Cette carte montre bien le vide en puissance navale. Sur les 23 Etats de la façade atlantique africaine, seul le Maroc au Nord et la République de l’Afrique du Sud qui ont une puissance navale équipée avec une doctrine et une bonne préparation opérationnelle.

La participation marocaine à la montée en puissance de la côte atlantique africaine n’est pas un rêve non réalisable. Les dynasties marocaines ont toujours constitué une ligne de défense contre les puissances européennes, qui s’approchaient des côtes africaines. Le soutien au développement de toute la région dans les différents volets socioéconomiques est très faisable.  

Les ingrédients justifiés par la richesse des ressources humaines, des produits énergétiques et miniers sont des facteurs favorables à l’encouragement du développent multisectoriel et pour la création d’un climat d’entente entre les différents acteurs régionaux des relations internationales. 

Longtemps, le Royaume du Maroc a encouragé et défendu en temps qu’initiateur l’Union du Maghreb Arabe (UMA). Mais, son voisin de l’Est a toujours encouragé par ses discours le séparatisme et des idéologies dépassée avec le temps. Le faux discours algérien s’est heurté à des réalités qui le rend ridicule et contradictoire par rapport à la logique des Etats du monde qui aspirent à la paix et la sécurité internationale.

 Les initiatives royales en matière de coopération et partenariat stratégique avec le Sahel et la façade atlantique africaine est une réponse forte aux rivalités de pouvoir portant sur des enjeux territoriaux, à caractère économique. Le pouvoir algérien n’a jamais voulu déclarer ouvertement qu’il cherchait à acquérir un territoire donnant sur l’océan Atlantique.

 En réalité, pour que la façade atlantique puisse devenir un pôle d’intégration économique, il faut l’accompagner en moyens de puissance navale, qui sont en mesure de sécuriser les routes maritimes et les infrastructures portuaires. Le choix d’une stratégie navale adaptable à l’espace et en particulier, la construction d’un chantier naval à vocation commerciale et militaire est un projet qui pourrait aider le Royaume à acquérir un nouveau savoir et avoir un monopole régional.

Pour s’en convaincre, sera rappelé un bref historique sur l’histoire navale du Royaume en matière de construction et défense navale, suivi des objectifs stratégiques justifiant la maitrise de la façade atlantique.

Bref rappel du sea power marocain

La marine du Maroc a toujours fait face à la concurrence espagnole sur la rive méditerranéenne et à l’hégémonie portugaise sur les côtes de l’océan Atlantique. Les deux empires ont été parmi les premiers à se déplacer en force et exploiter le continent américain.

Dans ce climat de méfiance et de concurrence, le Maroc a toujours pu avoir sa propre construction navale, souvent sur les fleuves, vue leur proximité des forêts et pour être loin des yeux ennemis. Par contre, l’empire Ottoman se chargeait de protéger le reste des pays musulmans de la rive méditerranéenne contre la puissance navale espagnole.   

Pendant des siècles le Royaume, comptait sur ses forces navales pour protéger ses intérêts en mer méditerranée et en océan atlantique. Les Almoravides avaient construit des points d’appui en péninsule ibérique et au Maroc et avaient leur propre chantier naval dans les côtes marocaines. Vers l’an 1162, la dynastie des Almohades possédait quelques 400 unités flottantes de guerre, qui lui ont permis d’avoir le monopole sur la rive méditerranéenne. Les Mérinides ont fait de même. Les Saadiens qui ont rétabli la route des caravanes, n’ont pas reçu de navires anglais et néerlandais pour renforcer leur potentiel. La dynastie Alaouite a modernisé la marine militaire et l’a rendu puissante[1]. Mais, avec le développement technologique, il demeure plus que nécessaire de renforcer le potentiel naval.

Ils furent chassés par la dynastie des Saadiens de toute la partie de l’océan atlantique, allant des petits ports ou comptoirs occupés au Maroc jusqu’à la Cote d’Ivoire pour redonner vie à la route des caravanes traditionnelles, par laquelle se faisait les échanges entre les différentes dynasties marocaines et les royaumes du Sahel ou de l’Afrique de l’Ouest. Par la suite, la dynastie alaouite a fait de même en chassant les portugais des ports de l’Atlantique et de Tanger par le Roi Moulay Ismail.  

