Depuis que les conflits existent, le monde a connu, plusieurs types de moyens indirects pour aboutir aux objectifs stratégiques tracés par les Etats. Pendant l’antiquité, la stratégie choisie par les armées des anciens empires était souvent soutenue, en plus des citadins, par des esclaves, des indigènes et des mercenaires, afin de conquérir d’autres espaces territoriaux.
Du IXX -ème siècle à nos jours les guerres ont beaucoup évolué. Il n’y a pas longtemps lors du premier et du second conflit mondial les puissances coloniales s’appuyaient sur les territoires, considérés indigènes, pour renforcer les effectifs de leurs personnels militaires. Les deux guerres ont été marquées par la bravoure des unités constituées par les indigènes et par le nombre de mort de ces combattants étrangers. On faisait ainsi appel aux militaires appartenant aux pays colonisés[1]pour calmer les insurrections.
Dans le passé, on a constaté qu’à côté des coalitions organisées au nom de la législation internationale qui violent, à raison ou à tort le Droit International Pénal (DIP), on assista soudainement, à l’exportation des révolutions communistes par les armes pendant la guerre froide. Nul ne peut ignorer le rôle joué, en Amérique Latine, en général et à Cuba en particulier, par la figure emblématique historique révolutionnaire Ernesto Che Guevara, dans l’exportation de révolutions de la guerre contre le capitalisme, par délégation.

En Afrique comme dans la majorité des pays, les sociétés locales à caractère paramilitaire privées sont essentiellement désarmées et limitées surtout au gardiennage des installations et des points névralgiques hautement sensibles. Par contre celle que nous considérons dans la présente étude pourrait être engagée directement dans :
- Des actions militaires de combat à faible intensité ;
- La participation à la formation des jeunes recrues ;
- L’accomplissement des missions de renseignements[2] ;
- Le soutien logistique à l’effort de guerre ;
- Sans citer les opérations des sociétés militaires privées et des combattants étrangers qui méritent un autre article.
La présente étude est une introduction à la nouvelle stratégie de « privatisation » de la guerre. Les « BLACKWATER » et le « WAGNER » serviront des cas concrets d’étude dans le domaine de la sous-traitance militaire les plus connues en la matière : Il s’agit de sociétés liées par des contrats signés avec les recrues et non pas du mercenariat ou du volontarisme.
Néanmoins, à l’instar du groupe WAGNER, le « BLACKWATER » a été cité dans des affaires de violences contre les populations civiles et aussi dans des crimes de guerre[3]. D’autres puissances ont choisi de financer des groupes armés locaux ou d’importer des combattants. C’est le cas des combattants étrangers en Irak, en Syrie, Libye et autres zones de conflit.
LE « BLACKWATER » ALLIE DE LA DEFENSE AMERICAINE
Le « BLACKWATER » a été fondé en 1997, par l’ultraconservateur, Erik Prince[4] qui est un ancien élément des forces spéciales de la marine américaine.


Après la chute du bloc Est, l’engagement dans des conflits par « délégation » est devenu un moyen stratégique très important pour les Américains. Au départ, c’est les attentats du 11Septembre 2001 qui ont donné la chance à la société pour devenir plus grande et plus importante. C’est le président George W. Bush, qui a encouragé ladite société pour devenir ce qu’elle est plus tard. Il a été soutenu aussi par le secrétaire à la Défense Dick Cheney[5], devenu vice-président des EUA. Par la suite, lors de la guerre du Golfe, le « « BLACKWATER[6] » est devenu la plus grande société militaire privée du monde. Elle est rétablie au début des années quatre-vingt-dix sur un terrain de plus de 24 km s à Moyock, en Caroline du Nord.
Son effectif en personnel a dépassé les vingt milles. Ce qui fait de cette entreprise une armée de « contractors », à part avec des grands moyens qui peuvent lui servir même à renverser des régimes. Elle a été engagée en Afghanistan et en Irak pour se substituer à certaines tâches de l’armée régulière, diminuer leurs dépenses financières et limiter les pertes humaines selon le principe « zéro mort ».
Malgré les intentions déclarées plusieurs fois par l’administration américaine de réduire la dépendance de l’armée américaine envers les sociétés militaires privées. Jusqu’à présent ces sociétés sont toujours présentes au niveau interne et dans plusieurs zones de conflit. D’ailleurs, suite à la fusillade survenue à Bagdad, dans laquelle dix-sept civils irakiens ont été tués et une vingtaine d’autres blessés, le 2 octobre 2007 le patron de « BLACKWATER » Erik Prince, a été auditionné par le Congrès américain, en vue de donner la vraie version des faits.
LE GROUPE WAGNER NOUVEAU OUTIL STRATEGIQUE RUSSE
Devenu un moyen de projection de puissance et de guerre par délégation, le groupe Wagner est devenu de plus en plus présent dans les zones de conflit.


