Les derniers événements en Syrie montrent bien qu’à part la surprise stratégique effectuée par le groupe « Hayat Tahrir Sham » (HTS)[3], fondé en 2017 et devenu acteur dominant, tout le monde a été pris au dépourvu. La majorité des Etats occidentaux et autres ne s’attendaient pas à la chute de l’oligarchie « baathiste ».

Devant cette situation inattendue, on se demande quels sont les défis, à surmonter, suite à la chute du régime ?

Le contrôle d’une partie du territoire syrien, n’est pas entièrement suffisant pour chanter victoire. Déjà divisé entre groupes armés locaux et acteurs étrangers l’unité du pays constitue un obstacle majeur, à soulever au niveau économique, politique et de sécurité de défense. Car, l’Etat syrien est en ruine suite à plusieurs années de guerre civile, avec un régime politique sanguinaire, dictatorial et un système de défense affaibli par des acteurs étrangers au théâtre et des milices endoctrinés à fond. La reconstruction de la paix n’est pas réalisableà court terme.

En effet notre analyse porte sur les facteurs économiques, socio-politiques, de sécurité et de défense qui pourraient justifier les défis attendus par le nouveau régime politique. 

SITUATION ECONOMIQUE DEJA EN CHUTE LIBRE  

Par le passé, la situation économique a connu un déclin sans précédent dans l’histoire moderne de la Syrie. Depuis plus de quarante ans une grande partie du budget national de la Syrie était affectée à la défense et à l’effort de guerre, afin de faire face à Israël, considéré ennemi numéro un de l’oligarchie alaouite au pouvoir. Le problème du Golan n’a jamais été résolu, car Hafid Al Assad père du président actuel, a préféré la solution militaire au lieu des tables de négociations.  

La Syrie a toujours été surarmée, au niveau régional, par l’URSS et par la Russie fédérale.  Le régime a toujours qualifié ceux qui prônent la diplomatie comme traîtres. La dernière guerre civile a influencé sur ses ressources mal réparties, ses infrastructures détruites et les sanctions ont été un grand facteur du déclin économique.

Répartition des ressources

Depuis 2011, la Syrie a ouvert un autre front que celui devenu permanent contre Israël, en massacrant ses populations et en faisant face à d’autres acteurs régionaux et internationaux qui soutenaient les mouvements armés, selon l’intérêt géopolitique et stratégique de chacun. De ce fait, la Syrie classée auparavant parmi les pays à revenu intermédiaire avec une forte croissance est devenue un pays pauvre sans revenu considérable. Ceci explique sa dépendance de la Russie, de l’Iran et de la vente excessive de la drogue par des laboratoires appartenant au frère du président déchu. L’économie souterraine a augmenté et la participation de l’Etat et du privé ont cessé spectaculairement[4].  

La production du pétrole a largement diminué et certains puits sont exploités ou surveillés par plusieurs forces internes et externes. Même l’agriculture, n’a pas échappé aux conséquences de la guerre et a régressé suite aux déplacements des populations et la destruction des infrastructures d’irrigation. Désormais, le pays n’a plus de souveraineté alimentaire. Ces derniers jours le prix du pain a augmenté de 700%[5] .

Parallèlement, l’offensive du HTSn’a pas épargné la Banque Centrale envahie et mise à sec. Pourtant, il est signalé par cette institution que dans le secteur commercial, les exportations de biens ont diminué de 8,8 milliards de dollars enregistrés en 2010 à 1 milliard de dollars en 2023. En 2024, cela doit être encore pire, puisque la monnaie a été plus que dévaluée[6] . A cause de la faiblesse de l’administration, les impôts ne sont plus collectés comme dans le passé et le territoire du régime devenu rétrécie, est plus encerclé par les forces adverses et par cela, moins productif.  

 Effondrement des infrastructures :  

Le désastre qu’a connu la Syrie suite à la guerre civile demande une reconstruction rapide des infrastructures économiques et des habitations pour les populations.  

