Au lendemain de son indépendance, le Congo-Belge appelé Zaïre, puis plus tard la république démocratique du Congo (RDC)[1], a été très bien considéré par rapport à d’autres Etats indépendants. Au niveau monétaire le franc du pays s’imposait aisément par rapport à d’autres monnaies européennes et africaines. La puissance de l’Etat apparaissait aussi dans les prises en charge sociale au niveau des hôpitaux et des salaires que recevaient les fonctionnaires. L’armée aussi s’imposait au niveau régional vue ses partenariats avec les puissances du bloc Ouest, sa possession de matériels majeurs importants, qui rendait ses composantes terre, mer et air puissantes au niveau de l’Afrique centrale et australe sans compter la république d’Afrique du Sud.   

Désormais, le Zaïre avait son mot à dire dans le conflit intestinal de l’Angola et soutenait ouvertement les ennemis de Dos SANTOS, devenu président de l’Etat angolais indépendant.  Les avions militaires Hercule C130 et les avions de chasse non entretenus suite à la chute du feu président Mobutu confirment les années de gloire et d’apogée de la RDC. Avec sa cadence positive, le Congo réalisait de bonnes recettes et gâtait ses populations. Aujourd’hui, malgré les richesses enregistrées dans le secteur primaire particulièrement les richesses que regorge le sol en minerais stratégiques, des terres fertiles qui ne demandent qu’intention particulière, une réserve inépuisable en eau et un grand potentiel pétrolier, le Congo continue d’être sujet de complotisme et de convoitise par des acteurs régionaux et internationaux. Ceux-ci ne manquent pas de financer sécession, séparatisme, violences et toutes formes d’instabilité pour pomper illégalement les ressources minières congolaises.

De nos jours, la RDC[2], continue d’être victime de la géopolitique des ressources minières. Désormais, convoitée par la majorité des puissances traditionnelles et émergeantes, on a continué à violer sa souveraineté nationale et à s’ingérer dans ses affaires internes pour détourner ses ressources minières avec le minimum des prix existants sur le marché. Ses minerais de sang sont à l’origine de l’instabilité du pays, qui cherche à acquérir sa souveraineté minière et protéger ses populations des guerres par délégation, entrainant des génocides, des déplacements[3], des viols de femmes et de l’exploitation des enfants innocents[4]. Pourtant, la RDC a tous les facteurs d’un Etat central dans la région des Grands Lacs, grâce à ses richesses diversifiées et ses ressources humaines qui dépassent les cent millions d’habitants.   

Cette analyse présentée sous forme de dossier en deux parties, qui se réfère aux acteurs des relations internationales et aux outils stratégiques utilisés sur le théâtre. Cette étude nous permet d’identifier à l’Est de la RDC, les acteurs-clés, leurs structures et fonctionnalités avec leurs liens, qui permettent de choisir un jeu de guerre multiforme, caché et adapté à leur stratégie.

La responsabilité des acteurs des relations internationales

Depuis l’indépendance du pays, la situation a été toujours de nature hybride contenant des répercussions graves et   très menaçante a la paix, a la sécurité et au développement socio-économique de la RDC et de certains Etats voisins. Car la majorité des pays de la région sont victimes de guerre par délégation, qui se fait par des groupes armés locaux ou étrangers ou par des terroristes et des mercenaires transfrontaliers.

En faisant un tour d’horizon dans la région des Grands Lacs, on dirait que la population est née pour souffrir et servir les intérêts d’autres acteurs des relations internationales, à savoir certains Etats concernés par l’achat des minerais du sang, les organisations non gouvernementales habituées à ce type de conflits et les multinationales qui exploitent cette anarchie pour ses usines de technologie de pointe. La communauté africaine et internationale reste sourde et indifférente par rapport aux violations du droit international en RDC.

