L’économie libérale a gagné du terrain au niveau mondial, après l’effondrement le bloc de l’Est. Le néolibéralisme adopté par Ronald Reagan en tant que néologisme et par Margaret Thatcher en tant que « thatchérisme », n’a pas disparu. Il est probable que dans l’avenir la Chine pourrait basculer vers un néolibéralisme, mais elle conservera des caractéristiques spécifiquement chinoises, à savoir un cachet autoritaire et féodal. En fait quelles que soient les doctrines ou les théories signalées, les Etats en tant que garants des transactions et de la stabilité économique, seront analysés en fonction de plusieurs indicateurs. Ces derniers constituent le baromètre de leur puissance, leur niveau de développement et leurs faiblesses.

Cette analyse procédera à la présentation de l’Etat comme un produit de markéting, en se basant sur la « Nation Branding ». Ensuite, on survolera les volets de la géographie économique, puis dans un troisième paragraphe, on abordera la notion de « soft state », en vue d’étaler les indicateurs socio-économiques et politiques, qui peuvent nuire à la renommée d’un pays.

I-L ’Etat selon le prisme du concept : « Nation Branding »

Pour être bien perçu, tout pays a besoin de soigner son image et sa réputation. La renommée de l’Etat doit être bien présentée et ses lois avec les facilités d’investissements le rendent plus attractif que d’autres. Des fois il y a des sociétés spécialisées, qui sont créées pour rendre le pays plus attirant, sinon on fait appel au lobbying.  Dans cette analyse nous faisons appel à la notion de « Nation Branding[1] »

En effet, par rapport aux pays, avec qui ils ont des rivalités les Etats font référence à leur image de marque en vue de se faire distinguer au niveau régional et international par rapport à d’autres. La manière par laquelle sont présentés ou défendus ces Etats ressemble aux procédés utilisés dans le marketing lors de la publicité d’une image de marque. Par contre, lorsque cette image est politisée elle s’associe aux relations internationales et à la diplomatie publique.   

 La « Nation Branding » qui incite à la compétitive intègre des indicateurs multisectoriels sur les volets ci-après :

 -Une stabilité politique, garantie par la présence de l’Etat et l’application des lois ;

 -Une diplomatie reconnue et influente, qui a le pouvoir du verbe, capable d’attirer les investisseurs en leur préparant les conditions favorables, créer des partenariats, encourager l’image des produits nationaux exportés, augmenter les échanges commerciaux et renforcer le positionnement stratégique du pays… ;

– Une anthropologie montrant la mosaïque populaire, la richesse culturelle, les   langues parlées, habilles traditionnelles par régions afin de rappeler les trésors ou les spécificités en la matière, les cultures culinaires, les sites culturels millénaires et autres indicateurs positifs qui distinguent l’image de l’Etat objet de la « Nation Branding » ;

-La bonne gouvernance et transparence, absence de corruption … ;

 -Le respect de la législation nationale et internationale :  droits humains, principes démocratiques, équité devant la justice ; traités et accords internationaux …

 -L’existence d’infrastructures pour le bien-être des populations et pour les investisseurs étrangers ;

L’image de marque de produit de la nation : Par exemple au Maroc, la réussite des usines d’automobiles ou aéronautiques au Maroc a donné confiance à d’autres investisseurs afin de construire des usines de pièces détachés et d’assemblage. Car, il y a une stabilité politique, les infrastructures modernes portuaires, autoroutes, chemins de fer et proximité aux marchés. Sans oublier qu’il y a une main d’œuvre qualifié et abondante.   

Dans le même sillage un autre exemple marocain mérite d’être cité. Ainsi, après la cueillette des olives, l’huile est achetée par les espagnols et les italiens est ensuite exportée, avec leur propre embouteillage, aux Etats Unis d’Amérique. Les américains consommaient ce produit en faisant référence aux deux Etats du sud de la méditerranée, sans toutefois citer le Maroc. Actuellement, les marocains ont réussi de faire leur propre emballage et via cette huile, ils ont aussi réussi à vendre l’image de marque du pays. C’est devenu une référence.

Ainsi tous les Etats font la publicité pour gagner la confiance des investisseurs étrangers et créer la valeur locale, régional et national en matière d’attractivité des investissements dans différents volets économiques (Energie, mines, agriculture, industrie, tourisme etc…).  

