Israël longtemps exemple de pays maitrisant la sécurité sous toutes ses formes a été prise au dépourvue le 7 octobre 2023. La leçon de la surprise stratégique d’octobre 1973, engendrée suite à la contre-offensive arabe a été facilement oubliée. Pourtant, à l’époque les arabes se préparaient presque ouvertement à cette action de grande envergure. Cette fois-ci une poignée d’hommes ont su s’organiser dans un espace carrément surveillé, résister avec le peu de moyens qu’ils possèdent et humilier plusieurs semaines, une grande armée suréquipée et classée 18ème dans le monde.
Tous les observateurs militaires, croyaient qu’Israël allait mettre fin rapidement aux combattants du Hamas en quelques jours. Au contraire le conflit a duré puis s’est transformé ont une nouvelle forme de guerre d’usure où les combattants isolés , arrivent à s’approcher de quelques mètres pour poser des mines magnétiques, détruire des auto chars de différentes catégories, avec des lances roquettes (RPG) et neutraliser les combattants israéliens.
Certainement, la guerre de Gaza sera surement un sujet d’étude des stratèges militaires et des analystes avisées. Les écoles des hautes études de stratégie et de défense feraient de cette guerre un cas particulier d’étude. Car, elle met en doute les facteurs d’analyse des puissances militaires. On va souvent se demander comment des combattants piétons, sans équipement sophistiqué, arrivent à détruire des unités mécanisées et blindées d’une armée redoutable, possédant l’une des meilleurs moyens de couverture et d’appui aérien, une panoplie inégalée en moyens d’observations, de renseignements et d’écoutes diverses. A cela on ajoute le grand soutien en matériels majeurs offert par certains pays occidentaux, qui déclarent faire la guerre contre le terrorisme. .
En effet, le personnel de Hamas a profité des années de trêve pour ne pas se limiter à la résiliation et pleurer son sort. Il parait fort probable, que les éléments armés du mouvement sont des professionnels, ont suivi des entrainements de haut niveau à l’instar des forces spéciales ou des commandos. A voir sur les écrans télévisés, leurs silhouettes de près en tenue de combat, on constate très bien que les hommes sont sveltes, robustes et ayant acquis une discipline comme celle des militaires de carrière.
La croyance à la cause développée de grands-pères à petits-fils, depuis plusieurs décennies, n’a pas arrêté la motivation des combattants du Hamas. Lors les enterrements, même les enfants de bas âge assistent, pour les motiver et leur rappeler ce que le Tsahal a fait à leurs familles. Malgré les bombardements massifs, la contre-attaque terrestre israélienne et le massacre des populations civiles, les combattants du Hamas sont restés plus résilients et ont choisi le martyre en appelant au Jihad. Car, ils voient que leurs familles sont associées à cette chasse à l’homme.
De l’autre côté, les combattants israéliens ont une partie importante qui est constituée de la réserve . Cette n’est pas entièrement convaincue des décisions prises par le pouvoir ultranationaliste et extrémiste. Malgré que les cadres de l’armée soient constitués de la classe dite blanche venue des pays du nord, il en demeure qu’elle ne forme pas une cohésion avec le gouvernement et avec les subordonnés constitués de religieux ou des Séfarades et même des falashas. Certains de l’armée et des autres forces croient toujours à la version socialiste qui veut la paix avec les palestiniens. Parmi les réservistes venus de l’étranger ou de l’intérieur du pays, certains veulent reprendre leurs activités habituelles.
Concernant la préparation opérationnelle quelque chose ne colle pas. Cela suppose que les combattants du Hamas aient subi des formations au sein des centres d’instruction spécialisés dans la préparation opérationnelle des élites. Aussi, ils ont un haut niveau d’instruction qui leur permet de manœuvrer en petites équipes et en tous-terrains. Il est aussi remarqué qu’il n’est pas possible que les combattants du Hamas aient reçus la formation de spécialisé dans un territoire de 25 kilomètres. Longtemps encerclé, surveillé et n’offrant aucun espace dédié à ce type d’activités, Gaza ne pourrait être le terrain de manœuvre idéal. On retient aussi que certains tirs de roquettes ou de mitrailleuses ont généralement besoin de l’espace. Car il est difficile de les dissimuler ou ne pas les entendre même à longue distance.
Les souterrains et les tunnels développés par les combattants du Hamas, restent une énigme, qui nous renvoie souvent vers la guerre d’Indochine. Mais, il est clair que les tunnels développés par le mouvement sont plus profonds, performants et moins exposés aux bombardements de l’aviation. Donc il est fort possible que lors des voyages bien organisés à l’étranger, la majorité des combattants d’élites, a bénéficié d’une rude préparation opérationnelle. On ne s’approche pas facilement, de quelques mètres d’un char et on ne rate pas sa cible, si vraiment on n’est pas préparé pendant plusieurs semaines.
