La nouvelle année 2023 n’a rien changé dans la géopolitique internationale. Les conflits gelés n’ont pas été maitrisés et les guerres intestines en Afrique particulièrement en RD Congo, en Somalie, Ethiopie… témoignent d’un désintérêt. Au Moyen-Orient l’instabilité est toujours d’actualité. La situation en Iran, en Irak, en Syrie, au Yémen et en Palestine est volatile. La Serbie et le Kosovo n’attendent que la mèche pour enflammer de nouveau la région. Mais, seul le conflit ukrainien continue de prendre de l’importance sur le reste des évènements dans le monde. Pourtant, il y a d’autres coins et problèmes, qui méritent plus d’attention sans compter, l’alerte permanente face au Covid19, les fléaux terroristes, les changements climatiques, le stress hydrique, les inondations, la famine, la montée de l’inflation et la faible croissance économique mondiale[1].

 L’Ukraine en réalité, ne fait que cacher le changement en cours, de l’équilibre mondial et le déclin du pôle occidental, spécialement le vieux continent. On ne fait que retarder un autre sommet de Yalta pour reconnaitre les puissances émergentes dans l’échiquier international. En attendant après les sanctions de 2014[2] contre la Russie de nouveau le rouleau compresseur tourne pour isoler la Russie en créant une autre panoplie de sanctions.

   La continuité des trains de sanctions

En se considérant garante de certaines de ses valeurs primordiales l’UE choisie en général des sanctions à l’égard des Etats réfractaires, lorsque les motifs sont liés au terrorisme, aux activités de menaces de prolifération nucléaire, aux violations des droits de l’homme, à l’annexion d’un territoire étranger, les activités visant à déstabiliser un Etat et les cyberattaques. Dans le cas de la Russie fédérale, les sanctions diplomatiques n’ont concerné que certains fonctionnaires des ambassades russes en Europe, jugés « persona non grata » ou la non invitation à des sommets et la Russie a fait de même avec certains Etats de l’Union.

Dans ce sillage de conflit ouvert entre la Russie et la majorité des pays de l’UE, les sanctions touchent particulièrement les embargos sur les armes, pourtant souvent l’Iran et la Corée du Nord sont les Etats les plus cités en ce qui concerne la violation de ce volet. De même, suite à l’opération spéciale russe en Ukraine, plusieurs entreprises russes avec leurs propriétaires figurent sur la liste noire[3] .Ils sont interdits sur les territoires européens, leurs avoirs sont gelés et leurs biens sont interdits d’importation ou d’exportation. Même beaucoup de services sont concernés par ces mesures de restriction. Ce type de sanctions n’est pas loin à comparer avec la résolution 1267/1999 appliquée contre les Talibans, afin de les isoler de la communauté internationale.

Des mesures répressives sans impact.

Les sanctions infligées à la Russie n’ont pas eu des grandes répercussions dans son économie. La Turquie, les républiques de l’Asie centrale, la Chine, l’Inde et d’autres pays, continuent de constituer les plaques tournantes du commerce import-export de la Russie. Les camions transportant les besoins en biens de consommations ne s’arrêtent pas de soutenir l’effort de guerre russe. Les recettes de la Russie ne dépendent plus de ses ventes de pétrole et de gaz en Europe, bien que la Bulgarie et la Hongrie à titre exceptionnel continuent d’importer les énergies russes. La Chine, l’Inde et la Turquie, qui sont de proximité, absorbent assez des exportations des énergies russes.

Dans cette guerre économique entre les deux antagonistes visibles, il parait clair que la diplomatie de dédollarisation[4] choisie par la Russie après l’annexion de la Crimée en 2014, apporte des fruits à l’Ourse blanc et ses alliés. Malgré les sanctions visant à affaiblir sa capacité à faire la guerre, le Rouble est de plus en plus reconnu et stable sur les marchés internationaux. Même, l’inflation a été ramenée à quelque 03% et le FMI estime que la croissance en Russie est plus positive par rapport à l’UE[5]. Au départ, la Russie, la Chine, l’Iran[6] et d’autres puissances qui ont choisi de faire les échanges commerciaux entre eux avec leur monnaie nationale, ont acheté le maximum d’or pour en constituer des réserves.