 Souvent l’Espagne coupait chemin aux navires marocains et ceux des corsaires qui se déclaraient faire le Jihad, pour avoir seule la mainmise sur la rive méditerranéenne occidentale et de même les portugais avait le même objectif dans la côte atlantique. Les dynasties marocaines ont défendu leur espace maritime et ont sauvé la façade atlantique de de l’Afrique contre les abus des marchands européens. Car, il se pouvait que laissés entre les mains des envahisseurs, les africains allaient disparaitre et avoir le même sort que les indiens de l’Amérique ou les autochtones de l’Australie. 

 De nos jours, au Maroc, à Kenitra il y a une petite usine, qui fabrique les bateaux de plaisance et une autre unité à Agadir, qui fabrique les bateaux de pêche de haute mer. Le succès naissant du Maroc dans les secteurs automobile et aérospatial peut offrir un avantage stratégique dans l’établissement d’un secteur de la construction navale.     

Une marine forte pour un partenariat ciblé   

Nul n’ignore que la Marine Royale et marchande n’ont pas entièrement les moyens nécessaires pour remplir le vide en mer Méditerranéenne[2] et sur l’océan atlantique. L’accompagnement des politiques publiques nationales et les choix stratégiques dans le voisinage continental du Royaume nécessite, en plus de la construction des ports, des bases logistiques ou des points d’appui, une industrie de marine forte et compétitive, afin d’en bénéficier localement et protéger les intérêts extérieurs[3].   

Pour protéger ses intérêts vitaux en régions africaines, le Royaume doit avoir une puissance maritime capable de faire face aux défis de la sécurité maritime concernant la défense des routes maritimes et sécuriser la liberté de navigation. Cette force maritime ne pourrait se réaliser seulement par l’achat des navires de surface. Au contraire à l’instar de l’industrie automobile et de l’aéronautique, le Royaume a les capacités de produire localement des navires militaires de surface, de commerce international et pourquoi pas, des sous-marins, en mesure de veiller sur la libre navigation.  

 Certes, le coût réduit de la main-d’œuvre et sa qualification reconnue, le développement d’universités et d’instituts spécialisés dans la formation navale[4], l’encouragement des compétences existante en ingénierie, du pays et de la diaspora sont des précurseurs pour la construction navale.

 Ensuite, l’industrie de marine est souvent accompagnée d’ateliers de haute technologie pour l’entretien ou la réparation des navires. Parallèlement, la réalisation des infrastructures d’un chantier naval, accordent la proximité et la facilité de l’exécution des objectifs stratégiques du Royaume, de la maitrise des zones opérationnelles clés réduit et le gain dans les délais et les coûts d’entretien des bâtiments de guerre avec une main d’œuvre locale.  

Cette approche, longtemps défendue par les stratèges et les géopoliticiens anglais et américains ne pourraient être différente par rapport la stratégie de marine marocaine. Il y a lieu de se référer à la pensée stratégique d’Alfred Thayer Mahan[5] qui voit dans la puissance maritime une priorité stratégique et qui défend la position géographique comme à l’instar que celle occupée par le Maroc en Afrique du Nord. La large étendue de la zone exclusive économique que possède le Royaume dans les rives méditerranéennes et atlantiques lui confie le contrôle de l’économie régionale en particulier sur la rive atlantique africaine.

Pour le faire le Royaume est appelé à développer en permanence la qualité technologique des équipements et des navires rapides de surface, augmenter les effectifs des équipages et continuer à gagner les délais de projection de force et d’information rapide. Cette décision hautement stratégique doit prendre en considération, l’augmentation du nombre des points d’appui sur la rive atlantique marocaine et dans les zones des pays amis qui n’ont pas assez de flottes militaires, afin de consolider leur puissance maritime.

Cela pourrait renforcer davantage les capacités opérationnelles de la Marine Royale et l’environnement de sécurité global dans la région. D’ailleurs avec ses relations ancestrales avec le continent africain et arabe, la montée de la puissance maritime permettrait, face aux fissures géopolitiques, de lancer des projections rapides, des forces au profit des pays qui pourront créer une alliance ou un partenariat stratégique avec le Royaume. Tous ces avantages potentiels doivent être considérés dans le contexte du respect de la souveraineté des nations de la rive atlantique africaine et des lois et conventions internationales liées au droit maritime international.

La sécurisation du gazoduc Nigeria Maroc doit être préparée à l’avance. Il est toujours fort utile de rappeler qu’à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche verte, célébré le 6 novembre 2023, S.M. le Roi Mohammed VI que Dieu l’assiste a appelé dans son discours à inverser la façade atlantique du pays, à partir du Sahara, et faire de l’Afrique atlantique une nouvelle zone de grande influence sur la politique internationale.