En plus de la destruction engendrée par la guerre, plusieurs millions de Syriens ont été touchés par les répercussions du séisme qui a frappé le pays le 6 février 2023. La catastrophe naturelle est venue s’ajouter à la crise crée par l’homme.

Il s’agit de plusieurs dizaines ou centaines de milliards de dollars à engager comme dépense pour reconstruire les différentes localités de la Syrie. Les habitations, les usines, les ports et les aéroports ont tous été bombardés par l’un des acteurs militaires en présence. Cela pourrait constituer un marché important de reconstruction, pour les multinationales et les Etats amis du nouveau régime. Mais cette phase post-conflit demande beaucoup d’aides et d’emprunts qui nécessitent les intérêts géoéconomique et géopolitique des uns et des autres.

Impact des sanctions :  

Au début, le but des sanctions a été de constituer des   obstacles financiers au gouvernement Al Assad afin de diminuer le terrorisme d’Etat et la violence contre ses populations et le contraindre à changer sa politique. Ces sanctions ont été à l’origine du gel des avoirs et des interdictions d’entrée sur les pays occidentaux, aux personnes ou entités du régime impliquées dans des violations des droits de l’homme à l’encontre de civils. Depuis 2011, l’UE et les USA ont imposé un embargo interdisant le commerce avec la Syrie. Au début la sanction a touché   l’exportation du pétrole et par la suite toutes les marchandises syriennes.  

Le risque d’engagement, les sanctions infligées au pays, par les bailleurs de fonds internationaux, le Conseil de Sécurité de l’ONU, l’UE et la majorité des pays de la Ligue Arabe ont isolé la république syrienne.  Aussi, la crise mondiale actuelle pourrait retarder la volonté des bailleurs de fonds internationaux[7], à part si certains pays du Golfe prennent en charge ce grand chantier, en misant sur une caisse dédiée à la reconstruction du pays dévasté.

Le nouveau pouvoir a promis de reconstruire le pays et accorder un intérêt primordial aux services particulièrement de base, afin d’améliorer la vie des citoyens et augmenter les salaires à 400% pour permettre aux citoyens de satisfaire leurs besoins nécessaires.   

DEMARRAGE D’UN NOUVEL ORDRE SOCIOPOLITIQUE EN CRISE

La situation sociale et politique, héritée par le HTS n’est pas facile à surmonter du jour au lendemain. Car la Syrie a ses spécificités socioculturelles et politiques.

Une anthropologie socioculturelle fissurée

Le pouvoir en place doit stabiliser des populations qui sont multiethniques, multiconfessionnelles et multicommunautaires, nécessitant le respect de chaque particularité humaine.  

Rétablir l’État de droit :  

 Le nouveau décideur de Damas a pour intérêt principal au départ, de gagner les cœurs et les esprits des différentes composantes de la société syrienne. Il doit aussi recenser les différentes preuves qui justifient les violences graves et les atteintes au droit humanitaire international, qui touchent une partie de la population jugée arbitrairement.

 Le régime génocidaire a été derrière la disparition dans les lieux de détention secrets, dans la mer Méditerranée et suite à l’assassinat de milliers de personnes enterrées dans des fosses communes inconnues. La majorité des familles syriennes sont concernées par des pertes humaines, des blessures des maladies et des deuils.

En fait, les populations démoralisées et appauvries à cause de la cherté excessive de la vie, ont besoin de justice et de réconfort, de soins psycho-médicaux et de retour à la vie normale. Aussi de juger ceux qui ont été derrière leur souffrance. Mais la majorité des responsables des massacres ont fui le pays avec leurs richesses douteuses. Ce défi social attendu par le groupe islamiste est lié étroitement à une réelle stabilité politique basée sur un régime démocratique reconnu par la communauté internationale.   

Défis du retour des réfugiés :  

Suite à la guerre civile, il n’est pas facile de préparer le retour des six millions de déplacés, de réfugiés et d’exilés dont une partie a changé de mode de vie et acceptée par certains Etats d’accueil. Les Syriens établis en Allemagne, soit un million ou un peu plus ne vont pas sûrement retourner dans leur pays.  

