En se référant au « smart power »[1] comme concept de puissance, les alliés occidentaux n’ont jusqu’à présent pas réussi à coordonner les différents éléments constitutifs de leur force. Au départ, des retards dans les décisions, des hésitations dans la participation de l’effort de guerre et même des résistances. Les quelques quarante Etats ou cinquante, derrière les Etats Unis n’ont plus beaucoup de choses à donner et doivent faire face à leurs populations qui ne sont pas tous convaincus, perdent le pouvoir d’achat et vivent une inflation galopante.

Dans leur stratégie de neutralisation de l’Ourse blanc, ils ont opté pour tous les types de sanctions possibles, ont soutenu l’Ukraine avec le maximum de moyens logistiques dont ils disposent et ont même participé à une guerre hybride sans précédent. Leur but final est de pousser la Russie, comme auparavant face aux dictatures de la deuxième guerre mondiale, à récapituler ou au moins renoncer à son opération militaire spéciale.  

Une guerre hybride équilibrée entre antagonistes

La Russie a préparé largement sa population à la guerre de désinformation et a prévu des alliances régionales et internationales, a influencé sur beaucoup des pays du Sud et a pris ses mesures pour ne pas manquer de moyens logistiques. Au Sahel, alors que la Russie s’installe, les populations demandent le départ de la France. Les militaires russes et leurs familles ont été financièrement bien motivés. Les moyens de consommation ne manquent pas sur les marchés. Les entreprises occidentales qui fournissaient marchandises et services ont été remplacées par d’autres soit locales, soit chinoises. Les provinces annexées ont eu des attentions particulières en matière de moralisation des populations, en améliorant leur bien-être.

 Par les interventions ciblées du chef du Kremlin, les observateurs occidentaux doivent retenir, qu’il n’est pas seul à défendre les causes nationales du pays. Car, tous les russes y compris leur « deept state »[2] sont convaincus que la Crimée annexée en 2014 et les territoires russophiles pris en 2O22, leur appartiennent. Ces dispositions ont mis en confiance toute la force vive du pays. Le fait de renoncer à cette logique est considéré par la majorité, une traitrise.   

 A leur tour les occidentaux véhiculent dans leurs actualités, ce qu’ils veulent à la majorité de leurs populations. Ils continuent de dénigrer le système politique russe. Mais, les pays du Sud qui ont perdu confiance dans les valeurs démocratiques occidentales ne croient plus à ce que racontent leurs médias. Désormais, bien qu’avancée dans la cyberdéfense et ayant déjà testé son propre réseau internet indépendant de Google, la Russie n’a pas intensifié ses recherches en matière d’intelligence artificielle, qui touche particulièrement au volet de la fabrication des drones d’attaque et d’observation du niveau stratégique. 

Ses importations des systèmes d’armes ou des munitions de la Chine, de la Corée du Nord et de l’Iran ne pourraient pas lui procurer plus de souveraineté et de puissance, si jamais les drones des Etats Unis d’Amérique entrent en action. Sinon l’acquisition d’avions de chasses [3]performants souhaités par l’Ukraine pourraient donner plus de libertés aux forces terrestres dans le théâtre des opérations.  

Jusqu’à présent, à part quelques réussites en profondeur, les drones turcs ne constituent pas une grande menace pour l’armée russe et de même ceux de l’Iran n’ont pas le même niveau technologique que celui d’Israël ou des américains. Des deux côtés du front on arrive à détruire des drones de fabrication turque et iranienne. Aussi, les ukrainiens ont appris à se débrouiller en armant des petits drones tactiques destinés pour l’observation. Mais ce n’est pas suffisant. 

 Le retour des tanks  

Le recours à l’usage des chars, longtemps abandonné par les puissances occidentales, particulièrement européennes, est de retour. L’opération Barbarossa[4] est encore d’actualité. Mais cette fois-ci ce n’est pas les allemands qui sont derrière avec les mêmes effectifs ou la même ampleur des moyens majeurs. Les allemands participent avec le don logistique, en particulier leurs chars. Ce sont les ukrainiens et leurs affiliés composés de volontaires, qui désirent percer les positions russes.  

La Russie a connu sa dernière guerre réelle de chars, face aux panzers de l’Allemagne nazie pendant la deuxième guerre mondiale. Malgré la technologie allemande, durant le plus grand combat de chars de l’histoire, appelé bataille de Koursk[5], l’armée rouge a enregistré une victoire stratégique en reprenant les régions conquises par la Wehrmacht. Pour éviter les erreurs de Napoléon Bonaparte et d’Adolf Hitler, les alliées et l’Ukraine amassent leurs forces au printemps. Mais, ils ont oublié que ce report de saison, pourrait donner à l’armée russe l’avantage de mieux se préparer.

