La souveraineté est au cœur des attributs de l’Etat en droit international. L’Etat est en effet traditionnellement défini comme une collectivité qui se compose d’un territoire et d’une population soumise à un pouvoir politique organisé et qui se caractérise par la souveraineté[1]. Ainsi la souveraineté peut se définir comme le pouvoir suprême de l’Etat qui n’a pas d’égal dans l’ordre interne ni de supérieur dans l’ordre international. Selon Jean Bodin, « la souveraineté est le pouvoir de commander et de contraindre sans n’être commandé ni ne contraint par qui que ce soit sur la terre »[2].

La souveraineté caractérise donc un pouvoir politique qui n’est soumis juridiquement à aucun autre pouvoir compétent pour décider à sa place ou donner des ordres.

Principal sujet du droit internathttps://smodin.io/fr/reformuler-automatiquement-le-texte-en-francais-gratuitementional public, l’Etat est le seul sujet du droit international possédant la souveraineté, c’est-à-dire la plénitude des compétences susceptibles d’être dévolues à un sujet de droit international (les organisations internationales n’ayant seulement que des compétences fonctionnelles).

Le principe de la souveraineté étatique est à la base des relations entre les Nations Unies et les Etats dont la Charte rappelle dans son article 2 § 1er : « L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres ». A travers l’égalité souveraine, c’est l’indépendance de l’Etat qui est affirmée.

A la lumière de cette analyse, l’on retient l’importance capitale de la souveraineté de l’Etat dans son existence en tant qu’Etat d’une part et d’autre part dans ses rapports avec les autres Etats et les organisations internationales. Cependant, force est de constater que le règlement de la crise ivoirienne par l’ONU a quelques fois suscité des interrogations quant au respect de la souveraineté de la Côte d’Ivoire.

L’action du Conseil de sécurité de l’ONU porte-elle atteinte à la souveraineté de la Côte d’Ivoire ; a-t-elle ouverte la voie à la remise en cause du domaine réservé au rôle de l’Etat ?

Il convient donc à cet égard de se pencher d’abord sur l’action du Conseil de sécurité sur la souveraineté de la Côte d’ivoire et d’examiner ensuite l’action des actes du Conseil de sécurité sur les acteurs de la crise. Selon le communiqué de presse CS/2429 paru le 14 janvier 2003[3], le Conseil de sécurité consacre 60% de son temps aux affaires africaines. Au titre de l’année 2003, sur 110 séances tenues par le Conseil, près de quatre-vingt concernent l’Afrique et dix, la Côte d’Ivoire. Tout cela démontre combien de fois la situation sécuritaire de l’Afrique est précaire.

A la lumière de ce constat, l’on se rend compte que le Conseil de sécurité, agit dans le sens de l’amélioration de la situation sécuritaire de l’Afrique. Quelle appréciation peut-on faire de ce que, sur cinq continents, le Conseil de sécurité consacre au moins 60% de son temps à l’Afrique ? Cette situation ne révèle-t-elle pas de l’incapacité des Etats africains à maintenir la paix sur le continent ? Comment donc limiter le rôle du Conseil de sécurité dans le domaine du maintien de la paix en Afrique ?

Pour limiter le rôle du Conseil de sécurité en Afrique, il convient de déceler les justifications de la place de l’Afrique dans les activités du Conseil de sécurité. Si le Conseil de sécurité consacre la majeure partie de son temps à l’Afrique, c’est surtout parce qu’il y a trop de conflits armés sur ce continent.

Malgré le nombre élevé de conflits en Afrique, une efficacité des mécanismes de règlement des conflits à travers les accords et organismes régionaux aurait permis de réduire le rôle du Conseil de sécurité en Afrique. Malheureusement, la CEDEAO et l’Union Africaine sont inaptes à réunir les moyens nécessaires pour le maintien de la paix dans les pays qui vivent des conflits. C’est ce qui explique les multiples sollicitations des pays africain aux grandes puissances.

Face à ce manque de moyens des pays africains, la solution à privilégier, c’est celle de la prévention des conflits, car le rétablissement de la paix, après une guerre, coûte très cher (prise en charge des forces d’interposition, reconstruction, etc.). En outre, la gestion de ces crises oblige les Etats qui vivent des conflits armés à abandonner une partie de leur souveraineté.

La prévention des conflits suppose le renforcement de la démocratie, la bonne gouvernance, le respect des droits de l’homme, la justice et l’équité.

La prévention des conflits suppose aussi la dissuasion. Pour réduire les désirs de coup d’Etat, il convient de mettre en place des forces collectives d’intervention rapide pouvant empêcher que les conflits internes naissants prennent des proportions démesurées. L’Union Africaine prévoit à cet effet, de créer une force militaire permanente en vue de restaurer les régimes démocratiques en cas de coup d’Etat[4].

Une des raisons pour laquelle il est important de limiter le rôle du Conseil de sécurité en Afrique est le fait que les opérations de maintien de la paix tendent d’être attentatoires à la souveraineté des pays qui les abritent.


[1] « Le principe de la souveraineté des Etats est à la base du droit international depuis les traités de Westphalie (1648). Un État est défini par trois attributs : un territoire, une population, un gouvernement. Aucun État ne reconnaît d’autorité qui lui soit supérieure, et donc qui ait compétence pour s’ingérer dans ses affaires « intérieures »et pour lui faire justice. Lorsqu’un État reconnaît un autre État, il en accepte normalement le gouvernement tel qu’il est, dès lors que ce gouvernement est effectivement en charge ». Thierry de MONTBRIAL, Interventions internationales, souveraineté des États et démocratie, In: Politique étrangère N°3 – 1998 – 63e année pp 549

[2] Kdhir (M), Dictionnaire Juridique de la Cour Internationale de justice, Bruylant, Bruxelles, 2000, p. 312

[3] Selon le Communiqué de presse CS/2429 précité, « consacrant 60% de son temps aux questions africaines, le Conseil a poursuivi, cette année (2002) encore, sa réflexion sur les moyens d’instaurer la paix et la stabilité sur le continent, qui continue d’être secoué par de nombreux conflits. Partie de la déclaration présidentielle du 25 septembre 1997 sur l’adoption d’une approche globale des conflits africains, la réflexion a notamment donné lieu à la parution, le 16 avril 1998, du document de référence qu’est devenu le rapport du Secrétaire Général sur “les causes des conflits et la promotion d’une paix et d’un développement durables en Afrique”… » . KOUAKOU K. Amos, Le rôle des Nations Unies dans la résolution de la crise ivoirienne, CNDJ Abidjan, 2006, pp 127

[4] Il convient ici de saluer l’idée de création, par l’Union Africaine, d’une force africaine permanente qui pourrait rétablir l’intégrité territoriale des Etats agressés ou les gouvernements légitimes renversés par la force. Pourvu que ce projet ne reste pas un vœu pieux, faute de moyens financiers, ou ne soit pas vicié, dans sa mise en œuvre, par l’omnipotence d’un autre conseil de sécurité dominé par les puissances militaires africaines. KOUAKOU K. Amos, Le rôle des Nations Unies dans la résolution de la crise ivoirienne, CNDJ Abidjan, 2006, pp 163.