Seuls ceux qui vivent, au voisinage, dans les camps de déplacés et de réfugiés non loin du pays[8], qui ont choisi de revenir à leur domicile. Les Etats qui les ont abrités et les organisations onusiennes qui les ont pris en charge doivent fournir de grands efforts pour les rapatrier et les aides fournies pour le moment, ne peuvent faire face à cette catastrophe humaine.

Dans cette course du retour des exilés et déplacés les contraintes sociales front face à l’assistance d’hébergement d’urgence, les enfants non accompagnés et séparés[9], ou sans famille et les problèmes graves liés à la violence sexuelle et sexiste. Le nouveau pouvoir doit-être en mesure de créer avec les organisations internationales humanitaires et les pays donateurs, des fonds spéciaux dédiés aux problèmes matériel et psychologique des populations touchées par les conséquences de la guerre civile.

Le Pacte mondial sur les réfugiés[10], approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2018, a donné lieu à un plan détaillé visant solidarité mondiale, intégrant le partage des responsabilités au sein de la communauté internationale, afin de diminuer la pression sur les pays d’accueil, accorder plus d’autonomie aux sujets réfugiés et mettre en place un mécanisme capable de les aider à retourner volontairement et dignement chez eux. Ce pacte a été suivi par le Forum mondial sur les réfugiés organisé en 2023 afin de prouver la solidité de la solidarité, en présentant par les États leurs usages, en la matière et leurs intentions de soutenir financièrement et moralement les réfugiés      

Face aux derniers événements, certains Etats européens ont arrêté le traitement de dossiers de réfugiés syriens dans l’attente probable de leur transfert vers leur pays d’origine. L’Allemagne est la seule à tempérer jusqu’à nouvel ordre.  

L’hiver s’approche avec son froid et les populations syriennes viennent s’ajouter aux victimes de la guerre régionale, opposant Israël, le Hamas et le Hezbollah.

 Une politique extérieure et interne mise à mal par le régime déchu

En effet, après 13 ans d’insurrection et de guerre civile, le pouvoir autocrate et héréditaire syrien a quitté les commandes et pris la fuite. Ses anciens bailleurs de fond iranien, russe l’ont lâché brusquement. Car, ils ont jugé que le gouvernement est devenu faible. Chacun des deux alliés a utilisé la carte de la Syrie pour discuter ses propres intérêts stratégiques.

Relations avec les puissances étrangères     

L’Union Européenne s’apprêtait à envoyer une représentation diplomatique en accordant la chance au régime de Bachar Al Assad pour une réconciliation nationale. Le Conseil de Sécurité et la Ligue Arabe aussi n’avaient pas tous deux calculé la possibilité de cette offensive vers Damas. D’ailleurs, longtemps chassé de l’organisation des Etats arabes la Syrie a récupéré son siège grâce aux pays du Golfe, en vue d’extraire le régime de ses alliances iranienne et russe.  

La Syrie a été réintégrée à la Ligue Arabe, lors du sommet de mai 2023 grâce aux pays du Golfe, en particulier les Émirats arabes unis et d’autres Etats comme la Jordanie, l’Egypte et l’Algérie. Parallèlement, cette réhabilitation au niveau des relations extérieures, a permis plus tard, le retour rapide, de certaines représentations diplomatiques, institutions onusiennes, Etats :  Allemagne, France, USA, Royaume Uni et d’autres en cours. Ceci montre bien que pour le moment nous assistons à des changements d’alliances, orientées vers l’Occident, qui pourraient être à l’origine d’une levée de sanctions suite à une probable résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

 Cette confiance accordée par les chancelleries arabes et occidentales, pourrait en même temps effacer le mouvement HTS de la liste des organisations terroristes. La normalisation avec l’occident et le monde arabe pourrait aider le pouvoir en place à remplir le vide du régime effondré, faire face à DAECH qui pourrait chercher à déstabiliser le pays et montrer l’incapacité du HTS à gérer tout le pays. Ce type de scénario a été vécu lors du départ des américains de l’Afghanistan avec la déstabilisation des Talibans par DAECH du Khorassan. Ce type de scénario pourrait concerner les Forces Démocratiques de Syrie, soutenues auparavant par les Etats Unis d’Amérique et d’autres groupes armés.Cela dépendrait évidemment de l’entente des bailleurs de fond extérieurs de ces mouvements, avec le nouveau locataire de Damas.  

