Écrit par Mahfoud Bahbouhi (ancien diplomate)

En tant qu’une vielle nation, et une des plus anciennes monarchies dans le monde, le Royaume du Maroc a connu, durant sa longue marche, différentes périodes d’expansionnismeet d’isolationnisme, des phases de prospérité et d’autres de décadence. Il a vécu des siècles d’extension de sa sphère d’influence dans son voisinage nord-africain, sahélien, ouest-africain et aussi dans la péninsule ibérique. Il a survécu à des phases d’invasions extérieures et d’isolement imposé. Ceci a alternativement reflété la puissance et la grandeur des dynasties régnantes ou la faiblesse de leur pouvoir central qui par périodes s’était cantonné dans l’une ou l’autre des villes impériales.
Au vu de l’acheminement des faits historiques de sa construction en tant qu’État-Nation, leRoyaume du Maroc a connu une succession de dynasties, plus au moins fortes depuis la première dynastie sous Moulay Idriss 1er, en l’an 788, et le règne de sultans dont certains ont marqué à jamais l’identité et l’imaginaire du peuple marocain. Certains sultans ont même été si conquérants et puissants, comme Youssef Ibn Tachefine, El Mansour Dahbi ou Moulay Ismail, qu’ils ont pu régner sur de lointaines contrées, allant de l’Andalousie au Nord, au fleuve Sénégal au Sud et jusqu’à l’actuelle Libye à l’Est.
Ce pays, qui a survécu à tous les aléas de son histoire, est actuellement considéré, avec le Japon, comme les deux plus vielles monarchies au Monde. Le règne de l’actuelle dynastie remonte à l’année 1630. C’est dire combien le Maroc est un royaume ancestral.
L’histoire du pays est ainsi faite. Elle n’a jamais été un long fleuve tranquille. Pour ne citer que la période sous le règne de l’actuelle dynastie alaouite, une phase d’apogée de la puissance de ses sultans a été atteinte entre le 17ème et le 19ème siècle. Par la suite, la dure réalité et les conséquences de sa partition par les puissances coloniales européennes au début du 20ème siècle, du fait de la conférence d’Algésiras en 1906, sont encore tous proches de nous, même si le Royaume a pu, malgré tout, sauvegarder son système monarchique, sa structure étatique et son identité socio-culturelle sous le protectorat.
La période pré-protectorat au Maroc et la perte de territoires
En 1880, il n’existait alors qu’un seul État dans cette vaste région : l’Empire chérifien marocain. Mais il est bon de rappeler que le Maroc, contrairement à ses voisins, existait bien avant la colonisation. Aucun territoire ne portait le nom de Sahara occidental, de Mauritanie ou de Mali. Actuellement indépendants, ces pays ont été créés sur des terres autrefois marocaines.
Il faut rappeler que le 27 juin 1900, avec la signature du traité de Paris entre la France et l’Espagne, des frontières nouvelles furent tracées sur la base d’intérêts coloniaux. Et le Maroc perdit plus de 80 % de son territoire historique, dont la partie appelée le Sahara occidental, non pas par une guerre, mais par une décision du pouvoir colonial français, qui occupait déjà l’Algérie.
Ce n’est que beaucoup plus tard le territoire appelé ‘’le Sahara oriental’’, a été attribué à l’Algérie française en 1952, alors que le Maroc était sous le protectorat français, c’est-à-dire juste 4 ans avant l’indépendance de dernier.
De ce fait, les archives nous enseignent que les appellations « Mauritanie », « Sahara occidental », « Sahara oriental », ou encore « Mali » ont été imposées par la France, alors que ces deux pays n’existaient tout simplement pas avant la proclamation de leurs indépendances, Mali (ex-Soudan français, 22 septembre 1960) et Mauritanie (28 novembre 1960). L’histoire moderne de la Mauritanie actuelle commence avec la définition et la délimitation officielle des frontières du pays en1904 par les deux puissances coloniales : la France et l’Espagne.
Généralement, les archives non-marocaines évoquent très peu l’histoire de ces territoires d’avant la deuxième moitié du 19ème siècle, c’est-à-dire avant l’occupation française, et n’accordent que peu d’importance et de crédibilité à l’histoire de la présence et l’influence des Sultans du Maroc qui recevaient l’allégeance de chefs de tribus et des marabouts des territoires allant jusqu’au fleuve Sénégal.