Ainsi, la stratégie israélienne à l’Occidentale, n’a pas été adaptée au terrain . Le Tsahal n’a pas réagi comme il le fallait. Les deux axes ouverts au nord et au centre de Gaza, depuis les trois premières semaines, pour isoler le Nord du Sud de Gaza et encercler les combattants du Hamas comme a fait le Général américain Douglas Mac Arthur en Corée[1], n’a pas donné les résultats attendus. Car c’est le Tsahal qui s’est trouvé piégé par groupes de combattants isolés, qui sortaient des abris , des tunnels et de nul part .
En fin lorsque qu’on parle d’économie de moyens, comparés aux armées modernes, qui utilisent des moyens anti-char plus développées en technologie et en portées, les combattants du Hamas ont su percer le double blindage des chars israéliens avec des lances roquettes avec munitions bien choisies , contre les chars israéliens. Les tireurs d’élites utilisent des mitrailleuses chinoises peux connues, mais plus efficaces. Jusqu’à nos jours et après plus de trois mois de conflit, les combattants de Hamas n’ont pas arrêté d’harceler les villes israéliennes avec des tirs de roquettes longue distance.
La guerre a trop duré et l’économie israélienne est en déclin. Depuis plus de trois mois, d’autres acteurs sont concernés par le conflit et alourdissent le fardeau financier de l’Etat hébreu. Les combattants du Hezbollah attaquent le Nord d’Israël avec des missiles antichars et des roquettes d’artillerie. Par leur action, ils ont ouvert un autre front et une autre souci logistique en Israël . Les populations israéliennes ont vidé les localités harcelées et l’Etat finance leur hébergement. le Tsahal a été contraint renforcer ses moyens humains et matériels face au Liban. Les attaques de l’aviation israélienne à Gaza et au Sud Liban, demandent aussi des soutiens financiers et ne pourraient arrêter la volonté des maquis chiites.
Associés à la cause palestinienne, les combattants Houthis, bien installés dans les monts Nord-Ouest du Yémen, se sont consacrés à l’attaque des navires de commerce, passant par la mer Rouge, particulièrement ceux destinés à assurer les échanges commerciaux de l’Etat hébreu ou à lui fournir l’effort de guerre. En plus de ces attaques contre la marine commerciale, les Houthis ont choisi d’utiliser les drones et les missiles balistiques. Ils ont violé la résolution 1540 du Conseil de sécurité, qui interdit la possession d’armes de destruction massives par un groupe armé. Ces rebelles yéménites bien endoctrinés et entrainés, à l’instar du Hezbollah et d’autres groupes armés chiites en Syrie et en Irak, font la guerre par délégation, sous les ordres de la Garde Révolutionnaire de la république islamique iranienne.
En fait, si l’argent continue de constituer « le nerf de la guerre », Israël est en train de vivre l’une des plus grandes crises économiques. Tout le soutien financier vient de l’extérieur. Les donateurs sont soit des riches personnes juives soit des pays amis en particulier de l’Occident. Plusieurs activités économiques sont en baisse et l’Etat hébreu a augmenté le nombre des ouvriers importés de l’étranger.
Le Hamas a créé une nouvelle page, sans précédent dans la pensée stratégique concernant la guerre entre faible et fort, petit et grand, sous-équipé et suréquipé. Ce nouveau conflit va donner l’espoir et la force morale à d’autres mouvements militaires pour essayer de faire de même. Les éléments clefs de la stratégie de Hamas reposent sur la qualité de ses combattants, l’adaptation avec leur propre terrain et l’économie des moyens.
Après les différentes demandes de cessez-le-feu par la communauté internationale et l’ONU, c’est au tour de la Cour Internationale de justice, de statuer sur les motifs de crime de guerre et contre l’humanité. Si le verdict est en faveur de Gaza , l’affaire pourrait être transmise à la Cour Pénale Internationale afin de poursuivre pénalement les responsables de cette guerre .
Les civils de Gaza, sont pris en étau entre bombardements israéliens et maquis du Hamas. N’ayant pas autre choix, ils sont obligés de s’attacher à leur territoire pour ne pas les perdre comme ce qui est arrivé à leurs parents et grands-pères en 1948, 1956 et 1967.La majorité des palestiniens qui sont réfugiés dans les pays voisins continuent de vivre la marginalisation et rêver de retrouver un jour leur pays d’origine.
[1] IL s’agit de la bataille d’Incheon où les troupes ont débarqué dans les arrières de l’armée populaire de la Corée du Nord qui a subie de lourdes pertes et a été contrainte à se replier vers le Nord.
Zakaria HANAFI
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.