Aussi, pour anticiper, la construction de chantier naval est un outil de stimulation économique qui pourrait créer des emplois, augmenter le niveau des compétences locales et augmenter le taux de la croissance économique. Car, à l’instar des autres industries automobiles et aérospatiales, qui ont connu une grande réussite, le Royaume a tous les outils nécessaires afin de gagner un pari technologique, lui permettant d’exporter ses navires au Moyen-Orient et au continent africain. Par cette industrie le Royaume va surement acquérir sa souveraineté en la matière et dans l’immédiat, par rapport aux industries exportatrices des navires espagnols, italiens et français.

La protection du littoral est un élément décisif de stabilité. Une marine bien équipée pourrait participer à la sécurisation des frontières maritimes face aux appétits des grands navires qui traversent les océans dans la clandestinité afin de voler les richesses des côtes mal surveillées, déstabiliser les territoires, transporter des marchandises interdites et des personnels non autorisés.

En attendant, afin d’encourager le partenariat dans la façade maritime atlantique, le Royaume pourrait organiser le Sommet des forces maritimes africaines (AMFS)[6] à l’instar de la république du Ghana qui l’a organisé pendant trois jours à partir du 30 avril 2024 pour discuter de la coopération maritime en vue de la sauvegarde de la sécurité maritime africaine.  

Infinie, la puissance navale demeure un outil stratégique du Royaume Chérifien, qui a toujours assuré la libre navigation dans ses côtes. Un chantier naval à Dakhla permettra surement au Royaume, d’avoir sa souveraineté en la matière et vendre le surplus aux pays amis de la côte atlantique africaine. Il y a toujours un besoin de renforcer la coopération régionale et internationale, en vue de développer la région, surveiller la façade atlantique, la défendre contre la pêche clandestine, la criminalité transnationale, le terrorisme, l’immigration clandestine, la piraterie et le transit de la drogue dure, qui vient de l’Amérique Latine.  

A titre d’ouverture à ce qui a précédé, il y a lieu de se référer au discours de SM le Roi que Dieu le Glorifie, qui résume cet intérêt comme suit : « Notre souhait est que la façade atlantique devienne un haut lieu de communion humaine, un pôle d’intégration économique, un foyer de rayonnement continental et international. »[7] 


[1] Moulay Ismail a pu récupérer Tanger par l’encerclement des navires militaires anglais et par la diplomatie. Il a d’ailleurs mis de l’ordre en mer Méditerranée et en océan Atlantique. Hassan 1er a continué dans le même sillage que Mohamed Ben Abdellah et une fois le Maroc indépendant, jusqu’à nos jours, le Royaume n’a cessé de donner un intérêt stratégique à la Marine Royale et marchande.

[2] Le voisin algérien a pu renforcer ses capacités maritimes en dépassant celles de certains pays de l’Europe du Sud. Certaines puissances n’attendent que l’occasion pour mettre en pièce cette puissance navale entre les mains d’une oligarchie militaire.

[3] Des fois la Marine Royale sera appelée à escorter des navires commerciaux comme c’est le cas autrefois contre les pirates de Somalie ou aujourd’hui   dans le passage El Mandeb en mer Rouge.

[4] Un chantier naval donne un cadre précieux pour une formation parallèle, offrant une interopérabilité renforcée et un apprentissage partagé entre les marines des pays amis et marocaine ;

[5]  Alfred Thayer MAHAN (1840-1914) est un Vice-amiral américain considéré père de la pensée navale contemporaine et très connu par sa réflexion stratégique basée sur le concept de la « maîtrise des mers », (sea power). Sa vie fut marquée par la Guerre de sécession 1861-1865 aux USA et la première guerre mondiale de 1914-1918. Dans son livre intitulé « la stratégie navale », il défend le fait que « la puissance maritime » est la clef de la puissance globale.  Il est aussi derrière la doctrine stipulant, la montée de la puissance navale et son renforcement. Il a su influencer sur le vote du Congrès américain, pour la construction des cuirassés.                                                                                                               .                                                                                                                                                                             

[6] Le même sommet a été organisé en 2022 au Sénégal et en 2023 au Cap vert. LIRE https://www.koaci.com/index.php/article/2024/05/01/ghana/Soci%C3%A9t%C3%A9/ghana-sommet-des-forces-maritimes-africaines-pour-cooperation-et-defis-transnationaux_177624.html

[7] Pour mieux assimiler l’intérêt porté à cette région géopolitique qui demande une mise à niveau nationale du littoral, en particulier la façade atlantique du Sahara marocain, lire le texte intégral du discours du 06 novembre 2023.