Mansour BELKHEIRI,
Docteur d’Etat en fiscalité internationale,
Professeur universitaire, Médiateur agréé CME de la CFCIM
Le 23 novembre 2017, à l’issue de la 45e
session du Conseil des Ministres de l’OHADA (Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) qui s’est tenue à Conakry en Guinée, était adopté un acte
uniforme relatif à la médiation (AUM) avant d’entrer en vigueur le 15 mars 2018
Organisation internationale instituée le 17 octobre 1993 par le traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, l’OHADA a pour mission l’instauration d’un espace de sécurité juridique et judiciaire intégré entre les dix-sept États membres d’Afrique. L’objectif escompté étant la généralisation d’un espace économique pour l’attraction des investissements, la création d’un nouveau pôle de développement et la promotion des modes alternatifs de règlement des différends
La conduite de la médiation La médiation commerciale rejoint le corpus juridique du droit de l’OHADA. Elle constitue le dixième texte de droit uniforme adopté par cette institution qui vient pallier le vide législatif qui existait dans la plupart des États membres tout en ajoutant une possibilité de règlement des conflits autre que l’arbitrage. L’acte uniforme relatif à la médiation (AUM) n’est applicable qu’aux procédures de médiation. Il tient lieu de loi dans les États Parties de l’OHADA. Il ne s’applique pas aux cas dans lesquels un juge ou un arbitre, pendant une instance judiciaire ou arbitrale, tente de faciliter un règlement amiable directement avec les parties. Investir dans l’espace OHADA nécessite des études préalables pour prendre au moins connaissance du climat des affaires, les actes uniformes existant pour minimiser au maximum les risques de tout bord. Champ d’application et encadrement Inspiré de la loi type de la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International sur la Conciliation Commerciale Internationale), l’acte uniforme relatif à la médiation, composé de dix-sept (17) articles, adopte une définition large de la médiation, à savoir: « Tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige, d’un rapport conflictuel ou d’un désaccord découlant d’un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des États ». Le champ matériel de la médiation s’inscrit ainsi a priori dans le domaine du droit des affaires encadré par des actes uniformes, tels que le droit des entreprises en difficulté, le droit commercial général. Il ne porte nullement sur des domaines du droit non harmonisés dans l’OHADA comme le droit de la famille ou encore le droit du patrimoine. En ce qui concerne le champ personnel, il est couvert par la définition même de la médiation, qui permet à des personnes physiques ou morales, privées ou publiques, d’y recourir. La médiation est un processus consensuel qui nécessite la participation des parties concernées. Une médiation ne devrait donc pas être préconisée quand l’une des parties ne démontre pas d’intérêt pour parvenir à un accord, ou n’a pas les moyens de supporter le coût de la médiation, ou encore est tout simplement de mauvaise foi. L’article 7 de l’AUM encadre la conduite de la médiation. Il consacre le principe de liberté conventionnelle des parties. Ce processus, contrairement à l’arbitrage, et a fortiori à la justice étatique, se caractérise par son absence quasi totale de formalisme ainsi que par la flexibilité quant au respect strict du principe du contradictoire, qui reste la pierre angulaire de toute procédure judiciaire ou arbitrale.
Le choix et désignation du médiateur En vertu de l’article 5 de l’AUM, les parties se mettent d’accord pour le choix du médiateur. Elles peuvent également demander l’assistance de toute personne physique ou morale, notamment une institution appelée « autorité de désignation », en vue de désigner le médiateur. L’autorité de désignation prend en compte, le cas échéant, le fait qu’il peut être souhaitable de nommer une personne de nationalité différente de celle des parties, notamment lorsque les parties sont elles-mêmes de nationalité différente. Lors de sa désignation, le médiateur confirme, dans une déclaration écrite, son indépendance et son impartialité, ainsi que sa disponibilité pour assurer la procédure de médiation (AUM, art. 6). Il y a aussi la possibilité de nommer plusieurs médiateurs par référence implicite à la co-médiation au cours de laquelle chacune des parties désigne un médiateur. Une telle situation peut notamment se présenter lors des litiges opposant des entités privées à des entités publiques ou dans le cadre de litiges de grande envergure. En outre, les parties peuvent directement ou par référence à un règlement de médiation décider de la façon dont la procédure doit être conduite. Mais si les parties sont restées silencieuses sur le sujet, le médiateur mènera la procédure à sa convenance. Mission du médiateur Contrairement au juge ou à l’arbitre, le médiateur n’a aucun pouvoir décisionnel, il accompagne les parties dans la résolution de leurs litiges sans les trancher. Il fluidifie la communication et contribue à l’aboutissement d’un accord entre les parties sachant qu’il n’a qu’une obligation de moyens mais jamais de résultat. La mission du médiateur est bien encadrée par l’AUM 7 alinéa 3, soit : «Dans tous les cas, le médiateur accomplit sa mission avec diligence et accorde, dans la conduite de la médiation, un traitement équitable aux parties et, ce faisant, prend en compte les circonstances de l’affaire. Le médiateur n’impose pas aux parties une solution au différend. Toutefois, il peut, à tout stade de la médiation, en fonction des demandes des parties et des techniques qu’il estime les plus appropriées au vu des circonstances du différend, faire des propositions en vue du règlement du différend. Après consultation des parties, le médiateur peut inviter celles-ci à désigner un expert en vue de recueillir un avis technique ». Le médiateur est libre de rencontrer séparément les parties, pour mieux comprendre et appréhender leurs véritables intérêts. Cette pratique a l’avantage de favoriser les échanges informels dans un climat de confiance et de transparence. La pérennisation des relations : Le droit OHADA permet au juge ou au tribunal arbitral, en accord avec les parties, de suspendre la procédure pour un délai déterminé, et de les renvoyer à la médiation. L’accord écrit issu de la médiation fait la part entre les intérêts raisonnés respectifs des parties et la préservation des relations. Il ne tranche pas entre un « gagnant » et un « perdant ». Son exécution est soumise à deux exigences au choix des parties : • L’authentification des signatures de l’accord de médiation déposé au rang des minutes d’un notaire. La preuve et la force exécutoire de l’acte étant alors renforcées. • L’homologation ou exequatur de la juridiction compétente : le juge statue par ordonnance. Il ne peut modifier les termes de l’accord issu de la médiation. La décision du juge n’est susceptible d’aucun recours. La partie qui refuse l’homologation ou l’exequatur ne peut faire l’objet que d’un pourvoi devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) d’OHADA. Bien entendu, l’homologation ou l’exequatur peut être refusé si l’accord de médiation est contraire à l’ordre public. Cette hypothèse est en pratique rare. Le médiateur veille en effet à ce que les parties ne s’engagent pas dans une voie illicite. La problématique, sinon la fragilité, du recours à la médiation, et même de sa survie, se manifeste, par ailleurs par la faculté reconnue à l’une des parties à la médiation d’y mettre fin unilatéralement, pour ne pas dire discretionnerement
L’accord écrit issu de la médiation fait la part entre les intérêts raisonnés respectifs des parties et la préservation des relations. Il ne tranche pas entre un « gagnant » et un « perdant ».
Zakaria HANAFI
Related posts
Catégories
- Economie (36)
- Editorial (22)
- Géopolitique (41)
- Histoire (23)
- interview (14)
- Non classé (4)
- Relations internationales (34)
- Strategie (36)
Rencontrer l'éditeur
HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.