Dans ce sillage, le chef du HTS a promis une période de transition qui arrange toute la communauté internationale[11]. Le discours officiel du nouvel homme fort de Damas appelle à une Syrie unie. Selon le leader Ahmed CHRAA, il n’y aura pas de problème avec la Russie et que le HTS pouvait attaquer les bases russes, mais ne l’a pas fait pour garder une bonne relation avec la Russie. Tout le monde se demande s’il y’a des pourparlers avec la Russie concernant les bases accordées par l’ancien régime ? Dans tous les cas, le départ des militaires russes pourrait être objet d’arrangement entre les acteurs présent sur le théâtre.  

 Le nouveau leader de Damas veut aussi, arrêter définitivement, la production de la drogue « Captagon », découvert dans les bases militaires et les hangars[12]. Pour lui, si Israël avait comme but de chasser les milices iraniennes (Zanoubiens, fatimides …) et les autres groupes terroristes, maintenant que c’est fait, par le HTS, ce n’est plus nécessaire d’envahir le territoire syrien.  

Reconstruction de nouvelles alliances   

Actuellement, les analystes et les chancelleries du monde entier se demandent comment va réagir les forces arabes en présence, face à l’incursion en profondeur du Tsahal ? Quelle est l’intention réelle de l’Etat hébreu ? Réaliser le projet du Grand Israël ou se limiter à la sécurisation des frontières en créant une bande de sécurité dans toute la région de conflit ?  

Au sein de ce nouveau jeu d’alliance, Israël a repris les positions stratégiques du Mont Cheikh[13] ,qui permet grâce à sa hauteur de surveiller plusieurs régions de la Syrie, du Liban et une partie orientale importante de la mer Méditerranée. Le Chef du gouvernement hébreu s’est déplacé, avec son Chef d’Etat-major sur les lieux, en vue de confirmer au monde entier l’annexion en entier du Golan[14], pour des raisons sécuritaires.

La géopolitique régionale déjà fissurée par les conflits en cours, devient une menace sans précédent à la paix et à la sécurité internationales. Les conséquences de cette nouvelle annexion, va encore constituer une bombe à retardement dans la région. La majorité des populations du monde arabe sont calmés par leurs régimes politiques et celles avoisinant l’Etat hébreu croient que le projet du Grand Israël est en cours d’exécution. En réalité, tous sont contre la guerre atroce à Gaza et au Sud Liban et maintenant vient s’ajouter l’expansion israélienne en Syrie.

 Ceci dit Israël est aussi sorti gagnante de ce conflit. Le Hezbollah ne pourrait plus recevoir d’armes via la Syrie, les groupes chiites iraniens se sont volatilisés, et la Russie n’a pas offert l’appui aérien attendu. A la porte de Damas sans réaction ni de l’opposition, ni de la communauté internationale, Israël a su faire oublier à tout le monde, par cette action, ses offensives à Gaza et au Sud-Liban. Les observations sont devenues plus braquées vers la Syrie.

Dans ce cafouillage géopolitique, l’Egypte est sortie gagnante, en récupérant par le passé tous ses territoires occupés et en neutralisant définitivement les groupes terroristes dans son territoire. Le gouvernement égyptien a aussi profité de la guerre de Gaza pour renforcer ses lignes de défense face à Israël et empêcher un nouvel exil des palestiniens en Egypte. Pourtant, les accords de Camp David excluent toute présence de forces militaires au Sinaï. Plusieurs grandes manœuvres militaires ont été effectués dans le désert séparant l’Egypte de l’Etat hébreu à titre de démonstration de force et de rappel à Israël qui voulait encourager le départ des gazaouis.