 II-L’Etat selon les fondements de la géographie économique

Cette façon d’analyser nous permet de détailler les trois volets traditionnels qu’on utilise dans une fiche de géographie économique.

Tout d’abord, le secteur primaire qui pourrait renfermer l’agriculture en incluant les richesses halieutiques, forestières, animales, céréales et autres.  Les différentes richesses du sol comme les mines, les terres rares et les énergies fossiles … Dans ce volet certains pays peuvent figurer parmi les plus riches. Mais pas forcément parmi les plus avancés. Car, ce sont des Etats exportateurs de pétrole.

Ensuite le secteur secondaire contient l’industrie légère, de transformation, lourde, technologie de pointe (satellites, fusées, avions, intelligence artificielle …)  Ce volet pourrait faire la différence entre pays avancé ou pays moins avancé selon le niveau de développement dans l’industrie lourde et la technologie de pointe. Néanmoins, certains Etats ont franchi la barrière de développement technologique. Mais, ils gardent les caractéristiques du sous-développement. La majorité des Etats du BRICS ont toujours des indicateurs qui le prouvent.

 Enfin le secteur tertiaire justifié principalement par la possession des différents services comme les télécommunications, les infrastructures : routière, portuaire, aéroportuaire, hôpitaux, hôtels et autres constructions. Aussi dans ce secteur des Etats peuvent être riches, avoir tous les services connus dans les pays avancés et en même temps avoir les indices des pays sous-développés.

III-L ’audit de l’Etat via le « soft state »[2]

Les indicateurs « soft state » montrent bien qu’un Etat peut perdre sa crédibilité non seulement avec les investisseurs, mais aussi tous ses valeurs sociopolitiques, incluant sa diplomatie.

Le premier à utiliser le terme « pays doux » fut l’économiste suédois Gunnar Myrdal[3], lauréat du prix Nobel d’économie en 1974, dans son livre « Drame asiatique – Un examen de la pauvreté des nations », qui a été publié en 1968.

Myrdal définit par Etat mou, l’Etat qui fait des lois et ne les applique pas, non seulement à cause des lacunes qu’elles contiennent, mais parce que personne ne respecte la loi. Les personnes âgées s’en moquent, car elles ont assez d’argent et de pouvoir pour se protéger. Les jeunes reçoivent des pots-de-vin pour fermer les yeux, et le laxisme de l’État encourage la corruption. La propagation de la corruption accroît son relâchement, et la corruption se répand dans les autorités exécutives et législatives, jusqu’à atteindre la justice et les universités, et la corruption sous un état mou devient un mode de vie. 

L’auteur suédois qui a défini le « soft state », étale les indicateurs ci-après :

– Une baisse du statut et du prestige de l’État à l’intérieur et à l’extérieur.

– Le non-respect de la loi et le manque de confiance des citoyens dans les lois Avec l’existence d’un système judiciaire avancé, il reste sans application, sauf dans des cas spécifiques, où il peut être utilisé pour punir l’anti-corruption, ou ceux qui revendiquent leurs droits, ou les criminels et les voleurs des classes opprimées.

– La présence d’institutions gouvernementales qui est trop importante et sans rôle clair dans la mesure où les autorités des institutions se chevauchent et se ressemblent, et leur objectif est de créer des postes pour ceux qui sont affiliés à l’État.

– L’existence d’une élite corrompue qui cherche d’abord à réaliser ses intérêts personnels.

– La propagation de la pauvreté et du sous-développement due à l’absence de justice sociale, et la faiblesse ou l’absence de développement, signe d’un tissu social divisé.

– La propagation de la corruption sous toutes ses formes,

Le pillage de l’argent public, l’évasion fiscale et douanière.

– Dépendance vis-à-vis de l’extérieur et perte de contrôle de l’État sur une grande partie de sa décision interne.

– Lier les intérêts des élites politiques aux institutions internationales.

– L’effondrement de la structure éducative scolaire et universitaire.

– La tyrannie politique.

 – S’appuyer sur l’extérieur et ne pas compter sur ses propres capacités.

– Favoriser les riches, appauvrir les pauvres et les accuser de factures de corruption et de mauvaises décisions.

– Manque de respect des droits de l’homme et de la dignité des personnes.

