Ces derniers jours, nous rappellent l’émergence du Tiers Monde après sa décolonisation vers les années soixante. Mais cette fois-ci, à la suite du Covid19 et la guerre en Ukraine, l’Afrique veut ne pas être touchée collatéralement par la guerre des régimes de sanctions contre la Russie et ses alliés. Car, le continent pourrait risquer la famine en cas de pénurie de céréales et d’engrais.

L’entretien   du président sénégalais en tant que président de l’UA avec son homologue russe est d’une importance capitale pour le continent africain. C’est un signal de sagesse et de bonne gouvernance, concernant les Etats africains qui ont besoin de ce geste de défense hors du commun. Ce réajustement de la politique extérieure de l’Afrique mené par le président de l’UA, pourrait éviter en partie la crise économique au niveau continental et faire baisser le risque de la rareté des produits stratégiques. La Russie par ses exportations, serait à son tour gagnante économiquement et aurait plus d’armes géopolitiques pour défendre ses intérêts stratégiques.  

C’est une nouvelle manière d’exprimer en économie-politique, le non-alignement qui a disparu après la fin de l’affrontement des blocs Est-Ouest. Par cette rencontre, à Sotchi située en mer Noire, il a été rappelé au nom des 54 Etats africains[1]  par le président Macky Sall le rôle joué par la Russie[2] dans l’indépendance des Etats africains, l’appel au renforcement de la coopération économique. Par ce dernier point, on comprend qu’il s’agit d’un appel clair en vue de diversifier avec la Russie fédérale des relations économiques et financières, voir même une issue à la crise économique et ses conséquences. Il y a eu aussi un rappel de la neutralité africaine malgré certaines pressions.

 Par l’abstention et le refus de participer aux votes contre la Russie, l’Afrique comme l’Amérique Latine et d’autres pays de l’Asie cherchent une certaine mobilisation pour être épargnées de la nouvelle crise économique, qui menace l’humanité entière, et particulièrement les pays africains même loin du théâtre de tentions, mais victimes de cette crise économique internationale. En se référant au Président de l’UA, la visite a été un succès puisque le côté russe va continuer à honorer les exportations des céréales et des engrais de l’Ukraine et de la Russie. Néanmoins, les pays les Occidentaux doivent épargner de leur régime des sanctions, contre la Russie, le volet alimentaire.

De ce fait, la géopolitique des céréales est en cours de développement. Les engrais et le blé se font de plus en plus rares et chers, ce qui implique une forte probabilité de famine si la crise ukrainienne persiste et la Russie ne réponde pas aux souhaits africains[3].  Aussi, il y a lieu de comprendre de ce message la participation de l’Afrique à un nouvel ordre économique international, sans passer par les puissances traditionnelles. Oublié lors du Covid-19, le continent africain veut prendre lui-même la défense de ses intérêts économiques. Ajoutons à cela qu’après la crise économique provoquée par le Covid19, la dette des pays occidentaux et des pays en voie de développement, particulièrement africains, n’a fait que remonter. A la suite de la montée en flèche des produits énergétiques sur le marché international, qui s’est répercutée sur tous les moyens de transport et de production, on est en train de revivre la crise longtemps provoquée par les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979.  

 Le dollar monnaie universelle courante d’échange nous rappelle aussi la crise du billet vert en 1971[4]. Depuis cette date, les Américains ne veulent plus accrocher le dollar à l’or. L’économie mondiale débute une période d’incertitudes depuis le Covid 19 et constitue plus de risque avec la crise en Ukraine. Les bailleurs de fond et les acteurs économiques sont conscients que le billet américain ne représente en réalité aucune garantie en or. La Chine, la Russie et d’autres Etats ont commencé très tôt à se faire le maximum de réserves en or. Pendant la pandémie, le prix de l’or a connu une montée sans précédent.

 Les sanctions contre la Russie à cause de l’annexion de la Crimée en 2014 l’ont poussé à prendre des contre-mesures monétaires dangereuses pour l’économie américaine et mondiale en cas de leur prolifération. Le retour aux monnaies nationales souveraines peut nuire directement au billet vert américain. Dans cette nouvelle guerre monétaire, la dédollarisation est prise au sérieux par la Russie, la Chine et d’autres Etats qui ont gagné ce pari et continuent sur cette voie. A cet égard, la Russie supporte bien le régime de sanctions et la Chine est là pour importer en son nom ses besoins vitaux. Les perdants restent les pays dépendants de la Russie et de l’Ukraine en matières stratégiques.   

Jusqu’à présent les EUA continuent d’imposer leur leadership et de vendre leurs marchandises, y compris l’armement de dernière technologie, à une Europe généralement, sortie affaiblie par la pandémie et aussi en train de vivre, suite à ses crises économiques, un nouveau plan Marshal. Le vieux continent récidive depuis le IXème siècle et encore une fois, il   a nécessairement besoin, par n’importe quel moyen, d’éviter l’agonie économique et de se protéger contre l’Ours blanc qui menace le monde par une possible guerre nucléaire.

 La nouvelle forme de guerre par délégation visant l’usure de la Russie pourrait beaucoup coûter économiquement aux deux antagonistes. Tant que le rouble russe est reconnue dans l’échange avec d’autres Etats, ses réserves en or pourraient augmenter encore, afin de payer ses créances extérieures. L’Europe n’a d’autres choix que de payer sa dépendance dans un moment où elle vient de sortir de crise. Malgré la récupération observée de l’économie américaine, la politique de dédollarisation enregistrée en Asie pourrait nuire dans le moyen et long terme à son hégémonie monétaire.

  Géopolitiquement, la Russie a gagné le territoire qu’elle voulait longtemps annexer sous sa souveraineté. Elle n’a pas besoin d’une reconnaissance internationale. Mais avec le temps autres que ses alliés, d’autres Etats le feront, sous l’effet des armes géopolitiques. Son économie dépendra très longtemps de celle de l’empire du milieu qui la considère un cas d’école, afin de faire de même, le moment opportun sur l’ile de Formosa. Il est fort probable que si rien n’arrive au Chef de l’Etat russe, la situation demeurera ainsi et ce quelle que soit les conséquences. Chaque fois, nous allons éviter une troisième guerre mondiale face à une puissance nucléaire. Il faut s’attendre à ce que d’autres puissances du même genre fassent le même scénario.


[1] La pseudo RASD ne fait pas partie de chiffre avancé par le président en exercice de l’UA.

[2] Pendant la fin des années cinquante et le début des années soixante l’URSS a beaucoup soutenu les mouvements d’indépendance dans le monde et particulièrement en Afrique.

[3] Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’alimentation : « Les pays qui dépendent du blé ukrainien et russe se retrouvent les mains vides. Près de 30 pays dépendent de ces importations pour plus de 30 % de leur blé. Pour l’Égypte, l’Érythrée, la Somalie… cette dépendance est bien plus élevée. Ces chiffres ne tiennent pas compte des menaces qui pèsent sur les prochaines saisons de plantation et de récolte, qui devraient déjà réduire davantage la production alimentaire mondiale. Ce sont les segments les plus pauvres de la société dans les pays à faible revenu, qui consacrent généralement plus de 60 % de leurs revenus à l’alimentation… » Pour plus de précisions,lire le texte intégral disponible à l’adresse : https://news.trust.org/item/20220331100348-mcl51/

[4] Le président américain Nixon, avait décidé le 15 août 1971, de mettre fin à la parité fixe entre l’or et le dollar. C’était un coup dure porté au système de Bretton Woods.