En fin de compte, ce sont les Etats d’Israël et de la Turquie qui sont devenus les principaux acteurs de la géopolitique régionale. L’Iran n’est plus en mesure d’armer ses milices au Liban, en Syrie à Gaza et avec le temps en Irak. Seule la carte des Houthis yéménite est encore jouée. Probablement, le Tsahal va réagir avec des fortes frappes aériennes pour anéantir définitivement les menaces de ce mouvement. Israël a su adapter sa stratégie contre-offensive en fonction des priorités des menaces, en attaquant ses adversaires un par un, tout en ouvrant l’œil sur plusieurs fronts.  

Aussi, il parait fort probable que le premier gagnant du changement politique demeure la Turquie par laquelle doit passer la majorité des pays, occidentaux et arabes, afin de défendre leurs intérêts. Le retour majeur de la Turquie en remplacement de la Russie, de l’Iran et de la France ancienne puissance coloniale lui donne l’avantage de rectifier le tracé frontalier en sa faveur.  

La Turquie, qui tourné le dos à la Russie et l’Iran en utilisant l’étiquette de l’OTAN, continuera de défendre son objectif stratégique, au nom de la lutte contre les groupes armés PKK et DAECH. Ankara a aussi profité du lâchement des Forces Démocratiques Syriennes par les occidentaux qui les ont engagés à combattre DAECH et du vide stratégique laissé par les russes, qui ont rapatrié une partie de leurs forces vers l’Ukraine, en gardant juste le nécessaire des forces navales, aériennes et antiaériennes et sans donner de précisions exactes concernant le sort futur, de leur base navale et aérienne en Syrie.  

Dans l’avenir proche, en fonction des interventions des acteurs locaux, régionaux et internationaux, certaines ambiguïtés demeurent sans réponse dans l’immédiat.  De ce fait, il est fort sûr que l’unité et la souveraineté du pays soit menacés. Car, la Turquie pourrait annexer la localité d’Alep avec sa région et Israël pourrait élargir ses frontières en Syrie, au Liban et à Gaza.

Seront probablement annulés les accords de Sykes-Picot de 1916.Car, la Turquie a toujours réclamé sa souveraineté sur certains territoires voisins, même en Europe orientale et en mer Méditerranée.   

Une politique intérieure à reconstruire à zéro

En interne, il faut veiller sur le changement de la constitution avant d’organiser des élections libres, accorder plus de libertés publiques, associer les partis politiques et les différentes ethnies aux décisions stratégiques, éliminer l’arbitraire pour une meilleure justice, reconnaitre les langues parlées autre que l’arabe et chercher une conciliation concernant la menace sunnite réprimée par Hafid Al Assad[15]. Car, les adeptes de ce courant sont majoritaires avec 70% des populations contre 10% des alaouites.    

Dans le passé, 30 milles frères musulmans avec leurs familles réprimés en 1982 par le pouvoir syrien[16]. Maintenant c’est leur retour qui constitue un danger au Proche et Moyen-Orient. Dans le voisinage cette confrérie est présente en Jordanie, à Gaza, au Koweït, au Qatar et avec un grand nombre d’adhérents, en Égypte et en Turquie qui constituent les deux principaux fiefs de cette école.  

Maintenant toutes les populations de la Syrie et de la région applaudissent le HTS, qui est devenu un modèle d’espoir et de soulèvement possible. La majorité des pays du Golfe, à l’exception du Qatar, a toujours été méfiante face à la doctrine des frères musulmans qui menace la continuité de leurs régimes. La « Dima »[17] et « la Jizya »[18] que compte appliquer les islamistes, aux non-musulmans doit disparaitre afin d’instaurer une égalité devant la loi et des impôts, entre tous les citoyens du pays.   

DEFIS DE LA REFONTE DES ACTEURS DE LA DEFENSE ET DE LA SECURITE

Tout d’abord ayant pris l’ordre de quitter les lieux, la majorité des hauts responsables militaires et sécuritaires ont fui leurs postes et leurs bases en même temps que le Chef d’Etat.

