PHD. RAHMOUNE Houcine

Le rapport au ciel de la synagogue, de l’église et de la mosquée à partir de leurs urbanismes.

1- La synagogue et l’absence de tour.

A la différence des églises et mosquées, La plupart des synagogues n’ont pas de bâtiments assez visibles, en particulier des constructions émergeantes vers le ciel telles que les chapelles et les minarets. A titre d’exemple les synagogues de Rabat et de Fès :

Synagogue de Rabat                                 

Synagogue Fès médina

Dominique Jarrassé14, explique que cette variété des formes architecturales revient principalement aux soucis d’intégration de la communauté juive avec le reste de la population. A travers leurs bâtiments religieux, nous pensons qu’ils cherchent aussi la discrétion, d’où leur extrême diversité qui se marie à l’urbanisme de chaque pays. Parfois ils répondent aussi à la nature du quartier ou leurs synagogues sont bâties15.

Les formes de ces bâtiments religieux ne cherchent nullement à côtoyer les hauteurs. On pourrait aussi lier cette spécificité architecturale à la seconde guerre mondiale où la synagogue se devait obligatoirement d’être invisible dans l’espace urbain. Mais, il ne faut surtout pas oublier que le judaïsme est composé du dogme du « peuple élu », qui n’a pas pour ambition de prêcher pour les « brebis égarées » comme l’ambitionnaient la religion chrétienne et musulmane. D’ailleurs, ces deux dernières religions se sont disputées l’espace méditerranéen lors des guerres de croisades, avec l’empire ottoman plus tard au XIXème siècle sous l’impérialisme franco-britannique et ses conséquences. Ce sont en grande partie des convictions religieuses, et des particularités historiques qui expliqueraient la discrétion architecturale des synagogues face à la conquête du ciel par les autres religions plus propices à ériger des tours, comme c’est le cas avec les chapelles et les minarets.

2-Le clocher de l’église16

Selon la bible 17 Le clocher « C’est un usage qui remonte à l’Antiquité de convoquer le peuple chrétien à l’assemblée liturgique et de l’avertir des principaux événements de la communauté locale par un signal sonore. Ainsi la voix des cloches exprime-t-elle, en quelque sorte, les sentiments du peuple de Dieu, quand il exulte et qu’il pleure, quand il rend grâce ou qu’il supplie, quand il se rassemble et manifeste le mystère de son unité dans le Christ ».

Les tours des églises possédaient des cloches pour entre-autres appeler les fidèles à la prière18. Elles évoquaient la communion entre le ciel et la terre19. Et ceci à partir d’un ensemble de sons de clocher différents. Le nombre de sonneries désigne la nature de l’événement20. Les bâtisseurs gothiques cherchaient à ajouter une grande flèche à chaque tour. Les flèches (également appelées clochers) pour symboliser le désir des croyants à joindre son créateur21. Selon la tradition22, au Vème siècle, Paulinus, évêque de Campanie en Italie23 a initié l’utilisation des cloches, pour accorder à leur   son, plus de portée et d’ampleur, par la suite, elles furent placées sur des tours comme marqueurs du territoire de la chrétienté.

Pour Daniel Ferrio24, les prêtres se devaient -à partir des clochers- d’inviter publiquement les fidèles à s’assembler pour l’appel de Dieu. Le son des clocher avertit les chrétiens du moment d’accéder à la nouvelle arche du salut, autrement dit, de rejoindre l’église pour la prière. Par conséquent, construire un clocher le plus haut vers le ciel est un signe clair de sa puissance ; et sa construction est aussi une question d’amour-propre. Les architectes rivalisèrent d’agencements singuliers. Jusqu’à la fin des années 80 (du siècle dernier, le monde manquait de moyens de communication modernes, les cloches servent alors autant d’horloge que d’avertisseur d’incendies, d’inondations ou d’annonce d’un décès.

3- Minaret = المئذنة muʾaḏḏin = (المؤذن )

Le minaret, bâtiment architectural vertical, est un monument devenu un symbole indicatif de la mosquée, lieu de culte des musulmans, il est le lieu de l’appel à la prière. Au niveau de la nomination du minaret de la mosquée, nous relevons au Maroc une confusion chez la population lorsqu’il est question de désigner le monument dédié à l’appel à la prière. L’explication provient vraisemblablement de l’hypothèse suivante : En langue arabe, lorsque un homme «أصمع = Asemâa » signifie un homme attentif et intelligent25. En dialecte marocain la mîdana (المئذنة ) d’une mosquée est nommée « semâa = صمعة ». Probablement, pour les marocains cette confusion entre la signification du mot : « صومعة et مئذنة » la première chrétienne et la seconde musulmane provient du verbe ; « سمع » = a écouté, apparemment l’appel à la prière à partir du bâtiment vertical de la mosquée.