Malgré le fait que le Maroc a commencé à s’isoler de l’extérieur au 19ème, les correspondances et les preuves historiques de l’existence d’expéditions marocaines vers ces territoires existent, particulièrement dans leurs efforts pour s’assurer de la reconnaissance de leur légitimité et pour prêcher la guerre sainte des contingents marocains contre les Français dans ces contrées.
Cependant, avec l’avancée de l’armée française, le Mali et la Mauritanie ont été intégrés, entre 1895 et 1958, à l’Afrique occidentale française (AOF), sous la forme d’un gouvernement général regroupant au sein d’une même entité fédérale qui a réuni à terme six autres colonies françaises : le Sénégal, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Niger, la Haute Volta (actuel Burkina Faso), et le Dahomey (actuel Bénin).
Les frontières héritées du colonialisme
Plusieurs pays, en Afrique du Nord et au Sahel, comme ailleurs, sont nés d’un principe juridique imposé depuis les indépendances : celui de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Cette règle constitue le socle sur lequel repose l’ordre territorial en Afrique à ce jour, ce qui empêche la reconnaissance de la souveraineté de jure du Maroc sur le Sahara occidental particulièrement au sein de l’ONU.
A l’évidence, cette souveraineté est de plus en plus reconnue par de plus en plus de pays, dont particulièrement par les deux anciennes puissances coloniales du Maroc et de toute la région, l’Espagne et la France. D’où la crainte de certains pays de la région et de certains milieux sur la scène internationale, de voir cette même reconnaissance de la marocanité du Sahara ouvrir le champ à de nouvelles revendications territoriales marocaines sur des territoires spoliés de la même façon que le Sahara occidental et pour les mêmes raisons.
Ceci reviendrait également à remettre en cause ce principe fondateur de l’intangibilité des frontières en Afrique et ailleurs. L’enjeu n’est donc pas seulement politique, il est aussi juridique, historique et identitaire.
La colonisation du Maroc en 1912 était ainsi très particulière car son territoire a été réparti en plusieurs zones, même en présence de la structure du pouvoir traditionnel représenté par le Sultan et ses représentants : la zone du protectorat français au milieu du pays, les zones du protectorat espagnol au nord et au sud (le Sahara espagnol ou l’actuel Sahara marocain), et enfin la ville de Tanger, qui était une zone internationale. D’où le processus du recouvrement de l’indépendance par étapes, par la lutte et la résistance et ensuite par les négociations.
Il faut se rendre à l’évidence que la période qui nous sépare actuellement de la date de l’indépendance de la grande partie du territoire marocain, en 1956 de la France et de l’Espagne, n’est pas si lointaine et pèse peu au vu de la longue histoire du pays.
En plus, le processus de la récupération de la souveraineté fut long et pénible. Il a pris des années durant lesquelles les territoires restés sous contrôle espagnol ont été rétrocédés par étapes et par la négociation : Tarfaya en 1958, Sidi Ifni en 1969 et enfin les provinces sahariennes suite à la Marche Verte et conformément à l’accord de Madrid (1975).
Et ce n’est pas un secret que de souligner que le Maroc n’a jamais manqué de demander le retour à la mère patrie des deux présides de Sebta et Mellilia restant encore sous le contrôle de l’Espagne, sur la façade méditerranéenne, même si l’approche n’est pas celle de la confrontation avec l’Espagne.
Les lecteurs avertis et les experts en relations internationales savent très bien que le long processus de récupération du Sahara dit espagnol, et plus tard appelé Sahara occidental, n’a pas commencé en 1975, à la date de la Marche Verte, ni même en 1973 avec la création du mouvement séparatiste pro communiste, par la Libye de Mouammar Kaddafi et l’Algérie de Houari Boumediene.
Le Maroc avait, longtemps plus tôt, demandé l’enregistrement de cette question au Nations Unies en 1963, alors qu’il était parmi les 38 pays co-auteurs de la Résolution 1654 de l’Assemblée Générale, portant création du Comité Spécial, en 1961, avant l’indépendance de l’Algérie en 1962 et sans aucune autre qu’aucune revendication sur la libération du Sahara, à l’exception des demandes légitimes formulées alors par le Maroc.
Après l’indépendance du Maroc, le Royaume appelait même à l’annexion de la Mauritanie, encore sous colonisation française, dans un discours de Feu le Roi Mohammed V, le 25 février 1958, à M’Hamid El Ghizlane. Un discours qui évoquait clairement la subordination du pays de Chenguit, une revendication adoptée également par le parti de l’Istiqlal. Nous savons maintenant que la France a octroyé l’indépendance à la Mauritanie en 1960, mais que le Maroc la reconnu en 1969.