Réforme des forces armées puis désarmement, démobilisation et réintégration des milices :  

 L’Armée Arabe Syrienne, sous payée[19], et les services spéciaux sont devenus déstructurés et sans commandement, contrairement à certains ministères dont les responsables ont voulu collaborer avec le nouveau pouvoir.

Cette désertion des gradés de l’armée et des services de sécurité a laissé la voie libre aux frappes aériennes du Tsahal, qui a profité de l’occasion pour détruire les infrastructures, des milliers de chars, des centaines d’avions de combats, les armes de destruction massive, la défense aérienne et des centaines de navires de guerre qui ont nécessité des années de budget. L’armée israélienne a définitivement désarmée la Syrie et dépassé le cordon de sécurité espéré pour se protéger.  

De même, la réforme des forces armées doit changer de doctrine. Car, longtemps politisée par le parti Baathiste, cette force ne pourrait sacrifier du jour au lendemain libérer tous les personnels et les remplacer par des anciens rebelles, sans formation initiale purement académique. Il faut purger et nettoyer l’armée de ceux qui étaient fidèles au régime afin d’éviter les scénarios vécus par l’armée irakienne au lendemain de l’opération « Iraqi Freedom » en 2003[20] et le cas libyen[21] dont l’armée est   divisée en deux forces adverses.  

Pour éviter de tomber dans les mêmes erreurs des pays cités, cette réforme du secteur de la sécurité au sein de la Syrie, doit être faite le plus tôt possible et la faire bénéficier de l’appui international de façon à nettoyer et restructurer l’Armée Arabe Syrienne. Aussi, désarmer, démobiliser et réintégrer (DDR), les milices du théâtre, afin d’avoir une seule composante militaire, capable de défendre l’intégrité territoriale syrienne.

Jusqu’à nos jours, la Syrie doit éviter la situation abstraite, des milices toujours actifs en Irak, en Libye et aussi, le Hezbollah au Liban[22], qui malgré une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies, continue à s’armer et utiliser des matériels majeurs d’une armée nationale. Pourtant la résolution 1559 de l’ONU et l’accord de Taëf, en Arabie Saoudite, ont demandé la dissolution de toutes les milices libanaises y compris le Hezbollah. Le nouvel homme fort de la Syrie ne doit pas tomber dans le même piège.    

Pour réussir cette réforme de l’Armée Arabe Syrienne et le mécanisme DDR, il est fort important de renforcer le potentiel de planification local par cellui des armées arabes, possédant la même langue et traditions militaires, capables de transmettre une nouvelle doctrine de défense et un savoir sécuritaire adaptable à la situation, sans passer par les traducteurs qui demandent plus de délais.     

Vide laissé par les anciens services parallèles

Tous impliqués dans la répression des populations civiles, les importants services de renseignements reconnus, du régime déchu, se divisent en quatre entités distinctes, à savoir :

 -La direction de l’intelligence militaire équivalent au service de renseignement militaire portant aussi l’étiquette de sécurité militaire et constituée de plusieurs branches ;[23]

 -Le Service de renseignement de l’armée de l’air[24] ;

– La direction générale de la sécurité ou service de la sécurité d’État syrienne[25] ;

-La direction de la sécurité politique[26]  

Il y a lieu de constater que la majorité des hauts responsables qui dirigeaient l’appareil sécuritaire de l’ancien régime, avec ses quatre composantes, sont des officiers issus de la secte Alaouite. Très fidèles au régime, il parait que certains d’entre eux ont fui vers le Liban, l’Iran et l’Algérie à l’instar des hauts gradés de l’Armée. 

Par ailleurs, la destitution des services spéciaux est importante, afin de créer des organes adaptables à la politique générale de sécurité interne du pays, en cours de reconfiguration. Car, les anciens sécuritaires collaborateurs du régime Al Assad sont conscients de l’atrocité des crimes de guerre et contre l’humanité dont ils sont suspects. Ils savent très bien qu’ils seront, tôt ou tard poursuivis par les cours nationales ou ad-hoc de la Cour Pénale internationale.