La responsabilité des acteurs étatiques

En effet, certains Etats industrialisés sont les premiers responsables des tensions. Car les minerais de conflit importés de l’Est de la RDC ne sont pas vendus réglementairement par le pays qui possédé les territoires exploités. L’or, l’étain[5], le coltan, le cobalt le tantale, les diamants et le tungstène sont acheminés vers le Rwanda avant d’être exportés, via les ports de Mombasa et Dar ES Salam, vers l’Asie et l’Europe. Pourtant, logiquement, c’est une rente de devise importante pour la RDC qui aspire à développer le pays et avoir le monopole dans la vente ces matières stratégiques. Alors là, on laisse la liberté aux analystes afin de chercher quels sont les Etats, qui ont intérêt à garder le statuquo pour profiter de ces matières premières abondante et à moitié prix.

D’ailleurs un important nombre de pays européens importe les minerais de sang exporté par le Rwanda. Devant cette situation mal sainte, L’Union européenne vient de reconsidérer son accord avec le Rwanda, qui avait comme objectif de sécuriser l’approvisionnement en matériaux critiques, utilisés dans les smartphones et les voitures électriques, afin d’éviter d’être acteur directe dans la guerre à l’est de la RDC.

Le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) a incité Bruxelles à revoir un accord avec le gouvernement rwandais visant à sécuriser l’approvisionnement en matériaux critiques utilisés dans les smartphones et les voitures électriques.

Les limites des institutions internationales 

Pour ce qui est des organisations internationales l’ONU et ses agences font de leur mieux pour reconstruire la paix et savent très bien qui est derrière ces tensions et qui abuse de la contrebande des minerais de sang à l’Est de la RDC. Malheureusement, malgré les rapports adressés au Secrétariat Général de l’ONU et du Conseil de Sécurité, le conflit a trop duré et la MONUSCO n’est là que pour exécuter l’agenda d’autres puissances. Même, les fonctionnaires de l’ONU sont critiqués pour avoir passé trente ans sans stabiliser ou reconstruire la paix dans cette région du monde. Certains jugent que plusieurs fonctionnaires internationaux seront mis au chômage en cas de fin de mission de maintien de la paix en RDC.

Supposées lutter contre la prolifération des armes, participer au règlement des conflits régionaux, faire face au crime organisé perpétré par les groupes armés et faire face aux différentes violations des droits de l’homme, certaines agences et institutions n’arrivent pas souvent à remplir leurs missions à l’Est de la RDC[6]. Même les contingents militaires de l’ONU sont exposés aux risques et ne sont pas respectés par les groupes militaires non étatique[7].

L’Union Africaine à son tour, dépend du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies et du Conseil de Sécurité. Ses tentatives de réconciliation sont limitées par manque de moyens financiers et militaires. Pourtant, les responsables de l’organisation continentale savent très bien que le Rwanda est derrière cette guerre par délégation, qu’elle finance le groupe M23[8] pour contrôler le Kivu oriental riche en minerais critiques. La dernière offensive dudit groupe sur Goma le 28 janvier 2025[9],  a augmenté les tensions entre les pays riverains et a accéléré la descente des populations dans les rues de plusieurs villes congolaises. Certaines ambassades[10] africaines et occidentales ont été attaquées par les foules devenues incontrôlables par les forces de sécurité.

Dans ce sillage, les organisations non gouvernementales dépendent aussi de leurs bailleurs de fond dont une partie contribue à la paix et en même temps bénéficie des contributions financières de certains acteurs des relations internationales, eux aussi liés aux minerais du sang. C’est contradictoire, mais il faut chercher ceux qui ont une double facette dans ce conflit.