Dans ce projet de conflit, ce n’est pas les centaines de chars qu’on est en train de rassembler pour le printemps ou l’été 2023, qui va anéantir les chars russes. La Russie a le plus grand nombre de chars dans le monde soit des milliers[6]. La majorité des armées occidentales n’ont plus de de chars en nombres suffisants[7] et ont même fermé les fabriques de chars[8]. D’ailleurs ce sont les autres pays du sud ayant des problèmes frontaliers ou les puissances montantes, qui ont gardé les chars dans leurs doctrines de combat.

  Les tanks reçus en renforcement par les forces ukrainiennes, ne sont pas suffisants en nombre, ne sont pas tous adaptables au terrain et efficaces tel que le stipule les campagnes d’information occidentale. Ces Blindés ne peuvent manœuvrer seuls. Ils ont besoin d’un fort parapluie aérien, d’une puissance de systèmes anti-aérienne et d’une importante couverture de l’infanterie et d’accompagnement de systèmes antichars.  

Jusqu’à présent, les exécutifs de la Pologne, de la Hollande et de la France se déclarent prêts à fournir les avions. Les Etats Unis d’Amérique n’ont pas donné une réponse claire. Mais en parallèle, ils envisagent de livrer à l’Ukraine des missiles longue portée[9].Cependant, la préparation des aviateurs demanderait plusieurs délais que les pilotes de chars et ne seront pas prêts à participer aux combats. Une contre-offensive mal préparée et sous-équipée, pourrait être à l’origine d’un nouveau cimetière de chars.

Les russes ont aussi leurs chars qui ont l’avantage d’être moins encombrants que ceux des alliés. D’ailleurs ils n’ont jamais arrêté les recherches et ils ont produit un nouveau et puissant char le T14 Armata, de dernière génération. Les Russes ont aussi dévoilé le développement d’un robot marqueur , autonome pendant trois jours, capable de tirer des missiles antichars .C’est un bijou technologique . La portée et l’efficacité de leurs missiles antichars est importante. La Chine n’a pas arrêté la production et la recherche en la matière et pourrait leur fournir le fleuron de leur technologie .A-t-on aussi oublié que la Russie a toujours été forte dans tout ce qui est missile et fusé ?  

Aussi l’aviation russe de 4°et 5° génération pourrait devenir maître des cieux et appuyer sans difficultés la manœuvre des forces terrestres. Sans oublier la pluie de missiles qui pourraient être tirés par l’artillerie terrestre et maritime. Les missiles patriotes américains et les autres systèmes de défense anti-aériens restent insuffisants par rapport aux moyens aériens, qui pourraient être engagés. Sinon, inefficaces en cas d’usage des missiles hypersoniques qui pourraient détruire les bases aériennes et logistiques.  

Le constat est là. Les budgets colossaux, en centaines de milliards d’Euros , que viennent d’approuver l’Allemagne, la France et les autres Etats européens, viennent en retard et dans une époque de crise financière : « Qui veut la paix prépare la guerre » et les russes par leurs menaces insistent sur le fait qu’ils n’ont pas jusqu’à présent engagé leur vrai potentiel militaire. Là il faut se demander, à part la puissance hypersonique, que cachent les forces de défense russes ?

 Une guerre d’usure pourrait perdurer

Officiellement, le discours russe continue de minimiser la campagne et dire qu’il s’agit juste d’une opération militaire spéciale. En prenant en compte cette interprétation, la forme de la guerre engagée est normalement limitée dans l’espace et dans le temps. Elle prend les modes utilisés dans la guerre d’usure, sans toutefois devenir une guerre totale.

En analysant les actions des forces russes, on relève qu’à travers leur méthode, au départ ils sont arrivés aux compagnes avoisinantes de la capitale Kiev, ils ont aussi enveloppé plusieurs régions et mené une guerre psychologique contre le système politique et les populations, afin de détruire les dispositifs militaires ou toute tentative de résistance.  