Il reste que les archives marocaines et françaises prouvent que le Maroc possédait encore, après son indépendance en 1956, des territoires occupés par la France dans le sud-est du Royaume que la France lui avait confisqués et annexés à l’Algérie française en 1903, communément appelés le Sahara oriental.
Le Maroc indépendant n’a pas ignoré cette question et a exprimé sa demande de récupérer ses terres, une affaire que la guerre d’indépendance algérienne a empêchée, et sa reprise a donc été reportée jusqu’à l’indépendance de l’Algérie. Feu le Roi Mohammed V n’a pas accepté l’offre du Président français Charles De Gaule de négocier le retour des territoires du Sahara oriental en contrepartie du refus d’héberger et soutenir la résistance algérienne dans sa lutte pour l’indépendance.
Le Maroc croyait – en toute bonne foi – qu’il allait trouver dans l’Algérie indépendante une compréhension complète à cet égard. Il a soutenu sa révolution contre le colonialisme français en ouvrant ses frontières aux résistants algériens et en fournissant le soutien matériel et moral aux immigrés algériens, estimant que son indépendance ne serait pas complète sans l’indépendance de l’Algérie. Mais l’Algérie indépendante s’est révélée plus tard ingrate et a ignoré les revendications territoriales du Maroc, ne respectant pas les engagements de ses leaders, du gouvernement provisoire en exil, concernant les zones frontalières en question, et s’accrochant unilatéralement à ce qu’elle appelle « les frontières héritées du colonialisme ».
Les frontières authentiques du Royaume
Rares sont les citoyens marocains ou des observateurs qui se posent la question pourquoi la Constitution du Maroc mentionne ‘’les frontières authentiques’’ du Royaume ?
En effet, son article 42 détaille les prérogatives du Chef de l’État stipule que Le Roi « est le Garant de l’indépendance du pays et de l’intégrité territoriale du Royaume dans ses frontières authentiques. » Si certains étrangers sont offusqués de cette expression, en voyant dans cette précision une attitude rétrograde, archaïque, et expansionniste, d’autres ne la comprennent peut-être même pas ou feignent de l’ignorer.
Pour la majorité du peuple marocain, la question ne se posent pas, en réalité. Mais il y en a ceux qui attendent pour savoir si, un jour, ils seront appelés à se mobiliser pour une nouvelle épopée telle que celle de la Marche Verte, dans un élan de nationalisme, pour revendiquer les territoires appelés le Sahara Orientale ou encore les villes de Sebta et Mellilia.
Cette appréhension n’est, à ce jour, évoquée que par certains internautes marocains sur les réseaux sociaux, qui focalisent leurs débats pseudo-politiques ou leurs interventions sur l’évolution des relations maroco-algériennes. On peut y rencontrer parfois même, ici et là, des revendications d’historiens qui soutiennent avec force, arguments et documents historiques à l’appui, la marocanité des régions de Tindouf, Bachar …etc., qui font actuellement partie de l’Algérie. Il suffit de suivre, même de loin, les live et les échanges entre internautesmarocains, algériens et d’autres pays arabes, sur la question.
Les frontières problématiques entre le Maroc et l’Algérie
Ceci revient à ne pas connaître la réalité, que ces frontières maroco-algériennes ont fait l’objet d’une convention signée à Rabat en 1972, ratifiée par la République algérienne en 1973 puis par le Royaume en 1992, et enregistrée auprès du Secrétariat de l’ONU, en 2002.
Hélas, la question se pose sur le respect de cette convention et sa mise en application sur le terrain, notamment en ce qui concerne les objectifs de la coopération et du co-développementdes territoires limitrophes et l’exploitation mutuelle de leurs ressources naturelles, exprimés dans ce document.
Il est désolant de savoir que les frontières entre les deux pays sont unilatéralement fermées par les autorités algériennes depuis 1994, et que le régime algérien a purement et simplement coupé tous les liens et relations diplomatiques et économiques avec le Maroc depuis 2021.
Cependant, il reste que ces dirigeants, qui gouvernent l’Algérie depuis son indépendance en 1962, sont convaincus que le Royaume est un pays qui rêve de retrouver son statut d’empire d’antan, et partant qu’il ne manquerait pas d’affirmer des visées expansionnistes.