Le profit sans limite des firmes multinationales  

Pour ce qui est du quatrième acteur des relations internationales ce sont les multinationales intéressées par l’industrie lourde et la technologie de pointe. Devenus plus puissant que le reste des acteurs, les firmes multinationales sont facilement reconnues dans le commerce international par leur production. Il faut aussi vérifier, qui est l’acheteur et le bénéficiaire de ses ressources stratégiques. Chassant que ses minerais critiques, entrent dans la fabrication mécanique, électronique, numérique dans les volets de l’aérospatiale et militaire. De ce fait, il n’est pas difficile de trouver les adresses des multinationales en Amérique, Asie et en Europe, des firmes qui   ont su légitimer le commerce illicite des minerais, blanchis par le Rwanda et ses associés.  

Une légitimité de la RDC non condamnée ! 

Cela fait trente ans que les responsables de la RD Congo veulent sortir de ce marécage crée par ses voisins directes et d’autres acteurs internationaux.  Plusieurs réunions et sommets ont été soldés par des échecs. Le M23 a disparu pour quelques années après avoir été dissous et certains de ses responsables ont fait l’objet de mandat d’arrêt international. Pourtant ils vivaient en liberté entre le Rwanda et l’Ouganda. Par ailleurs, l’un [11]de ses principaux généraux a été arrêté pour être jugé par la Cour Pénale Internationale (CPI). Mais de nouveau, il est revenu fort sur le théâtre pour encore une fois occuper des zones stratégiques du Kivu y compris la ville de Goma.

 Lors du dernier sommet organisé à Dar Es Salam en Tanzanie, réunissant les Chefs d’Etats de la Communauté Est Africaine (EAC)[12]  et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC[13]), les autorités congolaises ont exigé un cessez-le-feu immédiat, le retrait des forces rwandaises et du M23 de tous les territoires congolais, la réouverture de l’aéroport de Goma, le retrait de cette ville et la condamnation du Rwanda. Le 31 janvier 2025, au cours du sommet de Malabo en Guinée Equatoriale, la SADC a condamné le Rwanda et son bras armé le M23 et l’a fait de même auparavant.

 S’agissant d’une défense légitime longtemps réclamée par le pouvoir congolais, qui ne veut plus qu’on décide à sa place, avec l’intention de crée une souveraineté minière et   préserver les réserves de richesses minières pour les futures générations, la RDC fait face à des pays, qui n’ont pas tous voulu condamner le Rwanda. Car tout simplement certains pays de l’EAC sont impliqués par les minerais de sang, qui sont soit exportés par leurs territoires soit exploités à leur niveau[14]

 En somme malgré l’organisation d’élections libres et démocratiques, la RDC continue de souffrir à cause des attentats de déstabilisation du régime, qui ne fait que défendre sa souveraineté contre ses voisins frères et d’autres acteurs des relations internationales. Ceci la rend vulnérable en ce qui concerne la restauration de la capacite de l’état afin d’assurer la sécurité et maintenir l’ordre public dans les zones grises, dépendantes des groupes armés financés par le voisinage et d’autres acteurs. La RDC se trouve confrontée au   renforcement de l’état de droit et du respect des droits de l’homme qui sont violés par des acteurs non étatiques. Aussi, elle doit relever le défi   de la promotion du redressement et du développement socio-économique.  

Face à cette situation qui demeure difficile à résoudre, les responsables politiques de la RDC doivent constituer un lobbying au sein des puissances influentes afin d’expliquer encore une fois leur cause mal véhiculée par leurs adversaires. Ils pourraient aussi, rediscuter avec le principe gagnant-gagnant, des nouveaux contrats d’extraction moderne, avec les multinationales concernées par l’achat des minerais de sang en associant les acteurs étatiques au niveau régional et international, qui sont aussi impliqués par cette exploitation illégale.

A lire la suite de cette analyse sur le volet stratégique du même numéro de février 2025 de Geopolitique .ma


[1] Devenue Etat indépendant depuis le 30 juin 1960, a une superficie de 2 345 000 km2. Connu pour sa biodiversité, ses richesses en ressources minières stratégiques et hydriques, mais une géopolitique des frontières très fissurée et poreuse. Dans son voisinage il y a neuf pays : le Soudan du sud et la République centrafricaine au nord, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie à l’est, la Zambie et l’Angola au sud et séparé à l’ouest par la République du Congo. Les forces de maintien de la paix de l’ONU constituent l’un des plus grands contingents dans le monde. Depuis trente ans l’instabilité est due à la géopolitique des ressources minières.