Dans cette intervention sera abordé un rappel historique sur le groupe WAGNER[7], et son évolution.
En effet, appartenant à Evgueni Prigojine[8] proche du président russe et dirigé par le Lieutenant-colonel Dmitry Utkin[9] et le Colonel Konstantin Pikalov, le groupe « Wagner » est le résultat des militaires de l’ex-URSS devenus chômeurs, suite à la chute du régime. S’agissant d’un groupe paramilitaire privé, la plupart des recherches font allusion à son apparition dans les champs d’opération à partir de l’année 2014 sur le territoire du Donbass considéré sécessionniste de l’Etat ukrainien.
En tant que société militaire privée, les recrues choisies parmi les anciens militaires, en signant un contrat de 10 ans avec le groupe, sont isolées au maximum, tenues dans le secret par la confidentialité et interdites de tous moyens de communications. Déclaré, par les autorités russes, non officielle, cette société privée a soutenu les forces séparatistes des Républiques populaires, non reconnues par la communauté internationale et qui se sont autoproclamées dans le Donetsk et le Lougansk. D’ailleurs, ses combattants sont toujours présents sur le terrain et ont constitué un élément précurseur et de garantie pour les forces russes, lors de leurs opérations spéciales au Donbass.
Après avoir soutenu et formé les séparatistes des provinces ukrainiennes, le groupe Wagner, a fait de même avec les forces armées syriennes[10] et l’armée nationale libyenne qui partage le territoire avec le gouvernement reconnu par la communauté internationale. En Syrie, ce groupe a réussi son pari contre les groupes terroristes et les mouvements militaires financées par l’Occident et la Turquie pour éradiquer le régime en place[11].
En Occident, particulièrement les Américains qui ne veulent pas de modification de frontières en Ukraine et les français voyant , leurs anciennes colonies menacées, la société militaire armée jusqu’aux dents et entrainée comme des professionnels, est considérée un bras non déclaré du ministère de la défense russe. Les analystes se basent sur le fait que les responsables sont en relation avec le président russe, ils s’entrainent dans des anciennes infrastructures russes et la majorité des exécutants sont russes. On pourrait aussi relever qu’ils interviennent souvent dans des pays où la Russie veut sauver ses intérêts géopolitiques.
En définitive, les deux sociétés militaires, qualifiées d’auxiliaires ou faisant la sous-traitance des forces, ont vu leur jour non loin du Pentagone et du Kremlin. Donc elles ont été créées afin de diminuer les charges du budget militaire et le nombre des morts parmi les populations. Le BLACKWATER a recruté des anciens militaires latino-américains et le WRAGNER des anciens militaires de l’Eurasie. Ils demeurent toutes les deux des sociétés qui constituent un outil stratégique de projection de force et de protection des intérêts des deux pays. Partout dans le monde, les soldats de la paix engagés dans un cadre onusien et les soldats privés sont souvent cités dans des crimes et des atteintes aux droits humains.
En attendant la prolifération de l’intelligence artificielle dans les champs de bataille, la stratégie militaire de plusieurs Etats avancés a opté pour la privatisation des conflits. D’ailleurs en finançant certains groupes considérés auparavant terroristes qui appartiennent à des listes noires, doit-on qualifier ces pays contributeurs de moyens, d’Etats terroristes ?
[1]A titre d’exemple : La stratégie française consistait à tourner les populations colonisées, l’une contre l’autre :les Marocains ont participé avec les français contre les insurrections d’Indochine et les Sénégalais pour mettre fin aux résistants marocains.
[2] Au sein de « BLACKWATER », il existe une entité chargée du renseignement appelée « Total Intelligence Solutions » supervisée par des anciens de la CIA.
[3] Avant de quitter la maison blanche le président Donald TRUMP a arrêté le 22 décembre 2021, les poursuites contre quatre de ses membres, qui ont été condamnés à la prison à perpétuité et à des peines de 30 ans de réclusion pour avoir tué 14 civils irakiens.
[4]Erik Prince, né le 6 juin 1969 à Holland (Michigan), est un ancien membre des SEAL, les forces spéciales de l’US Navy, connu pour avoir fondé la plus grande société militaire privée du monde, Academi (anciennement Blackwater Worldwide), en 1997. Il en est le PDG jusqu’en 2009 et siége à la présidence du conseil d’administration jusqu’à ce que Academi soit vendue à un groupe d’investisseurs en 2010. Prince vit actuellement aux Émirats arabes unis. proche du président Donald TRUMP, il est connu comme étant un chrétien fondamentaliste qui est contre la foi musulmane.
[5]Dick Cheney a été secrétaire à la défense de Bush père entre 1989 et 1993.
[6] « BLACKWATER » a aussi participé au niveau interne à la protection des biens des habitants de La Nouvelle-Orléans après le passage de Katrina, à la campagne anti-drogue » et à la sécurisation de la frontière mexicaine.
[7] L’origine du nom de la société militaire libre se réfère au compositeur allemand Richard Wagner.
[8] Evgueni Prigojine, milliardaire très proche du pouvoir qui possède entre autres, des entreprises de restauration. Il est lui aussi frappé par les sanctions de 2016, contre la Russie suite à l’annexion de la Crimée.
[9] UTKIN a été lieutenant-colonel, qui a assuré jusqu’à une date récente (avant 2014) le commandement de brigade d’une force spéciale de l’armée russe.
[10] Le groupe WAGNER dirigeait en parallèle deux sociétés sécuritaires appelées les « SNIPERS DE DAECH » et « SANAD (APPUI) » pour les services de sécurité.
[11]En Syrie, il s’agit des groupes terroristes : L’Etat islamique au levant, le Front Al-Noussrat, Tahrir al-Sham et des mouvements militaires suivants : Armée syrienne libre, Coalition des patriotes pour le changement.
En Libye le groupe a fait face à l’armée libyenne sous contrôle du gouvernement reconnu, et des groupes considérés terroristes : Ansar al-Sunna et Noussrat al-Islam. Tous deux déplacés, en partie, de la Syrie pour aider le gouvernement en place.La Turquie est suspectée par l’Occident de les soutenir.
Zakaria HANAFI
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HANAFI ZAKARIA Docteur en relations internationales, conférencier et expert en géopolitique et sécurité de défense.