 Le vide laissé derrière eux a facilité la tâche à l’opposition de prendre la capitale aisément. Les structures sécuritaires doivent être en mesure de coopérer avec la communauté internationale en matière de crime organisé et lutte contre le terrorisme. Ils doivent avoir le même langage utilisé par les pays membres de l’ONU et éviter la coopération étroite juste avec la Russie et l’Iran.

La formation assurée par des écoles de services spéciaux et de police et   par le conseil d’autres acteurs sécuritaires extérieurs, tel que ceux des pays arabes jugés modérés, pourraient changer la donne doctrinale de la sécurité globale, afin d’améliorer le savoir sécuritaire syrien en interne et en international.

En conclusion, la situation en Syrie reste floue. La réconciliation anthropologique entre les différentes ethnies est encore plus fissurée que jamais. Les nouvelles autorités de Damas doivent chercher un langage du verbe adaptable à la mosaïque sociale hérités, afin d’encourager définitivement la réconciliation nationale. Les facteurs d’un redémarrage économique sont encore faibles, afin de reconstruire les infrastructures et les services endommagés par la guerre civile. Les fissures géopolitiques régionales demandes des alliances sûres. Toutefois, malgré les promesses du nouvel homme fort de Damas, il faut laisser le temps faire, avant de donner un jugement final et compter sur la réforme des forces de sécurités afin de créer un climat de stabilité et de confiance.  


[1] Utilisé depuis 1980 par Hafid Al Assad, prend comme référence les couleurs du drapeau de l’ancienne République Arabe Unie qui a vu le jour de 1958 à 1961. Une union qui n’a pas duré avec l’Egypte. D’ailleurs, les deux étoiles vertes situées sur la bande blanche représentent les états d’Égypte et de la Syrie comme membre de cette république. Ainsi la bande rouge désigne le sang versé lors du combat, la bande blanche au milieu représente le futur et la bande noire désigne les années d’oppression.

[2] La couleur verte du drapeau représente les Califes Arrachidoune, le blanc l’empire des Omeyyades et le noir l’empire des Abbassides. Par contre les trois étoiles rouges représentaient les trois districts de la Syrie : les états d’Alep, de Damas et de Deir ez-Zor.

[3] Selon l’écriture du Sham avec un « S » au début du mot ou un « C ». Certains auteurs, citent le Groupe en écrivant HTS et d’autres HTC.

[4] Le rapport de la Banque mondiale, estime que : « le PIB syrien devrait se contracter de 5,5 % en 2023 et les pertes d’activités représenter 1,5 milliard de dollars. » Voir partie dédiée à la Syrie sur Grand Atlas 2024.

[5] L’inflation est arrivée à 115 %.

[6] La livre syrienne s’échange à 14000 contre un dollar US alors qu’avant le conflit en 2011, un dollar valait 47 livres.

[7] Un rapport de la Banque mondiale signale que le produit intérieur brut (PIB) du pays a diminué de 54 % entre 2010 et 2021.

[8]La Turquie a ouvert pour le point de passage de YAYLADAGI/KESEB à Hatay, après l’avoir fermé depuis 2013 pour permettre aux réfugiés syriens de revenir à leur pays.

[9] Selon les Nations unies, en 2022, 9,3 millions d’enfants en ont aussi besoin dont 6,5 en Syrie et 2,8 dans le pays où ils sont réfugiés. « Le plus haut chiffre enregistré depuis le début du conflit il y a plus de onze ans », a précisé ADELE KHODR, directrice Unicef pour le Moyen-Orient…Pour plus de détails sur les chiffres visiter https://shs.cairn.info/atlas-du-moyen-orient-aux-racines-de-la-violence–9782080424167-page-82?lang=fr

[10] Lire p11 « Tendances mondiales déplacement forcé en 2022 » Rapport de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). https://www.unhcr.org/sites/default/files/2023-08/tendances-mondiales-2022_0.pdf

[11] Le HTS est inscrit sur la liste des organisations terroristes par l’ONU et plusieurs pays occidentaux. La suspension du mouvement de la liste noire dépend ainsi de ainsi, de la politique qui sera appliquée par le nouveau décideur de Damas. D’ailleurs, lors de sa visite en Syrie, l’émissaire de l’ONU, le Norvégien Pedersen, a signalé que Le mouvement HTS et les autres milices en présence ont tous déclaré leur bonne intention vis-à-vis du peuple syrien.