 

[3] Selon l’ONU avant la dernière attaque de Goma de janvier 2025, il y a eu sept millions de déplacés et 500 mille femmes violées.

[4] En septembre 2023, les États-Unis ont inscrit le Rwanda sur la liste du ‘’ Child Soldiers’’ , il s’agit d’  une loi sur la prévention des enfants soldats, suite à   son soutien au M23, qui recrutait des enfants soldats.

[5] Tous les moyens électroniques utilisent l’étain pour souder les circuits, l’or pour la couverture des câbles, le tantale pour le son des téléphones portables et autres. Le tungstène fait vibrer les téléphones. 

[6] « Actuellement, 2,7 millions de personnes sont confrontées à une grave insécurité alimentaire dans les villes orientales de l’Ituri et du Nord et du Sud-Kivu, selon l’OCHA. Aussi, « Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) répond aux besoins urgents. Il a notamment livré des kits médicaux d’urgence aux hôpitaux de Goma pour soigner plus de 50.000 personnes touchées par les violences. » Lire : https://news.us15.listmanage.com/track/click?u=372753f560ef60c400f1a4f3f&id=d7612016a9&e=48b288187d

[7] « La MONUSCO opère donc dans « un environnement très difficile ». Les infrastructures clés de la Mission à Goma sont débordées, ces installations n’ayant pas été conçues ni dotées du personnel nécessaire pour un hébergement à grande échelle et à long terme d’employés de l’ONU et de Congolais y ayant trouvé refuge. « La pression sur les ressources essentielles, telles que l’eau, la nourriture, l’assainissement et les abris, s’accroît », a prévenu Mme van de PERRE. ». Lire https://news.us15.listmanage.com/track/click?u=372753f560ef60c400f1a4f3f&id=a41466cc57&e=48b288187d

[8] Créé en 2012 par des rebelles majoritairement Tutsis, et constitué actuellement des quelques 8000 combattants qui sont installés et entrainés dans les frontières ougandaises et rwandaises.

[9] Selon les experts de l’ONU quelques 3500 soldats rwandais ont participé à cette opération pour soutenir le M23.

[10] Les ambassades du Rwanda, de l’Ouganda, des USA, de la France, de la Belgique et des Pays-Bas.

[11]Mars 2013, le chef de la rébellion le Général   Bosco NTAGANDA, surnommé « le Terminator » qui était réfugié d à l’ambassade des USA à Kigali, a été transféré à La Haye, siège de la CPI, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, a annoncé vendredi le gouvernement rwandais.

[12]  (EAC) en anglais East African Community, est une organisation régionale composée de huit Etats d’Afrique de l’Est comme suit :  le Burundi, le Kenya, l’Ouganda, la république démocratique du Congo, le Rwanda, la Somalie, le Soudan du Sud et la Tanzanie.

[13] (SADC) en anglais Southern African Development Community dont les pays membres sont : l’Angola, le Botswana, l’Union des Comores, la République démocratique du Congo, le Eswatini, le Lesotho, Madagascar, le Malawi, Maurice, le Mozambique, la Namibie, les Seychelles, l’Afrique du Sud, la République unie de la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe.

[14] Selon des rapports de l’ONU, le plus grand comptoir d’or dans la région se trouve au Rwanda. Pourtant ce pays n’a pas assez de minerais de production qui lui permettent d’exporter une grande quantité. Car tout simplement c’est l’or congolais. La situation est réciproque en ce qui concerne les mines stratégiques qui passe par l’Est du Congo via le Rwanda avant d’atteindre leur destination finale.