En majorité ayant vécu la période post-indépendance, ces dirigeants se rappellent et évoquent, à chaque occasion ou même sans occasion, la guerre des sables entre les deux armées marocaine et algérienne en 1963. Et beaucoup de jeunes des deux pays ont découvert des épisodes et des fragments de l’histoire de cette guerre par le biais des réseaux sociaux et des discours officiels des dirigeants algériens.
Ces dirigeants politiques et militaires appréhendent, de ce fait, que le Maroc reviendrait à la charge pour revendiquer, un jour, les territoires rattachés par le Gouvernement français à l’Algérie, autrefois un département d’outre-mer français. Selon l’historien français Henry Marchat, l’oasis de Tindouf n’a été définitivement contrôlée par l’armée française qu’en avril 1934, à la suite des opérations de pacification de l’Anti-Atlas marocain. (1)
Ce n’est pas pour rien que l’écrivain franco-algérien Boualam Sansal est emprisonné en Algérie, depuis le 16 novembre 2024, et condamné pour avoir déclaré dans une interview que ‘’les territoires de l’ouest algérien étaient simplement marocains jusqu’à la pénétrationcoloniale française’’. Sa déclaration lui a valu d’être poursuivi en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien, qui considère « comme acte terroriste ou subversif tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions ».
En plus, l’arrestation de cet écrivain n’a fait qu’aggraver les tensions entre Paris et Alger qui s’étaient auparavant détériorées suite à la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara depuis Juillet 2024.
C’est dire la gravité de la question des frontières pour le régime militaire algérien, viscéralement attaché au principe des frontières héritées du colonialisme, alors que le Royaume du Maroc est, et restera, dans sa diplomatie, un pays respectueux de ses engagements, des accords signés et du droit international, en plus du bon voisinage.
L’attitude algérienne est exposée, comme toujours dans tous les discours des dirigeants algériens, particulièrement le Président Abdelmajid Tebboune et son vice-ministre de la défense et Chef de l’État de l’armée, et dans les médias qui sont systématiquement contrôlés par le régime. A titre d’exemple, le journal Al Moujahid n’a pas trouvé mieux pour intituler un article anti-Maroc, du 06 mars 2023, que d’écrire : ‘’Visées expansionnistes du Maroc : Le jeu dangereux du Makhzen’’.
L’auteur de l’article d’Al Moujahid affirme sans hésitation que : ‘’ les visées du Makhzen sont allées au-delà de l’espace maghrébin pour atteindre le continent africain, libéré du joug colonial grâce aux sacrifices de ses enfants. Une attitude impulsive perceptible dans la mentalité du législateur marocain, voire dans la Constitution marocaine qui, fait inédit dans le monde, énonce dans son chapitre 42 «les frontières authentiques», un concept qui témoigne des visées expansionnistes et de l’attitude hostile du Maroc envers ses voisins.’’
Il y est précisé que :« Pis encore, le régime marocain est désormais une véritable menace et un danger pour tous ses voisins ».
Ce journal est ainsi allé trop vite en besogne. Il aurait dû attendre surtout la reconnaissance de la marocanité du Sahara par l’Espagne en 2023 et la France en 2024, les deux ex-puissances coloniales du Maroc, pour se rendre à l’évidence de la réalité historique.
Cette réalité historique est on ne peut plus claire et explicitée dans les écrits d’historiens de renom, surtout français, qui ont travaillé sur les détails et le processus de la pénétration des forces coloniales françaises au Maroc à partir de l’Algérie française, surtout en ce qui concerne les régions frontalières entre les deux pays.
Point de vue d’historien français
L’historien et diplomate français Henri Marchat (né en 1893, décédé en 1991) explique que les forces militaires française avaient recouru à l’aide d’un ancien général turc, en raison de ses connaissances sur les limites des territoires remis par l’empire ottoman à la France en 1930. L’écrivain déclare :
‘’Du côté des confins algéro-marocains, un seul traité, celui du 18 mars 1945, (…), assorti par la suite de plusieurs protocoles d’application (…). Il définit d’abord une frontière sur une longueur d’environ 150 kilomètres, jusqu’au Teniet el Sassi, qui marquait pour le vieux général turc la limite du monde habité. Aussi décide-t-il que, dans le Sahara, il n’y a pas de limite territoriale à établir, puisque la terre ne se laboure pas, qu’elle sert seulement de paçage aux tribus dépendant des deux empires : chaque souverain exercera donc, de la manière qu’il entend, la plénitude de ses droits sur ses sujets dans le Sahara.’’ (2) Les deux empires n’étaient à cette époque-là, à l’évidence, que celui chérifien du Maroc et l’empire ottoman.