[12] Selon des informations recueillies, c’est le frère cadet du président, Maher, commandant la 4° Division blindée, qui était responsable de l’industrialisation, de la distribution et la vente de cette drogue qui rapportai plus de 5 milliards de dollars de bénéfice.

[13] Jabal Cheikh appelé aussi en hébreu Mont Hermon faisant partie de la chaîne de l’Anti-Liban. C’est un massif stratégique culminant sur une hauteur de 2 814 mètre situé dans le Golan et formant une frontière naturelle entre la Syrie et le Liban.

[14] Le Golan a été occupé en 1967 par Israël lors de de la guerre de six jours puis annexé en 1982 et reconnu territoire israélien par le président Trump lors de son premier mandat.

[15]  De sources sûres, le président Hafid Al Assad avait comme nom de famille « AL Ghoûl »,  qui veut dire ogre  en français et ses origines viennent d’une tribu juive en Iran.

[16] A l’époque c’est le frère de Hafid Al Assad appelé RIFAAT, deuxième homme fort du régime, qui s’est occupé de ce massacre. Pourtant, il n’a pas été suivi par la Cour Pénale internationale.

[17] Ce terme désigne en droit musulman le régime juridique spécifique appliqué en terre d’islam aux non-musulmans appelés « dhimmis ».

[18] Il s’agit d’une taxe prélevée sur les citoyens non musulmans en échange de la protection dans un pays islamique.

[19] Il parait que les généraux avaient comme salaire deux cent dollars et les soldats 40. Ceci les a encouragés à voler le peuple, à faire du commerce souterrain, pour bénéficier des richesses du pays illégalement.

[20] Le 23 mai 2003, l’armée irakienne a été dissolue par Paul BREMER, en vue de constituer une nouvelle force formée par les contingents de la coalition militaire présente en Irak. Cette décision a laissé un vide dans le théâtre et a encouragé l’émergence des groupes armés ethniques et religieux.

[21] L’armée du gouvernement reconnu par la communauté internationale est à base de milices généralement islamistes. En 2014, les deux armées libyennes ont été contraints de rengager plusieurs gradés, emprisonnés du régime KADAFI afin de bénéficier de leur retour d’expérience.  Par contre l’armée du Général KHAFTAR est encadrée par les officiers de l’ancien régime Kadafi. Ce dernier n’avait pas une armée organisée comme tous les pays et avait une force basée sur les milices. 

[22] La résolution 1701/2006 du Conseil de Sécurité demande à mettre fin aux hostilités entre Israël et le Hezbollah, aussi appelle à un cessez-le-feu avec la création d’une zone tampon. Ladite résolution exige le désarmement de tous les groupes armés présents sur le théâtre y compris le Hezbollah.

[23] Ce service de l’armée arabe syrienne influent, qui contient une entité liée à la Palestine, une autre appelée 235, puis une brache dédiée aux cadres (officiers) et une autre technique chargée de la surveillance des réseaux internet. D’autres sont chargées des patrouilles de contrôle et de l’administration.

[24] Réputé pour sa confiance auprès du régime déchu, car Hafid Al Assad est un ancien pilote qui a été formé avec Hosni Moubarak en Egypte. Ce service suspecté d’avoir utilisé les armes chimiques et avoir participé aux crimes de guerre, a du personnel qui est détaché dans les ambassades syriennes à l’étranger.

[25] C’est une entité à base de civils et qui pourrait être considéré comme un bureau de renseignements généraux.

[26] Direction responsable de l’oppression des opposants politiques à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Ce service est responsable des prisonniers, dans des centres de détention, comme la prison de SAYDNAYA, située à la campagne avoisinante de la capitale.