En fait, plusieurs Etats du Sud, y compris les pays membres de l’Organisation de la coopération de Shanghai et les membres du BRICS participent activement aux échanges économiques avec la Russie fédérale et cela sous-entend qu’ils fournissent l’effort de guerre. Face à cette étroite coopération asiatique, critiquée par l’Occident, les Etats européens déclarent qu’ils ne sont pas en guerre contre la Russie, mais continuent de fournir les matériels majeurs et toute la logistique nécessaire à l’Ukraine !  

Alors que l’Europe et ses alliés croyaient, à travers les mesures restrictives isoler ou porter préjudice à l’économie russe, c’est le contraire qui se concrétise. Dans le prolongement des sanctions économiques liées à l’affaire de l’Ukraine la décision de l’UE concernant le pétrole russe, qui doit plafonner le prix du baril à 60 dollars, a été contournée. La Russie, en acceptant les monnaies nationales, sans passer par le Dollar ou l’Euro, exporte aisément son pétrole brut en grande quantité, à d’autres pays asiatiques, qui se chargent de le revendre sur le marché international.  

En consultant l’histoire lointaine de la Russie, on remarque que sa position en Eurasie, lui a toujours permis d’avoir plusieurs issues de sorties et de tourner le dos, et chercher la direction de là où elle pouvait trouver ses intérêts vitaux. Avant de cibler les sanctions, il a fallu comprendre la réelle géopolitique de la Russie qui demeure le centre capital de l’Eurasie.

Pour le renforcement de la panoplie de sanctions, l’UE vient de voter une résolution et non une recommandation, visant la constitution d’une cour pénale destinée à juger les crimes de guerres commis par les autorités russes. Mais est-ce que les alliés de la Russie et le reste de la communauté internationale sont en mesure d’accepter cette décision ?


[1]Selon le dernier rapport des Nations Unies, « un ralentissement de la croissance de la production mondiale, qui devrait passer d’un taux estimé à 03% en 2022 à 1,9% en 2023. » lire bulletin quotidien de l’ONU du 25 janvier 2023, sur   news.un.org/Fr.

[2] Les sanctions de l’UE contre la Russie liées à la situation en Ukraine (depuis 2014) concernent une panoplie de mesures restrictives à l’encontre de la Russie et des sanctions individuelles, des sanctions économiques et des mesures diplomatiques qui touchent ses ambassades au sein de l’UE et des restrictions sur les visas.

[3] Il s’agit de 1386 personnes et 171 entités qui sont concernés par le gel des avoirs et/ou d’une interdiction d’entrer sur le territoire de l’UE. Selon l’organisation européenne, les personnes punies ou les entités ciblées, ont compromis l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. Les sanctions ont été appliquées pour la première fois en mars 2014 et ont été prorogées en dernier lieu jusqu’à, l’année 2023.Dans la liste sont concernés par les sanctions Vladimir Poutine et les hautes autorités des pouvoirs exécutif et législatif de la Russie fédérale. Les banques et plusieurs entreprises civiles et militaires sont sanctionnées.

[4] La diplomatie de dédollarisation est un indicateur que j’ai créé lors de mon cours de diplomatie parlementaire à la faculté de droit de l’université Mohamed V de Rabat. Cette diplomatie a la particularité de faire face à la diplomatie du dollar en donnant le feu vert à certaines monnaies nationales pour payer les factures sans avoir à passer par le dollar. Même l’Euro est menacé par la dédollarisation. Ceci nous ramène à déduire qu’on pourrait entendre au lieu du pétrodollar dans la relation d’échange Chine-Arabie Saoudite le pétro yuan. Car le Royaume d’Arabie a accepté une autre devise que le dollar. De même pour les autres échanges entre partenaires du BRICS avec leurs monnaies nationales. Dans cette optique même le Brésil et l’Argentine prévoient de changer les jeux monétaires en Amérique du Sud en créant dans le futur proche une monnaie commune appelée le « Sur ».

[5] Pour plus de précisions, lire le dernier rapport du FMI qui prévoit en 2024, une croissance en Russie de 2,1%, aux Etats Unis 1% et au sein de l’UE 1,6 %.

[6] L’UE a également adopté des sanctions contre l’Iran en réponse à son implication dans la livraison de drones iraniens utilisés contre l’Ukraine.