L’essence de cette signification était basée sur le fait que la personne se devait de s’élever du sol, en appelant haut et fort pour plus de portée pour la propagation du son pour un auditoire de la cité ou du village. C’est ce que le noble verset indiquait dans la parole du Tout-Puissant :« Dans les maisons que Dieu a permis d’élever et dans lesquelles son nom est mentionné, dans lesquelles il est glorifié le matin et la nuit » (Sourate Al-Nur : 36)26

En 1998, le premier ministre Turc actuel, Mr. T.-R. Erdogan, annonçait que : « Les mosquées sont nos garnisons, les coupoles nos casques, les minarets nos baïonnettes et les croyants nos soldats ».

14 – Dominique Jarrassé « Fonctions et formes de la synagogue : refus et tentation de la sacralisation », dans : Revue de l’histoire des religions Lieux de culte, lieux saints dans le judaïsme, le christianisme et l’islam, Éditeur Armand Colin Paris, tome : 4, 2005, p. 394 ; mis en ligne le 14 janvier 2010 : http://journals.openedition.org/rhr/4216.

15 – Voir les photos des synagogues de Rabat et de Fès.

16 – https://www.lhistoire.fr/ ; Daniel Ferriol ; dans mensuel 73 ; daté décembre 1984 : « Les clochers étaient de toutes les fêtes : baptêmes, communions, mariages ; pour les deuils, elles sonnaient le glas et leurs battements tristes ou joyeux marquaient aussi les grands et petits moments de la vie commune – guerres, avènements, visites solennelles, mais aussi la fête paroissiale ou les incendies, voire les orages… » ; voir aussi : H. Leclercq, « Cloche, clochette » et « clocher », dans : Dictionnaire d’archéologie chrétienne et liturgique, III, 2 (1914-, col. 1954-1982.

17- Genèse, 11, 3-9 (Livre des bénédictions, chapitre XXX, n° 1032- : L’histoire du clocher est basée sur « The Story of the Steeple », le manuscrit non publié de Neil Carter, 2001. Le texte intégral est accessible chez: www. christianityall.com

18 – Charles Wicks, Illustrations of Spires and Towers of the Medieval Churches of England (New York :Hessling & Spielmeyer, 1900-, p. 18.

19 – Paul and Teresa Clowney, Exploring Churches (Grand Rapids : Eerdmans Publishing Company, 1982-, p. 13.

20 – http://tchorski.morkitu.org/

– L’angélus : résonne trois fois trois coups pour communiquer l’heure à 7h00, 12h00 et 19h00.

– Le tocsin : est une sonnerie répétée et maintenue pour avertir d’un incendie, une émeute ou une guerre.

– Le glas : est une sonnerie de cloches prévenant le décès ou les funérailles d’une personne.

21- Viktor Furst, The Architecture of Sir Christopher Wren, London: Lund Humphries, 1956, p. 16. Puisque les églises de Londres étaient tellement serrées entre d’autres bâtiments, peu de place était considérée pour l’emphase sur rien d’autre que la flèche elle-même. En conséquence, Wren a établi la tendance des bâtiments d’églises avec les côtés relativement réguliers comportant une flèche disproportionnellement grande et fleurie sur une extrémité (Paul Jeffery, The City Churches of Sir Christopher Wren, London : The Hambledon Press, 1996, p.88-.

22 – https://www.herodote.net/ « Le dictionnaire de l’Histoire : clocher, campanile, minaret, beffroi, tour de l’horloge ».

23 – Paulin de Nole ou saint Paulin (en latin Meropius Pontius Paulinus-, né à Bordeaux vers 353 ap., mort à Nole en 431ap., est un poète et un ecclésiastique latin contemporain de saint Augustin et de Martin de Tours, qui l’encouragea dans sa vocation religieuse. Il a été évêque de Nole de 409 à sa mort.

24 – Daniel Ferrio, « Pour qui sonnaient les cloches » ; (dans- mensuel 73 ; daté décembre 1984 ; https://www.lhistoire.fr/

25 – رجل أصمع : يقظ و دكي

26 – ﴿فِي بُيُوتٍ أَذِنَ اللَّهُ أَن تُرْفَعَ وَيُذْكَرَ فِيهَا اسْمُهُ يُسَبِِّحُ لَهُ فِيهَا بِالْغُدُوِِّ وَالْْصَالِ﴾ سورة النور: ) (36)

A SUIVRE …. Ne ratez pas le Voyage Nocturne (Al-Israa) et l’Ascension (Al-Mi’raj) et la Gratte-ciel avant de conclure.