Il poursuit :
‘’Mais l’Histoire nous apprend que les frontières géographiques ou si l’on veut, naturelles, sont constamment le jouet des ambitions humaines, et ne constituent un frein, ni aux migrations, ni aux ambitions des peuples. En pays d’Islam, elles n’ont d’ailleurs, pas le caractère, ou l’importance que nous leur attachons d’ordinaire. Du temps qu’il négociait à Madrid le futur traité franco-espagnol de 1904, Jules Cambon a même écrit, un jour, dans une dépêche, que son expérience des affaires arabes l’avait amené à penser qu’elles n’en avaient aucune aux yeux des indigènes, qui ne se préoccupent que de leurs terrains de parcours. C’est d’autant plus vrai pour la frontière saharienne du Maroc qu’elle n’a jamais été fixée sur le papier ni sur le terrain. Nous savons, par les travaux des historiens tels que E.F. Gautier, Terrasse et La Chapelle qu’elle a été franchie, bien des fois, et dans les deux sens, durant les « siècles obscurs de Moghreb ».’’ (3)
Ce que certains analystes, historiens et médias, tout comme des gouvernements, ne veulent pas prendre en considération, c’est que les Sultans du Maroc n’ont jamais cessé d’exprimer ses revendications territoriales, de conquérir ou de reconquérir, depuis le 17ème siècle, des territoires entre l’Empire Chérifien, d’une part, et la Régence turque en Algérie et l’Algérie Française, d’autre part.
Une histoire d’ouverture, de repli, et de liens d’allégeance
En fait, il faut reconnaître que jusqu’à l’implantation en Afrique des armées coloniales européennes, surtout françaises, vers la fin du 18ème siècle, ils n’existaient aucune frontière tracée. Les frontières étaient en réalité naturelles et géographiques ou bien imposées parl’influence religieuse, la présence militaire, la présence d’un représentant mandatés d’un pouvoir même lointain, …etc., d’un centre de pouvoir sur des contrées lointaines où résident et se déplacent des tribus plus ou moins nomades.
L’histoire des frontières du Maroc est ainsi faite d’ouverture et de repli, en fonction de la puissance du pouvoir central de la dynastie régnante et de l’élan de son influence religieuse, de l’importance de ses caravanes commerçantes, de son armée, et de la force de ses liens avec les populations des tribus locales.
Mais ce qu’il faut retenir, et que beaucoup de gens feignent d’ignorer, c’est que le Maroc est le seul pays en Afrique ou dans le monde arabo-musulman où le lien entre les Sultans et les notables et chefs de tribus qui leur prêtent allégeance, est traditionnellement basé sur un acte appelé la ‘’Bayaa’’, formellement acté dans un document écrit et signé lors de l’accession d’un roi au trône. Il peut être renouvelé dans différentes circonstances. C’est encore le cas de nos jours.
Et c’est évidement sur cette base que les revendications marocaines, avant et après l’indépendance en 1956, ne se fondent pas seulement sur les arguments du droit international et la pratique occidentale concernant le respect des frontières légalement établies par des traités. Elles s’appuient sur toute une série d’arguments historiques, géographiques et surtout sociaux et religieux. Les traités concernaient, généralement, au cours de l’histoire du pays, lesaspects de la paix et la fin d’hostilité, le commerce et les échanges, ainsi que la navigation. (4)
C’est pour cette raison que la Cour Internationale de Justice, dans son avis consultatif de 1975 sur la question du Sahara, a reconnu qu’il a toujours existé des liens d’allégeance entre les Sultans du Maroc et les tribus de ces territoires, qu’elle a considéré qu’ils n’étaient pas ‘’terra nullus’’. Ce qui revient à confirmer qu’ils n’étaient pas une terre sans un pouvoir exercé sur une population. Et les témoignages documentés et en personne ne manquent pas dans ce sens.
Références :
(1) p.647 du papier de Marchat Henri intitulé ‘’La frontière saharienne du Maroc’’, dans la revue ‘’Politique étrangère’’, n°6 – 1957, pp. 637-657;
(2) p.649 du papier de Marchat Henri
(3) p. 640 du papier de Marchat Henri
(4) Michel Catala, papier ‘’La reprise en compte par le Maroc indépendant des anciennes revendications territoriales’’, dans l’ouvrage intitulé ‘’le Pouvoirs anciens, pouvoirs modernes de l’Afrique d’aujourd’hui’’, Presses Universitaires de Rennes, 2015 , p. 137-150
Zakaria HANAFI
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.