 Croyant qu’ils allaient réussir avec la même stratégie appliquée lors de l’opération effectuée sur la Crimée, ils n’ont pas pu atteindre leurs objectifs. Car, la résistance s’est constituée et les alliés ont répondu à l’appel de l’Ukraine. Alors, ils ont choisi de prendre le recul et se sont trouvés inclus avec leur ennemi dans la guerre d’usure. Les deux antagonistes s’harcèlent mutuellement avec de l’artillerie lourde, des missiles longue portée, des drones d’attaques et des tentatives d’infiltrations dans les dispositifs respectifs.

 Chacun des deux antagonistes essaie de détruire les infrastructures de l’autre. Mais réellement, c’est les ukrainiens qui ont perdu le plus. Car beaucoup de localités ont été vidées, privée d’électricité et d’eau potable. Sans compter les dommages collatéraux, ceci pourrait démoraliser encore plus les populations civiles et même les militaires qui sont loin de leurs familles. Les réfugiés sont de plus en plus nombreux et les populations européennes sont touchées dans leurs poches. Par ailleurs, on attend que le climat soit plus clément pour organiser la contre-offensive espérée par l’Ukraine et ses alliées.

En somme habitués, dans leur stratégie et leur projection de forces, à réaliser une victoire totale, via une concentration maximum des matériels majeurs face à leur ennemi, les américains sont à leur tour tombés dans le piège de la guerre d’usure. Nul ne leur garantira la victoire en Ukraine. Leur stratégie habituelle de recherche de la victoire décisive, a porté ses fruits en Irak, mais pas au Vietnam et en Afghanistan. En évitant toute confrontation directe avec l’armée russe les Etats Unis d’Amérique ont choisi encore une fois un intermédiaire ukrainien et des volontaires pour faire la guerre par délégation. Mais la Russie n’est pas seule aussi dans ce conflit. La Chine et d’autres puissances régionales n’ont pas intérêt à voir la Russie écrasée. Sinon, ils savent très bien que ça sera leur tour.

Par contre, vue l’étendue du territoire, l’éloignement et par indisponibilité de la logistique dans les théâtres lointains, les Russes ne sont pas habitués aux projections de forces à l’américaine. Pendant plusieurs siècles leurs guerres ont eu lieu en Eurasie et leur ennemi juré était le Royaume de Suède avec qui, ils ont battu le record de conflits frontaliers en Europe. En matière d’offensive, à l’exception de la Tsarine Catherine la Grande qui a dépassé la mer noire, en annexant la Crimée à son empire et frappé aux portes des Ottomans en mer méditerranéenne, ou l’invasion russe en Italie en 1799, sinon en France en 1812, puis la participation militaire russe à la campagne multinationale de Chine en 1903, la stratégie russe repose sur la défensive. Les Russes sont dans leur terrain et ont l’initiative opérationnelle. Il ne reste que quelques semaines pour vérifier le potentiel défensif russe. Aussi, le nationalisme défendu de nos jours n’est que la continuité dans le temps, de l’esprit russe, qui se disait toujours à lui-même qu’il est patriote et courageux.      


[1] Combinaison entre soft power (puissance douce et non coercitive) et hard power (utilisation de la force militaire et toutes les formes de sanctions pour imposer sa volonté à un autre Etat).

[2] La Russie a un Etat profond bien séré et convaincu.

[3] La décision de donner aux ukrainiens des avions est encore embryonnaire. Sinon même leur acquisition demande une formation d’au moins une année.

[4] Cette opération correspond à l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne nazie entre le 22 juin 1941 et le 05 décembre 1941.

[5] Cette bataille a eu lieu entre le 05 juillet et le 23 août 1943 au sud-ouest de la Russie, à la limite de l’Ukraine, entre           Orel au nord et Belgorod au sud.

[6] Selon des informations données au lendemain de la chute de l’URSS, la Russie a hérité 13000 Chars.

[7] Pendant les années quatre-vingt on disait que la caisse du léopard II allemand et la tourelle de L’AMX 10 français feraient le meilleur char du monde. Malheureusement en croyant à la victoire de l’Occident sur le communisme, la France n’a pas de chars AMX10 ou Leclerc suffisants, l’Allemagne n’a pas aussi produit assez de Léopard II, de même pour les chars anglais Challenger II et pour les chars Abrams M1. Seules les Etats. Donc, il a fallu compléter la demande à partir des chars de l’Europe de l’Est et d’autres alliés dans le monde.

[8] A titre d’exemple officiellement, la France a fermé ses usines de production et a environ 220 chars dont une partie a besoin de révision et rénovation.

[9] Missiles longue portée GLSDB qui ont une portée de 150 kilomètres et qui constituent un bijou technologique.