– Manque de transparence et manque de séparation entre l’intérêt public et l’intérêt privé, notamment entre l’argent public et l’argent privé.  

CONCLUSION :

En application de ses indicateurs aux Etats qu’ils soient de la catégorie des puissances traditionnelles ou nouvelles et sans oublier les moins développés, on retiendra que plusieurs Etats du monde ont ces syndromes socioéconomiques et politiques. L’analyste pourrait utiliser ces outils proposés par le créateur du mot « soft state », pour connaitre les Etats où il pourrait investir sans risque et découvrir les anomalies générales d’un Etat avec qui il veut bâtir un avenir garanti. 

 De nos jours, le concept de « Nation Branding », les relevés de la géographie économique et le « soft state » sont toujours des critères de classement des Etats. Néanmoins, autres que les anciens baromètres, les investisseurs ou les analystes peuvent se référer à d’autres outils tels que les indicateurs de liberté économique, l’environnement des affaires l’assiette le déficit commercial la dette publique, la place du secteur privé dans le développement, la réaction de l’Etat face au secteur privé et à l’informel puis   d’autres éléments d’analyse donnés par les centres d’études et de recherches, ou les institutions nationales et internationales.

Depuis quelques décennies plusieurs Etats du monde s’intéressent au développement durable qui est un mode très encouragé par les organismes internationaux. Car, ce type de développement, qui sans compromettre la capacité des générations futures, pourrait maintenir l’intégrité de l’environnement pour une meilleure santé et sécurité des êtres humains, garder l’équité sociale et viser l’efficience économique.

Dans cette optique, certains pays généralement avancés ou en voie de développement, essaient d’associer à leur « Nation Branding », la notion de société numérique en investissant sans limite, dans l’infrastructure numérique. Cette action se fait en se référant à des solutions numériques, capables de rendre plus aisée la vie de ses citoyens et des étrangers. On assiste à la création de villes intelligentes, partout dans le monde. Ce choix a donné aux pays qui l’ont adopté, la possibilité de créer une nouvelle proximité. Car, celle-ci donne l’accès aux services publics, en ligne et numériquement sans passer par la bureaucratie. Cette nouvelle stratégie de marque a permis aussi à ceux qui l’ont adopté d’avoir une réputation en matière d’expertise numérique au niveau national et international. A l’inverse de ce qui précède, l’Etat pourrait en revanche, en l’absence d’une bonne renommée, être qualifié négativement : Etat terroriste, failli, voyou, défaillant, fragile et instable.


[1] Lire le livre « Nation Branding » de Keith DINNIE, professeur agrégé à Temple University – Japan Campus (TUJ) qui donne des subtilités et des idées multidisciplinaires, sur l’image de marque de la nation. Il est aussi expliqué dans le livre comment adapter la théorie de la marque à l’image de marque nationale.

Le livre comporte dix chapitres et divisé en quatre parties principales :

 – La portée et l’échelle de l’image de marque nationale ;

 -Les racines conceptuelles de l’image de marque nationale ;

-Les questions éthiques et pragmatiques dans l’image de marque nationale ;  

-La pratique et les horizons futurs de l’image de marque nationale. 

  Chaque partie comprend deux ou trois chapitres et la plupart commencent par une étude de cas nationale.

Le livre donne comme cas d’étude la République de l’Afrique du Sud ou de l’Egypte, qui a profité des techniques de marque cités dans la « Nation Branding » pour réussir ses paris dans les domaines du commerce, du tourisme et gagner la confiance des investisseurs.

[2]Etat mou ou pays paresseux.

[3] Député du Parti social-démocrate de 1935 à 1938, puis de 1944 à 1947, il sera conseiller du ministre des finances, Ernst WIGFORSS, puis président de la commission pour la planification économique après la guerre et ministre du commerce en 1945, à l’âge de quarante-sept ans. En 1947, il quitte le gouvernement pour diriger, pendant dix ans, la commission économique des Nations unies pour l’Europe à Genève. Et, jusqu’en 1967, il sera professeur à l’Université de Stockholm, où il achève Asian Drama (1968) _ Le Défi du monde pauvre, _ trois volumes consacrés aux causes du sous-développement et à la pauvreté dans neuf pays du Sud-Est asiatique.