d’une alliance en cours de renforcement.
Le Hamas a choisi le moyen du faible, en utilisant les otages comme bouclier au même titre que les populations de Gaza, qui ont été exposées aux risques des attaques israéliennes. Par cette action, Israël est tombé dans le piège. Car son aviation et ses forces terrestres tuent aveuglement plusieurs civils, risquent de toucher les otages et le gouvernement n’a pas pu faire face aux familles des otages et à une grande partie de la population qui appelle au cessez-le-feu. D’ailleurs, la droite risque de ne plus gagner le pari des élections. Tant que le Hamas a l’initiative au combat, possède des tunnels lui accordant le facteur de clandestinité et tire en profondeur avec des missiles.
La population d’Israël ne pourrait dormir en paix et ne doit pas croire que l’opération « Sabres de fer » est une réussite. Avec le peu de moyens le Hamas a pu se rapprocher des moyens auto chars israéliens, et détruire des chars de renommée internationale avec des lances roquettes dans la pratique moins performants que les missiles[4]. Longtemps, Israël n’a écouté aucun acteur international y compris ses proches alliés traditionnels. L’acceptation par Israël de la trêve prouve bien qu’il s’agit d’une pression exercée par le Hamas et par la force vive internationale. C’est juste pour se réorganiser et faire taire les voix internes et externes.
Cette fois-ci les voix et les oppositions des populations occidentales et de la majorité des pays du monde ne sont plus maitrisables par les gouvernements qui lui sont alliés. La population juive dans le monde a aussi compris le message. Car, les réservistes sont partis de partout et non seulement d’Israël. Le Tsahal a payé cher dans cette contre-offensive. Les jours à venir vont prouver une défaite bien cachée dans les rangs des deux antagonistes. Les échanges d’otages et de prisonniers entre le Hamas et l’Etat d’Israël vont probablement prendre du temps. Car, les enfants et les femmes pris en otage sont beaucoup moins importants que les prisonniers militaires dont une partie est constituée de femmes et de galonnés.
C’est une carte ou un butin important pour discuter non seulement une trêve mais aussi un cessez-le-feu. Le Hamas a su construire sa fabrique des martyres et les mères palestiniennes, par leur croyance à leur cause, sont habituées à perdre leurs enfants et maris. Mais qu’en est-il d’Israël ? L’Etat hébreu pourrait améliorer son image diplomatique et militaire afin de sortir gagnant et revenir à la table de négociation. La reconstruction d’une paix durable basée sur la seule solution de deux Etats distincts, un palestinien et l’autre hébreu.
Ce non-respect du droit international et particulièrement l’usage exagéré de la riposte et les massacres des civils, encourage certains pays et groupes armés à ne croire qu’à la violence, la vengeance et à rien d’autres. Les institutions internationales et à leur tête l’ONU, devenues inefficaces, ont besoin d’être remodulées et actualisées en fonction de l’éclosion du nouveau monde multipolaire. L’histoire humaine se répète : pendant les années trente du siècle dernier certains Etats ne respectaient plus la SDN, puis boom c’est la deuxième guerre mondiale ! Est- ce le tour proche de la disparition de l’ONU ?
[1] Il parait qu’il y a un effectif de 11 milles combattants à la base d’Al-Udeid à 30 km sud-ouest de Doha.
[2] Le Hizmet veut dire en turc « le service ». Confrérie islamiste, sunnite ayant comme choix le sofisme. Ce mouvement né en Turquie et très présent en Europe en Amérique du Nord parmi les communautés turques et kurdes.
[3] Depuis le 7 octobre à la fin de novembre 3 grands navires de commerce ont été pris d’assaut par les Houthis.
[4] Le Yassine 105 développé par les combattants du Hamas, sinon par les iraniens, porte deux têtes explosives : la première permet de détruire en premier temps les plaques de blindage et la deuxième explose sur la caisse du char pour le perforer.
Zakaria HANAFI
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.