Article écrit par YOUSSEF CHAAT

Depuis son retour à la tête des États-Unis, Donald Trump a relancé avec une vigueur inédite sa croisade économique contre la Chine, érigeant les droits de douane et les sanctions en armes de prédilection dans un conflit qui dépasse largement les frontières du commerce. 

Cette stratégie, aussi audacieuse que controversée, s’inscrit dans une volonté affirmée de redonner aux USA  leur suprématie économique tout en défiant un rival perçu comme une menace existentielle. Mais derrière les déclarations tonitruantes et les promesses de grandeur, les répercussions de cette guerre commerciale se font déjà sentir, non seulement aux États-Unis et en Chine, mais à l’échelle planétaire. Car , chacun des Etats du monde a eu sa dose des barrières douanières imposées par le locataire de la Maison blanche.

Une croisade aux fronts multiples

Donald Trump n’a jamais caché son aversion pour le déséquilibre commercial qui caractérise les relations sino-américaines. En 2024, le déficit commercial des États-Unis par rapport à la Chine s’élevait à 295,401 milliards de dollars, un chiffre qui, pour le président américain, symbolise une forme d’humiliation nationale. Dès le début de son second mandat, il a multiplié les annonces fracassantes : les droits de douane sur les produits chinois, se sont élevés à 25 % début mars 2025. L’objectif affiché est clair : rendre les importations chinoises si coûteuses qu’elles perdent leur compétitivité sur le marché américain, forçant ainsi Pékin à plier.

Mais cette guerre ne se limite pas à une simple bataille tarifaire. Trump a élargi son arsenal en ciblant des secteurs stratégiques. Les importations d’acier et d’aluminium chinois, par exemple, font l’objet de taxes massives, une mesure qui frappe de plein fouet le premier producteur mondial d’acier. Plus récemment, il a proposé de taxer lourdement les porte-conteneurs et navires fabriqués en Chine, une décision qui pourrait bouleverser les chaînes logistiques mondiales. À cela s’ajoute une offensive indirecte, comme la menace, formulée ce lundi sur Truth Social (le réseau social de Trump), d’imposer des droits de douane de 25 % aux pays achetant du pétrole vénézuélien. Une mesure qui vise en réalité la Chine, principal client de Caracas avec 40 % de ses exportations pétrolières en février dernier.

Au-delà des chiffres, le président américain accuse Pékin de faciliter le trafic de fentanyl, une drogue responsable de dizaines de milliers d’overdoses annuelles aux États-Unis, et entend utiliser les droits de douane comme levier pour contraindre la Chine à agir. Cette approche punitive, qui lie commerce et sécurité nationale, illustre une vision où les tarifs deviennent des outils de chantage autant que de protectionnisme.

 Les États-Unis en zone rouge ?

Si Trump considère cette guerre comme une promesse de prospérité pour l’Amérique, les économistes, eux, sonnent l’alarme. Le Wall Street Journal n’a pas mâché ses mots en qualifiant cette politique de « guerre commerciale la plus stupide de l’histoire », un jugement partagé par une large majorité d’experts. Les droits de douane, bien qu’ils rapportent des recettes à l’État américain, risquent de se retourner contre les consommateurs et les entreprises du pays.

Les entreprises américaines ne sont pas épargnées. Rares sont les industriels qui peuvent se passer de composants étrangers. Ford, par exemple, importe aujourd’hui près de 50 % de ses pièces d’Asie. Avec des droits de douane alourdis, ses coûts de production grimperont, sapant sa compétitivité face aux constructeurs chinois ou européens. La bourse, baromètre de ces tensions, a déjà réagi : la volatilité des marchés atteint des niveaux inédits depuis plus d’un an, signe d’une nervosité croissante parmi les investisseurs.

Le monde riposte

Face à cette offensive, Pékin ne reste pas inactif. Le 4 avril 2025, la Chine a imposé des taxes de 34 % sur tous les produits américains, en plus de restrictions sur les exportations de terres rares, tout en déposant une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais sa stratégie ne s’arrête pas là. Si les États-Unis ferment leur marché, la Chine pourrait inonder d’autres régions, comme l’Union européenne, de produits à prix cassés, menaçant les industries locales. Ce scénario, redouté par Bruxelles, transformerait l’UE en bouc émissaire d’un conflit qu’elle n’a pas initié.

Les partenaires des États-Unis ripostent également. Le Canada a imposé des taxes de 25 % sur 20,6 milliards de dollars de biens américains le 13 mars 2025, tandis que l’UE prépare des contre-mesures sur 28 milliards de dollars d’importations américaines à partir de mi-avril, infligés vers les produits issus des États républicains, bastions électoraux du président. Cette escalade pourrait précipiter une guerre commerciale compliquée, où chaque acteur chercherait à protéger ses intérêts au détriment des autres.

À plus long terme, l’isolement économique se tisse dans le ciel des États-Unis. Si le protectionnisme américain pousse les autres nations à multiplier les accords de libre-échange entre elles, la part du pays dans le commerce mondial risque de s’éroder. Avec elle, l’hégémonie du dollar, pilier de la puissance américaine, pourrait vaciller, reléguant les États-Unis au rang de puissance régionale plutôt que mondiale.

Donald Trump, mène sa guerre économique contre la Chine comme un pari sur l’avenir, où la victoire dépendra de sa capacité à transformer les pressions tarifaires en concessions majeures de Pékin, tout en limitant les dégâts collatéraux chez lui. Mais les contradictions de sa politique – entre soutien affiché à Taïwan et menaces de taxer ses semi-conducteurs, par exemple – brouillent les cartes et alimentent les doutes sur sa cohérence stratégique.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC), dépassée par l’ampleur de la crise, appelle à la désescalade, mais ses exhortations peinent à résonner face à un président américain qui joue gros. Pendant ce temps, le monde des deux côtés du Pacifique et au-delà, observe avec anxiété l’évolution d’une économie mondiale remise à l’épreuve.

 The Wall Street Journal, Europe Targets $28 Billion of U.S. Products in Tariff Retaliation, https://www.wsj.com/livecoverage/cpi-report-today-inflation-stock-market-03-12-2025/card/european-union-targets-28-billion-of-u-s-products-in-tariff-retaliation-WlvNU1AqMloT0LtfMJcn